Le Mali a annoncé il y a dix jours (le 28 novembre dernier) son retrait de la Cédéao, conjointement avec le Niger et le Burkina Faso. Un départ « avec effet immédiat » selon le communiqué officiel. L'organisation régionale a cependant rappelé rapidement les règles communautaires et le délai d'un an auquel les candidats au départ sont soumis. Dans un courrier adressé mardi 6 février à la Commission de la Cédéao et rendu public ce mercredi, le ministère malien des Affaires étrangères persiste et argumente juridiquement.
La Cédéao avait ouvert la porte à une « solution négociée ». Ça commence mal. Dans son courrier, le ministère malien des Affaires étrangères « réitère » d'abord « le caractère irréversible » de la décision de quitter la Cédéao. L'organisation régionale considère ce choix comme une « impasse », de nombreux partis politiques maliens interpellent les autorités de transition pour leur demander de faire machine arrière : c'est donc une fin de non-recevoir.
« Sans délai »
Et pour la diplomatie malienne, ce départ doit bien se faire « sans délai », comme annoncé et en dépit de l'article 91 du Traité révisé de la Cédéao, qui impose un préavis d'un an.
Bamako argumente juridiquement, plaidant d'abord que les sanctions économiques infligées au Mali en janvier 2022, notamment la fermeture des frontières, n'étaient pas prévues par les textes communautaires, et ensuite que ces sanctions ont « violé le droit d'accès à la mer » garanti par la convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay de 1982.
Des « manquements » qui, « au regard des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 », rendraient « inopérant » le Traité de la Cédéao, et donc ses contraintes en termes de délai.
Débat sur le fond
Sollicité par RFI, un juriste spécialiste de ces questions juge certes la conclusion « abusive » -le Traité de la Cédéao ne devant, selon lui, pas être remis en cause dans son intégralité-, mais il estime surtout que l'argumentation visant à se soustraire au délai d'un an est parfaitement fondée et recevable, a minima pour le Mali et le Niger -le Burkina n'ayant pas subi de sanctions économiques.
Un autre expert estime en revanche que, si la fermeture des frontières n'apparaît pas explicitement dans la liste des sanctions prévues, les textes communautaires offrent bien à la conférence des chefs d'État de la Cédéao le pouvoir de prononcer celle qui leur semblera appropriée. Et de citer l'article 77 du Traité révisé de la Cédéao, ainsi que les articles 3, 6 et 16 de l'acte additionnel de février 2022 fixant les régimes de sanctions. Selon cet expert, l'argumentation de Bamako ne tient donc pas. Car si les sanctions sont régulières, le recours à la Convention de Vienne ne tient plus.
On attend à présent la réaction de la Cédéao. Les hostilités sont lancées.
Des précédents
En avril 2022, saisie par un collectif d'avocats mandatés par le Mali, la Cour de justice de l'Uemoa avait jugé « gravement préjudiciable » l'effet des sanctions de la Cédéao pour l'État et la population malienne, et avait donc demandé leur suspension. Cette demande n'avait pas été mise en oeuvre. À l'époque, la Cour de justice de l'Uemoa n'avait en revanche pas statué sur le fond, à savoir sur la question de la légalité de ces sanctions.
Enfin, on peut rappeler que la convention de Vienne avait déjà été invoquée par les autorités maliennes de transition en mai 2022, lors de la dénonciation des accords de défense qui liaient le Mali à la France. Bamako avait estimé que ces accords avaient été violés et que la Convention de Vienne permettait donc au Mali d'exiger le départ immédiat de la force française Barkhane. Une lecture que la France avait contesté, estimant n'avoir à aucun moment violé ses engagements juridiques, sans pour autant chercher à maintenir ses militaires au-delà de la durée minimale nécessaire à leur rapatriement.