S'il n'y a pas d'alternance, ce serait la faute aux opposants togolais
C'est la nouvelle antienne qu'on entend désormais partout, dans les conversations et sur les réseaux sociaux. Les opposants sont corrompus, faibles, sans programme. Certaines accusations vont plus loin : aucun opposant n'a la carrure pour diriger ce pays.
C'est une technique de communication qui est très subtile mais diablement efficace. Un tel discours enlève à ceux qui sont au pouvoir depuis des décennies toute responsabilité et toute redevabilité, en rendant l'opposition seule coupable de ses échecs. En fait, il y'a pas d'alternance parce que le pouvoir est fort, non, du tout, c'est parce que les opposants n'a valent rien. Et founoufa.
Je ne suis en politique que depuis 12 ans. Pendant cette décennie, j'ai suivi les trajectoires des acteurs politiques de l'opposition car ayant frayé avec eux. Tous les leaders politiques de ces dix dernières années se sont tous affreusement appauvris. Chaque élection est une source d'endettement, chaque congrès est une source d'endettement, chaque décès ou maladie d'un militant est une source d'endettement. Je ne parlerai pas de moi particulièrement car je n'aime pas m'apitoyer sur mon sort. Mais nous avons tous vendus notre maigre patrimoine pour Faure vivre nos différents partis et participer à la vie politique. Je ne sais pas comment cela se passe dans les autres pays, mais au Togo, les militants ne cotisent pas, tous partis politiques confondus.
Si on y regarde de près, l'alternance politique dans notre pays arrivera de façon inattendue, peut être un accord politique ou une transition, et non à l'issue d'une élection classique. Le fossé en termes de ressources et de leviers fonctionnels est abyssal. On peut toujours arguer que le voisin de face triche, mais de ce que je sais aujourd'hui est que tout le monde triche quand il le peut. Mais de mon point de vue, l'alternance politique ne résultera que d'un changement profond de mentalités.
Au Togo, nous allons aux élections avec des compatriotes persuadés que le voisin d'en face va gagner. Et tout finit par être mis en oeuvre pour cela. Je donne un exemple très simple. Chaque candidat a le droit d'être représenté dans le bureau de vote par un délégué. Il y'a 12000 bureaux de vote, si vous vous engagez à payer à chacun des délégués 2000f, ceci fait 24 millions à sortir après la campagne. Quel opposant a cet argent au Togo ? Pourtant ailleurs, les représentants des formations politiques dans les bureaux de vote sont des bénévoles. Au Togo, nos propres militants refusent de faire du bénévolat, et parfois, quand ils sont là, c'est qu'ils émargent ailleurs. Et quand bien même vous faites l'effort de payer ces délégués, ou si vous avez des membres de bureau de vote au titre de la Ceni, c'est difficilement que vous pourrez rassembler les Pv en vue des contestations éventuelles. Certains délégués ne viennent pas dans leur bureau de vote, d'autres partent avant le dépouillement, d'autres même pré-signent le Pv avant le début des votes. Si vous remontez aux élections de ces 20 dernières années, l'opposition n'a jamais été en mesure d'apporter la preuve de sa victoire, ne serait-ce que sur un fichier Excel présenté à l'opinion publique, tout simplement parce que nous avons toujours du mal à réunir tous les Pv. Même les Pv saisis en 2010 au Cesal n'étaient pas complets.
Donc, cette communication qui consiste à dire que le statut quo est de la responsabilité de l'opposition est sournoise mais efficace. De toutes les façons, personne ne serait aujourd'hui, au sein de l'opposition, en capacité à diriger le pays. Le débat est ainsi clos avant même de commencer.
Il faut un nouveau paradigme. Il faut que le peuple prenne juste conscience que c'est lui qui mène la danse et que les acteurs politique ne sont que des pions dans ses mains. Le peuple peut décider de conserver les dirigeants actuels (pourquoi pas ?) ou les remplacer. Mais cette prise de conscience est encore loin. Nous sommes dans la matrix. Voilà pourquoi il faut certes avoir de l'ambition politique dans ce pays, mais surtout ne pas oublier de vivre sa vie. L'avenir est comme la prophétie dans la bible. Nul ne sait ni le jour, ni l'heure. C'est peut-être demain, c'est peut-être jamais.
En vérité, et pour conclure, ce n'est pas le voisin d'en face qui est fort, ce n'est pas l'opposition qui est faible, c'est notre peuple qui n'est pas encore préparé et prêt. Le jour où il le décidera, il réalisera l'alternance. C'est peut-être demain, c'est peut-être jamais. C'est lui qui décide.
Je ne demande pas votre avis particulièrement sur ce sujet. J'avais ça à dire et je l'ai dit. C'est tout.
Ayons foi en notre peuple, vivants.