Afrique de l'Ouest: Crise politique consécutive au report de la présidentielle au Sénégal - Macky Sall joue sa survie

Conseil constitutionnel
7 Février 2024

Après le report de la présidentielle initialement prévue pour le 25 février prochain, le Sénégal s'enfonce dans la crise qui a gagné la rue dès les premiers moments de l'annonce par le président Macky Sall, avec des manifestations violemment réprimées par la police. Et malgré l'onction du parlement qui a entériné le report du scrutin le 5 février dernier, la décision continue de faire des vagues au Sénégal où de nombreuses voix, y compris au sein du camp présidentiel, s'élèvent pour dénoncer la mesure.

C'est donc un Macky Sall de plus en plus isolé, qui a d'autant plus le sommeil trouble que l'onde de choc de cette décision aussi inattendue qu'impopulaire, a entraîné des démissions au sein de l'équipe gouvernementale. A l'image du ministre Secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, qui a rendu le tablier le week-end dernier, ou encore de la ministre d'Etat, Awa Marie Coll Seck, qui a emboité le pas à son homologue pour exprimer son désaccord avec la décision du chef de l'Etat.

Toujours est-il que de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui a haussé le ton en appelant à la prise de « toute urgence des mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral » à l'Union européenne en passant par l'Union africaine, la France, les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni et l'Allemagne, la communauté internationale a exprimé son inquiétude au regard de l'évolution de la situation dans le pays.

Macky Sall gagnerait à ne pas minimiser la clameur de son peuple

C'est dire combien la situation sociopolitique demeure fortement préoccupante au Sénégal où l'opposition reste fortement mobilisée contre la mesure de report du scrutin présidentiel au moment où la société civile et les syndicats affûtent leurs armes pour entrer dans la danse. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec ce report inopiné du scrutin présidentiel qui déchaine les passions, le président Macky Sall s'est mis dans de beaux draps. Et il joue d'autant plus sa survie politique que le bras de fer semble parti pour se prolonger avec l'opposition qui reste intransigeante sur le rétablissement du calendrier électoral, au moment où le chef de l'Etat est fragilisé par des fissures au sein de la majorité présidentielle et des défections dans ses propres rangs.

Et c'est peu dire que la situation pourrait se compliquer davantage pour le locataire du palais de la République, si la société civile et les syndicats devaient déclencher leurs mouvements qui pourraient paralyser le pays. C'est dire si, avec cette décision contestée jusqu'au sein de ses propres partisans, le président sénégalais se trouve en pleine tourmente. Au vu de la clameur générale, va-t-il revoir sa copie pour donner une chance à la paix sociale en trouvant un modus vivendi pour désamorcer la crise ? Ou bien va-t-il faire dans le pis-aller et la répression systématique des manifestations en campant sur sa décision ? L'histoire le dira. En attendant, tout porte à croire que malgré l'adoption de la loi par le parlement, la partie est loin d'être gagnée pour le chef de l'Etat. Et s'il n'y prend garde, les choses pourraient tourner mal et dégénérer au point de mettre en péril le reste de son mandat.

Il appartient au peuple sénégalais de prendre ses responsabilités devant l'Histoire

En tout état de cause, face aux vicissitudes de la politique, le peuple sénégalais qui a toujours affirmé sa croyance aux valeurs de la démocratie, a plus d'une fois fait la preuve de sa maturité politique. Et en faisant échec, en son temps, à la forfaiture d'Abdoulaye Wade, il s'inscrivait déjà résolument dans la dynamique de ne laisser passer aucune imposture. C'est pourquoi le président Macky Sall gagnerait à ne pas minimiser la clameur de son peuple, s'il ne veut pas sortir de l'Histoire de son pays par une porte dérobée. C'est le lieu de dénoncer le fonctionnement des institutions dans nos républiques bananières, qui ne rendent pas service à la Nation en se complaisant dans leur rôle de caisse de résonance de l'Exécutif.

Et dans le cas d'espèce du Sénégal, au regard du tollé général contre la mesure, tout porte à croire que les élus qui ont voté la loi querellée, se sont plus inscrits dans l'intérêt du prince que dans celui de la République. Cela est d'autant plus déplorable que de Ouagadougou à Abidjan en passant, entre autres, par Bangui et Brazzaville, ce n'est pas un principe nouveau sous nos tropiques où la majorité parlementaire s'est souvent révélée être un instrument au service du prince régnant. Mais l'histoire a montré que les conséquences de leurs actes peuvent parfois être désastreuses pour le pays. Cela dit, il appartient au peuple sénégalais de prendre ses responsabilités devant l'Histoire.

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