À Saint-Louis, la nouvelle plateforme gazière est désormais visible de tous au large des côtes. Mais l'exploitation ne cesse de prendre du retard ; initialement programmée pour 2023, celle-ci est maintenant annoncée pour le troisième trimestre de cette année. Sur place, les Saint-Louisiens sont inquiets et les retombées tant promises tardent à venir.
Dans le quartier Guet Ndar des pêcheurs de Saint-Louis, de plus en plus de pirogues rentrent bredouille de la pêche.
Assis sur un petit tabouret, le leader syndical Moustapha Diagne dénonce la surpêche et le changement climatique. Mais aussi l'installation de la plateforme gazière à une dizaine de kilomètres au large des côtes. « BP est venu implanter sa plateforme là où il y a le récif qui a le plus de poissons », lance-t-il d'emblée. « Et ce récif qui fait vivre la ville est maintenant interdit à la pêche. On ne peut pas tuer la pêche pour le gaz ! »
La pêche qui est la principale activité à Saint-Louis a donc pris un coup. Mais grâce au gaz, le gouvernement a promis des retombées économiques sur la région et sur la ville, qui se transforme progressivement. « Notre aéroport est devenu international. On a vu aussi l'installation d'une agence CBAO, que le président de la République est venu inaugurer tout récemment », avance Sidy Ba de l'Apix, l'agence de promotion des investissements. « Donc, je pense que tout ça, ça commence à animer le département et la ville de Saint-Louis. »
Pourtant, l'Apix attend toujours des investisseurs privés qui voudraient travailler avec le projet gazier. « Ils n'ont pas encore commencé à venir ici pour dire qu'ils veulent lancer des activités en rapport avec ça », admet ainsi Sidy Ba.
Qualifications inadéquates
La société civile suit de près l'arrivée du gaz. Un observatoire territorial du secteur extractif a été créé avec 30 organisations et des activités de sensibilisation sont organisées auprès de la population. Mais Mohamed Lamine Tall, coordonnateur du Forum civil à Saint-Louis, estime que la ville n'est pas encore préparée pour ce tournant important.
« Le plaidoyer demande à ce que l'État appuie mieux le secteur privé », insiste-t-il. « Je prends juste un exemple : nous n'avons pas d'hôtel avec des capacités d'accueil suffisantes à Saint-Louis. Donc, parfois les gens qui font des activités ici sont obligés de loger à Dakar. »
Autre souci majeur : les entreprises et les travailleurs Saint-Louisiens qui ne sont pas encore formés aux normes des sociétés exploitantes, BP et Cosmos. « Par exemple, lorsqu'on a besoin de plongeurs en haute mer, eh bien ces compétences-là, on ne les a pas ici », soupire Mohamed Lamine Tall. « Il y a des pêcheurs ici qui peuvent le faire, mais qui n'ont pas de certifications », regrette-t-il.
Les contrats sont donc rares : quelques producteurs de riz ont bénéficié de commandes de BP qui doit distribuer des aliments dans le cadre de sa RSE, responsabilité sociale d'entreprise. Du côté des pêcheurs, des discussions ont été entamées avec les exploitants pour construire des récifs artificiels et faire revenir les poissons perdus.