Ile Maurice: «Apprendre à nager, c'est être vacciné contre la noyade»

11 Février 2024

Depuis le début de l'année, Maurice a enregistré sept cas de noyade, survenant aussi bien en mer que dans des étangs. Ces tragédies ont touché aussi bien des jeunes que des adultes, tous confrontés à la force implacable de l'eau. Selon des spécialistes consultés, il est clair que bon nombre de ces incidents auraient pu être évités avec des mesures appropriées.

Les élèves de grade 4 ont déjà une initiation à la natation grâce à un projet lancé en 2017. Initialement, une trentaine d'écoles avaient été sélectionnées pour y participer avant que le programme ne soit étendu à de nombreuses autres écoles primaires. Sous la supervision du Mauritius Sports Council (MSC) et avec l'assistance de plusieurs entraîneurs, ces enfants sont dirigés vers les piscines où ils acquièrent des compétences en natation et y développent un intérêt. Plus de 10 000 enfants participent actuellement à ce projet, qui bénéficie du soutien des ministères de l'Éducation et des Sports ainsi que de partenaires comme la compagnie Quality Beverages Ltd. En 2022, celle-ci s'était engagée à investir jusqu'à Rs 11 millions sur trois ans pour fournir bonnets de bain et sacs de piscine aux élèves, ainsi que pour soutenir l'entretien des piscines, entre autres initiatives.

Cependant, cette année, les cours n'ont pas encore commencé, mais selon le président de la Government Teachers' Union, Vishal Baujeet, cela ne devrait pas tarder. Il souligne que cette activité est bénéfique aux enfants car elle les familiarise avec l'eau. «En raison des récentes mauvaises conditions météorologiques, le ministère n'a pas encore lancé le programme pour 2024. Son objectif principal est d'introduire les élèves à la natation pour favoriser leur développement global.» Ensuite, le ministère de l'Éducation assure un suivi. «Une évaluation est effectuée à la fin du programme, en se basant sur le taux de présence des élèves et leur niveau de familiarisation avec les activités de natation.» Les parents sont ensuite libres de continuer le programme avec leurs enfants. «En plus du programme scolaire, les parents ont la liberté de poursuivre l'initiation à la natation dans les piscines dans l'intérêt du bien-être de leur enfant.»

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Cependant, malgré le démarrage de l'apprentissage pour les jeunes, il est indéniable que de nombreux Mauriciens ne savent pas nager. Certains adoptent également une attitude négligente, souligne Idriss Suffraz, entraîneur de natation. «Il est crucial de reconnaître ses limites, car soit on est un nageur confirmé, soit on ne l'est pas. Il est important de se rappeler que l'eau est beaucoup plus dense que l'air. Apprendre à nager est essentiel pour connaître ses propres limites. La natation agit comme un vaccin contre la noyade.»

Cela soulève alors la question fondamentale : pourquoi tant de personnes se noient-elles ? «Ces individus manquent de familiarité avec le milieu aquatique, car tout change dans l'eau. Il est crucial de se rappeler que sur terre, une personne est en position verticale, tandis que dans l'eau, elle est à l'horizontale. De plus, un nageur doit être capable d'expirer sous l'eau. Si ce n'est pas le cas, des toxines s'accumulent dans le corps, contribuant à l'asphyxie.» Selon l'entraîneur, il est essentiel que les parents apprennent à leurs enfants à nager dès leur plus jeune âge. «Surtout dans un pays entouré d'eau. Bien que l'eau soit synonyme de vie, elle peut aussi la reprendre.»

Pour Idriss Suffraz, il est essentiel que chacun ait une notion de base en natation. «Ainsi, peu importe la situation difficile, la personne peut se retrouver ou même flotter. Cependant, si elle n'y parvient pas, elle risque de s'enfoncer. De plus, lorsqu'une personne se retrouve seule, que ce soit en mer ou dans une piscine, ses chances de se noyer sont moindres que si elle est entourée d'amis ou de connaissances. Certaines personnes ont tendance à vouloir impressionner les autres avec leurs compétences, mais cela peut rapidement mal tourner...»

C'est également l'opinion de Viraj Ramharai, officier de sécurité aquatique à temps partiel. «La négligence est la principale cause de noyade. Il y a un aspect de ne pas franchir les limites. Pour expliquer cela, quand on va à la piscine ou à la mer, il est essentiel de savoir se contrôler, en particulier pour ceux qui consomment des boissons alcoolisées.» Selon lui, il serait nécessaire d'avoir une loi ou une autorité capable de sanctionner ceux jugés coupables, tout comme dans le cas de ceux qui conduisent en état d'ivresse. En abordant la question de négligence, il soulève un autre point important : l'omniprésence des réseaux sociaux dans la vie quotidienne. «Les gens ont tendance à prendre des photos près des rivières ou des étangs sans réaliser que cela peut être dangereux.»

De plus, après le passage d'un cyclone, de nombreuses personnes se précipitent à la mer, ignorant les recommandations des autorités. «Souvent, ce sont les jeunes qui agissent de manière négligente. Je pense que les parents ont un rôle à jouer dans cette situation. Ils doivent être informés des déplacements de leurs enfants. Et si ces derniers ne respectent pas leur autorité, il devrait y avoir des mesures pour les sanctionner. Avec tant de conventions pour la protection des enfants de nos jours, les parents se retrouvent parfois démunis. Que faire lorsque l'enfant ne respecte pas l'autorité parentale ?» Il suggère un suivi plus approfondi des jeunes considérés comme turbulents par des professionnels.

Par ailleurs, Viraj Ramharai souligne le besoin de valoriser davantage la profession de sauveteur, car ces individus risquent leur vie pour sauver celle des autres. «Ils ne reçoivent même pas une rémunération adéquate. Ils mettent leur vie en danger pour un salaire parfois inférieur à Rs 15 000. De plus, nous ne valorisons pas suffisamment les compétences locales», déplore-t-il. Selon lui, certains Mauriciens ne savent pas nager car ils ne considèrent pas cela comme une priorité. «Il est également nécessaire d'investir financièrement pour apprendre à nager, mais certains n'en réalisent pas l'importance», ajoute-t-il. En fin de compte, il est essentiel que chacun ait l'opportunité de maîtriser la natation pour ne pas être submergé par la force des eaux.

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