OUAGADOUGOU — Wendlassida Kantiono, âgée de 8 mois, est le premier bébé à recevoir le vaccin antipaludique RTS,S au Burkina Faso ce lundi, 5 février, 2024. Sa mère, Bénédicte Zongo, ne cache pas son bonheur : « Je suis très soulagée. Le vaccin va désormais aider à protéger mon enfant », se réjouit-elle.
Awa Compaoré, autre mère d'enfants, exprime, elle aussi, sa joie de savoir que sa fillette Sarata (20 mois) qu'elle tient en main, ne souffrira plus des formes graves de paludisme. « Je suis très heureuse que ma fille reçoive ce vaccin parce qu'elle sera épargnée de cette maladie mortelle », dit-elle.
Et de poursuivre : « vous n'imaginez pas comment ce vaccin va nous soulager, les parents. Chaque année, quelle que soit la période, ma fille fait des crises de paludisme. Et, souvent, pour lui payer les médicaments pour son traitement, nous avons toutes les difficultés du monde ».
"Ce vaccin, qui est le premier vaccin contre le paludisme dans l'histoire de l'humanité, a présenté un bon profil de sécurité et d'efficacité qui permettra de protéger efficacement nos enfants contre cette maladie"Emmanuel Nanéma, CNRST
Introduit désormais dans le Programme élargi de vaccination (PEV), le vaccin contre le paludisme a enregistré ses premières injections ce 5 février 2024 avec des doses du vaccin RTS,S, le tout premier vaccin recommandé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) contre cette maladie.
Dans un premier temps, cette vaccination va concerner les enfants âgés de 5 à 23 mois. Pour cette première phase, ce sont au total 218 222 enfants issus de 27 districts sanitaires sur 70 existants qui bénéficieront de la vaccination.
Sylvie Nikiéma, une mère de famille, estime que l'introduction du RTS,S dans la vaccination de routine est un rêve qui a été nourri par de nombreuses mères depuis longtemps.
« Chaque crise de paludisme est un moment d'angoisse pour ma famille. Souvent, pour payer un antipaludique pour mes deux enfants, c'est très difficile. Il faut recourir à l'aide de bonnes volontés. Mais, avec ce vaccin gratuit, je pense que mes enfants seront mieux protégés. Et les angoisses financières seront un mauvais souvenir», lance-t-elle avec soulagement.
En effet, sa fille Irène (16 mois) n'échappe pas au paludisme en saison pluvieuse comme en période sèche. « Ma fille a reçu sa dose. Ce vaccin va vraiment nous soulager d'un lourd fardeau. Car, financièrement, traiter un paludisme, c'est très coûteux », affirme Sylvie Nikiéma.
John Agbor, représentant de l'UNICEF au Burkina partage l'optimisme de ces mères d'enfants qui accueillent le vaccin antipaludique avec enthousiasme et espoir.
« S'il est mis en oeuvre à grande échelle, il peut sauver des dizaines de milliers de vies chaque année. Ce vaccin vient à point nommé, en complément de toutes les autres mesures mises en place dans le souci de sauver des vies », soutient-il.
Seulement, il n'y a pas pour le moment assez de doses pour tout le monde. « Nous avons reçu 878 000 doses. Le RTS,S est un vaccin sûr et efficace qui s'administre en quatre doses, au 5e, 6e, 7e et 15e mois », révèle le ministre de la Santé, Lucien Kargougou qui s'exprimait lors de la cérémonie de lancement officiel de l'introduction du vaccin antipaludique dans la vaccination de routine.
Il ajoute que « ces districts sanitaires ont été choisis sur la base de la gravité du paludisme et du taux élevé de décès liés à cette maladie ».
De son côté, Issa Ouédraogo le secrétaire général du ministère de la Santé a fait savoir que l'objectif est de renforcer l'immunité d'au moins 95% des enfants dans les districts concernés et de réduire considérablement la mortalité infantile.
« Dans les districts choisis, l'administration des doses du vaccin se fera lors des séances de vaccination de routine en stratégie fixe dans les formations sanitaires et en stratégie avancée dans les sites habituels de vaccinations dans les villages », confie-t-il à SciDev.Net.
« Nous avons des stratégies spéciales que nous allons organiser au profit des populations déplacées internes et des populations qui vivent dans des zones difficilement accessibles», ajoute Issa Ouédraogo.
Sécurité et efficacité
Selon le ministère de la Santé, le Burkina a enregistré environ 10,2 millions de cas de paludisme en 2023, avec plus de 500 000 cas graves et quelque 5 200 décès dont 3 721 chez les enfants de moins de 5 ans. Ce qui représente de 72% de l'ensemble des décès liés à la maladie.
« Les enfants de moins de 5 ans sont, avec les femmes enceintes, les plus vulnérables au paludisme. C'est justement cette frange de la population qui paie le plus lourd tribut face à cette maladie. Car, ils ont une immunité non mature pour les enfants et en baisse pour les femmes enceintes, face au paludisme », commente Christian Kompaoré, le secrétaire permanent pour l'élimination du paludisme.
Emmanuel Nanéma, directeur général du Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST), explique que le Burkina Faso, à travers l'unité de recherche clinique de Nanoro, a participé avec six autres pays africains, aux essais cliniques de la phase 3 pour le développement du vaccin RTS,S.
« Ce vaccin qui est le premier vaccin contre le paludisme dans l'histoire de l'humanité, a présenté un bon profil de sécurité et d'efficacité qui permettra de protéger efficacement nos enfants contre cette maladie », rassure-t-il.
D'ores et déjà, d'après Halidou Tinto, l'investigateur principal du projet d'essais cliniques sur le candidat vaccin R21/Matrix-M, il y a une deuxième génération de vaccin sur laquelle son équipe est en train de travailler.
« Il s'agit du R21 qui a été recommandé l'année dernière pour être déployé et nous espérons que ce déploiement aura lieu d'ici à la fin de l'année pour venir compléter le nombre doses. Parce qu'il y'a un manque de doses du RTS,S et 27 districts sanitaires seulement qui vont bénéficier de cette vaccination ». Avec l'arrivée du deuxième vaccin, « nous espérons couvrir l'ensemble du territoire », soutient-il.