Afrique de l'Ouest: Réunion extraordinaire ministres CEDEAO - Ces patates chaudes qui ébranlent la Communauté !

C'est une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de la CEDEAO qui s'est tenue hier à Abuja. Elargie à des délégués de la commission de l'Union africaine, elle avait à son ordre du jour les brûlants dossiers du retrait de l'organisation annoncé par le Burkina, le Mali et le Niger, sans oublier le cas sénégalais avec le report surprenant de l'élection présidentielle.

A l'heure où nous mettions sous presse, les conclusions de cette réunion ne nous étaient pas parvenues. Qu'importe, les ministres ont été saisis des questions d'actualité qui mettent l'organisation régionale sur la brèche, aujourd'hui plus qu'hier, car elle y joue, au-delà de sa crédibilité, sa cohésion, voire son existence.

Pas moins que cela, vu les positions rigides et antagoniques qui divisent les Etats membres sur ces dossiers. On attend donc de voir la hauteur de la perspicacité des propositions que feront les ministres des Affaires étrangères aux chefs d'Etat pour remettre à flot le navire CEDEAO aux prises avec des vents contraires à son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance.

En effet, ce Protocole de 50 articles, signés par les Etats membres en décembre 2001, est le noeud gordien, pour ne pas dire le casus belli, qui n'est pas loin de casser la dynamique de l'intégration régionale enclenchée depuis bientôt 50 ans. Alors qu'il a été conçu afin de compléter et d'améliorer le Protocole de décembre 1999, relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité au sein de la Communauté, il est devenu source de mésentente grave qui met à mal l'organisation.

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De fait, c'est parce que les dispositions de ce Protocole ont été opposées aux gouvernements de transition du Mali, du Burkina et du Niger par la Commission et les chefs d'Etat, leur exigeant des élections dans de brefs délais afin de renouer avec "l'ordre constitutionnel normal", sans prendre en compte la gestion, le règlement des conflits, ni le maintien de la paix et de la sécurité dans ces 3 pays, que ces derniers ont affiché leur volonté de retrait. C'est une lapalissade que d'affirmer que les gouvernements burkinabè, malien et nigérien sont en désaccord total avec les organes décisionnels de la CEDEAO, jugés plus prompts à les condamner qu'à exprimer une solidarité agissante, cohérente et appuyée pour les aider à sortir de leur situation de guerre. Le pic de ce manque de solidarité et de vision panafricaniste, selon la déclaration conjointe des 3 Etats en rupture de banc avec la CEDEAO, ce sont les sanctions injustes qui leur sont imposées, en violation des textes et de l'idéal des pères fondateurs de l'organisation. Ces manquements sans égard pour leur souveraineté et les souffrances des populations confrontées à l'insécurité persistante justifient leur retrait de l'organisation, ici et maintenant, selon leur déclaration conjointe.

C'est au nom du même Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance que la Commission de la CEDEAO a exhorté le gouvernement sénégalais à respecter son calendrier électoral initial. Mais elle a essuyé comme une fin de non-recevoir quand le ministre des Affaires étrangères de Macky Sall a affirmé que le Sénégal privilégie un agenda national. Lequel agenda a donné, par le truchement d'un vote à l'Assemblée nationale, une prolongation du mandat présidentielle sur 9 mois. L'élection présidentielle, qui était ainsi prévue pour ce 25 février, est reculée jusqu'au 25 novembre 2024, et sait-on jamais si rien ne viendra exagérer cette prolongation !

Ce report de dernière minute de la présidentielle au Sénégal s'assimile, selon l'opposition, à un calcul politicien qui consiste à changer les règles du jeu démocratique en pleine compétition électorale ; ce qui est contraire aux dispositions du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO.

Plus d'un observateur est alors attentif aux recommandations que va faire ce Conseil des ministres extraordinaire à propos du Sénégal. Pour un moindre problème, la corruption présumée de 2 juges du Conseil constitutionnel, Macky Sall, l'un des présidents qui poussait à la roue pour la prise de sanctions contre le Burkina, le Mali et le Niger, confrontés à une insécurité rédhibitoire, viole le fameux Protocole de décembre 2001. Le Sénégal sera-t-il alors sanctionné par la CEDEAO ? Si oui, à quelle hauteur ? L'organisation lui enverra-t-elle "un représentant permanent" pour négocier l'impossible respect du calendrier électoral ou, a minima, exiger la libération des opposants arrêtés avec l'espoir de trouver un compromis pour faire baisser le mercure sociopolitique afin d'envisager une présidentielle dans des délais plus raisonnables que le presque un an de bonus que s'est accordé Macky Sall ?

Par ailleurs, on scrutera les propositions des ministres des Affaires étrangères et des délégués de l'Union africaine pour réduire la grande tension entre la CEDEAO et les Etats de l'AES. C'est connu, ces derniers rejettent jusqu'au délai d'un an statutairement prévu pour acter leur retrait de l'organisation régionale. Ce délai étant assimilable à un temps de réflexion, de négociation, bref, à une main tendue, si celle-ci n'est pas saisie, la CEDEAO sera à la croisée des chemins et il faudra bien plus qu'une réunion extraordinaire de ministres pour espérer la voir souffler ses 50 bougies d'anniversaire à l'unisson des 15 pays membres. De là à dire que ces dossiers brûlants sont des patates chaudes qui ébranlent l'organisation, il n'y a qu'un pas !

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