Dakar — L'archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye, invite les Sénégalais à faire en sorte que "l'intérêt supérieur de la nation prévale sur les calculs politiques", d'autant plus que, à son avis, les raisons invoquées par le président de la République pour ne pas tenir l'élection présidentielle à la date initialement prévue "ne sont pas claires pour tout le monde".
"Cela m'étonne que l'on ait pu remettre en cause tout un processus qui, malgré ses défauts et ses difficultés, était en voie d'être engagé pour la consultation du peuple sénégalais", a souligné d'abord le chef de l'Église catholique au Sénégal.
Dans une vidéo publiée sur YouTube par Kto, un média proche de l'Église catholique, l'archevêque de Dakar dit avoir l'impression que les Sénégalais sont "victimes de calculs politiques qui ne veulent pas dire leur nom".
"Nous avons écouté le président de la République, Macky Sall, en donner les raisons (les raisons du report du scrutin présidentiel). Elles ne sont pas pour autant claires pour tout le monde. Et c'est mon cas d'ailleurs [...] Tout était balisé jusqu'ici" en vue de l'élection d'un nouveau président de la République, le 25 février prochain, a-t-il poursuivi.
À cause des "contestations d'un parti politique, on remet en cause tout un processus", a fait remarquer le guide religieux.
"Le chef de l'État a sans doute les moyens physiques et matériels de maîtriser une situation, mais cela se passe quand même dans une ambiance de mécontentement. Et pour cette raison-là, vraiment, nous sommes dans une impasse qui me paraît assez grave", s'est-il inquiété en parlant de "manigances politiques".
L'archevêque de Dakar soutient que "la paix ne peut provenir que de la justice et de la vérité".
"Qu'on discute de projets de société..."
Selon lui, les évêques, les imams et les oulémas du Sénégal envisagent de publier "un communiqué conjoint" pour inviter le peuple sénégalais à "une campagne électorale civilisée".
"Je m'associe aux autres chefs religieux dans la prière, pour qu'il n'y ait pas, lors de la campagne électorale, des insultes ou de la violence. Qu'on discute de projets de société autour des valeurs qui nous mettent ensemble [de] construire notre pays", a poursuivi Monseigneur Benjamin Ndiaye.
Macky Sall a annulé le décret avec lequel il avait convoqué les Sénégalais aux urnes le 25 février prochain pour l'élection d'un nouveau président de la République. En prenant cette décision, il a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats parmi ceux qui ont procédé à l'examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d'entre eux.
Une commission d'enquête parlementaire a été constituée à la demande de l'ex-parti au pouvoir, le PDS, dont le dossier de candidature a été rejeté par le Conseil constitutionnel en raison de la double nationalité de son candidat, l'ancien ministre Karim Wade.
L'Assemblée nationale a voté une proposition parlementaire reportant l'élection présidentielle au 15 décembre prochain. Lors du vote, des députés protestant contre cette proposition et le report du scrutin ont été expulsés de l'hémicycle par la Gendarmerie nationale.
Jeudi, 39 députés de l'opposition ont déposé au greffe du Conseil constitutionnel une saisine en inconstitutionnalité contre la loi reportant l'élection présidentielle.