La 10e Conférence des Parties (COP 10) de la Convention Cadre pour la lutte Antitabac (CCLAT) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se déroule actuellement au Panama jusqu'au 10 février 2024. Ce rassemblement biennal, regroupant 183 pays membres, vise à donner le ton aux futures politiques de lutte antitabac.
Malgré le rôle crucial de la réduction des méfaits dans la résolution des problèmes liés au tabagisme, les principales parties prenantes, notamment les experts, les scientifiques, les ONG et les représentants de l’industrie du tabac, se retrouvent exclues des discussions.
Les activistes pro-réduction des risques soutiennent que les produits sans fumée, tels que les cigarettes électroniques à base de nicotine et les produits de tabac chauffé, présentent des alternatives viables et moins nocives aux cigarettes traditionnelles, avec le potentiel d'aider à la cessation.
L’OMS maintient cependant une position ferme selon laquelle ces produits ne facilitent pas l’arrêt du tabac et ne sont pas totalement inoffensifs. Le Directeur de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors de l'ouverture de la conférence le 5 février 2024, a salué le succès des mesures de lutte antitabac existantes, qualifiant le tabac de « la plus grande menace pour la santé publique à laquelle le monde n’ait jamais été confronté ». Ajoutant : "Ensemble, nous avons fait de grands progrès. Nous avons sauvé des vies".
Le débat est-il assez inclusif ?
Tomás Sánchez, président de l'Association panaméenne pour la réduction des méfaits du tabac, critique l'OMS pour avoir mené un dialogue interne qui exclut la prise en compte des nombreuses preuves scientifiques rendues publiques et les réalités du monde. « La COP ne prend pas en considération les multiples preuves scientifiques concernant les alternatives aux cigarettes, et ils ne prennent pas en compte les expériences telles que celles du Royaume-Uni, où des kits de vapotage ont été gratuitement distribués à 1 million de fumeurs afin de les encourager à la cessation », a-t-il déclaré.
L’un des principaux arguments avancés par l’OMS contre les partisans de la réduction des risques est que les nouveaux produits du tabac n’ont pas assez longtemps existé et n’ont pas été suffisamment utilisés pour avoir le recul nécessaire qui permettrait d’affirmer qu’ils sont réellement moins nocifs : "Les données sont insuffisantes pour comprendre l'ampleur de leur impact sur la santé, car les produits ne sont pas sur le marché depuis assez longtemps. Surtout, les effets à long terme de l'utilisation des cigarettes électroniques ou de leur exposition sont encore inconnus."
Malgré la position de l'OMS, diverses études, dont celles publiées par l’institut britannique Public Health England en 2015 et 2022, remettent en question cette affirmation. Le Professeur John Newton, Directeur de la Santé au sein de l’Institution, souligne que le passage aux cigarettes électroniques est nettement moins risqué que le tabagisme et pourrait sauver des millions de vies. « Nous devons rassurer les fumeurs ; le fait de passer à la cigarette électronique serait beaucoup moins nocif que de continuer de fumer, (…) le vapotage par exemple ne représente probablement qu’une fraction de ce risque. »
Ce manque de dialogue assourdissant impacte directement le consommateur, qui est le premier impacté par ces enjeux de santé. Alors que l’OMS et les défenseurs de la réduction des risques restent dans cette impasse, c’est le consommateur qui se retrouve perdu dans la pléthore d’informations contradictoires reçues.
Avec plus de 1,1 milliard de fumeurs dans le monde confrontés à des risques de santé tels que les maladies cardiovasculaires, les cancers et les maladies pulmonaires, l'épidémie de tabagisme pourrait entraîner un milliard de décès d'ici la fin du 21e siècle.
Une approche plus pragmatique et moins dogmatique de la réduction des risques, soutenue par des évaluations d’experts indépendants, pourrait jouer un rôle crucial dans l’atténuation de ce fléau sanitaire mondial.