Ile Maurice: Un pavé dans la mare subsides pour la presse écrite ?

Le Premier ministre a déclaré que son ennemi, c'est la presse, qui célèbre ses 250 ans d'existence ! Beaucoup vont sans doute ricaner en lisant ce titre pour le moins provocateur. Navin Ramgoolam, dans le passé, s'en est pris égalementà la presse. La presse écrite crédible, c'est la bête noire des leaders politiques. Quand ils sont au pouvoir, ils la boycottent; dans l'opposition, ils y trouvent un exutoire pour leurs récriminations. Ils n'ont toujours pas compris depuis l'indépendance que la presse avec ses défauts est indispensable dans toute vraie démocratie. Le pont entre les citoyens et les décideurs. Elle critique, mais fait aussi des éloges quand il le faut. Hélas, nos leaders sont très susceptibles. Ils n'adorent que quand un journal est entièrement dévoué à leur cause.

Des subsides existent ailleurs

Sous forme d'aides diverses ou de subventions à des projets, beaucoup de pays démocratiques viennent à la rescousse de la presse écrite. Citons l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays Bas, le Royaume Uni, la Suède, la Suisse, pour ne citer que les plus connus.Ces aides prennent différentes formes comme une baisse spéciale sur la TVA, des tarifs postaux préférentiels, la baisse des revenus publicitaires avec l'avènement d'Internet et des réseaux sociaux.

Les fidèles lecteurs se trouvent dans les tranches les plus âgéset non chez les jeunes. Or, ces derniers ne trouveront jamais ailleurs des informations complètes, analysées, hiérarchisées comme dans un journal papier. En Suède, 88 % des lecteurs âgés de 15 à 79 ans lisent un quotidien. En revanche, le nombre de lecteurs est en baisse en France. L'Équipe, quotidien sportif, et Le Canard enchaîné, un hebdomadaire satirique, sont des exceptions. Les subventions vont en général surtout aux journaux minoritaires et fragiles.

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Chez nous, la presse papier tente depuis des années de trouver d'autres sources de revenus. Certains, comme l'express, ont beaucoup diversifié leurs publications avec des magazines thématiques ou des travaux d'imprimerie. Ailleurs, on a tenté de diversifier l'actionnariat mais les investisseurs ne se précipitent pas. Les recettes publicitaires de la presse papier sont aussi en baisse avec la concurrence des radios privées. En fait, la presse écrite traverse une crise économique. Et pas un seul dirigeant n'a levé le petit doigt pour venir à la rescousse, trop heureux de se débarrasser de ces chiens de garde de la démocratie.

Des coûts en hausse

Hormis les petits journaux qui luttent pour subsister, nous assistons maintenant à la création de groupes de presse, comme c'est le cas à l'étranger. La menace de disparition n'est pas un leurre. L'économie de la presse écrite a connu une mutation avec, par exemple, l'arrivée des principaux journaux en ligne où on peut s'abonner. De mini-journaux télévisés encore en rodage sont proposés.

Les coûts de production ont beaucoup augmenté dans ce qui est devenu une véritable industrie. Alignez les coûts du papier en dents de scie, une imprimerie moderne, une diversification des publications pour attirer de nouveaux lecteurs, une plus grande surface rédactionnelle, l'arrivée de logiciels, la formation d'un nouveau personnel, la recherche constante de développement et d'innovations. La marge d'autofinancement est mince sans oublier, en cas d'emprunts, des taux d'intérêts élevés. La rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous, d'où le recours aux subsides comme dans les pays démocratiques.

Quatrième colonne

Toute vraie démocratie repose sur trois colonnes, plus une quatrième incontournable. La première est l'exécutif issu des élections générales pour diriger le pays; la deuxième, le législatif qui doit exercer un contrôle sur l'exécutif, soit le Parlement. Notre Parlement actuel détonne à côté de tous les précédents. Jamais auparavant il n'avait connu autant de suspensions de députés de l'opposition à la moindre occasion. Un record. Les citoyens s'étaient réjouis à l'annonce que les débats seraient retransmis en direct à la télé. Un pas en avant vers une démocratie directe.

Quelle désillusion ! Notre Parlement fait honte à la réputation de notre pays. Questions et surtout réponses qui traînent volontairement en longueur pour gagner du temps évitant ainsi d'autres questions pourtant programmées. Tout commentaire d'un membre de l'opposition lui vaudra une suspension de la part du speaker, véritable cerbère du pouvoir. Au lieu d'être un forum de discussions et d'échanges d'idées, notre Parlement est presque devenu une farce digne d'une pièce de théâtre de boulevard.

Le pouvoir judiciaire représente la troisième colonne. Croulant sous le nombre d'affaires, la justice, même dans des cas très graves, accumule de longs retards. Les renvois sont monnaie courante. Certaines affaires délicates (Kistnen, Franklin, la nouvelle Financial Crimes Commission, qui a décapité toutes les autres instances pour être le deus ex-machina, l'affaire des coffres-forts...).

Heureusement que la presse écrite existe pour informer et s'ériger en quatrième pouvoir. À ce propos, quand nos leaders politiques comprendront-ils que ce n'est pas en monopolisant le journal télévisé de 19 h 30 qu'on gagne des élections ? Douce naïveté de l'amateurisme. Ce faisant, ils ne réalisent pas qu'ils ouvrent une large avenue inoccupée à la presse écrite pour informer, analyser et débattre. C'est un cadeau qu'ils offrent à la presse papier trop heureuse d'être la source numéro un - et de loin - d'informations crédibles dans tous les domaines. Cette presse doit remercier le ciel de pouvoir jouer son rôle de contre-pouvoir démocratique.

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards boiteux ! Une énigme salvatrice. Pourquoi le pouvoir ne fonde-t-il pas son propre journal (ce ne sont pas les moyens qui lui manquent) dans lequel il publierait ce qu'il voudrait. Au passé comme au présent, de telles tentations finn bat lamok. Pourquoi ça n'a jamais marché face à la crédibilité des autres grands journaux ? Il n'est pas trop tard avant les élections. Qu'il montre ses muscles en matière de journalisme. Chiche !

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