Afrique de l'Ouest: Report de la présidentielle sénégalaise - La CEDEAO face à la quadrature du cercle

Attendu hier lundi 12 février 2024 à Dakar, le chef de l'Etat nigérian, Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO, n'y a finalement pas effectué le déplacement. Un séjour express au cours duquel il devait s'entretenir avec son homologue sénégalais, Macky Sall, et des acteurs de l'opposition au sujet de la crise sociopolitique qui secoue le pays suite au report controversé de la prochaine présidentielle.

En effet, dans une adresse à la nation en début de ce mois, le président sortant a annoncé l'abrogation du décret portant convocation du corps électoral pour le scrutin du 25 février. Une décision inédite dans l'histoire politique du pays de Léopold Sédar Senghor et dont le but est de garantir les conditions d'une « élection transparente et plus inclusive », selon son auteur.

Mais il fallait bien plus qu'une telle explication pour obtenir la caution de l'opposition et d'une grande partie de la société civile, qui y voient un procédé dilatoire pour prolonger le mandat actuel après l'échec d'en obtenir un troisième.

Malgré l'onction de l'Assemblée nationale, qui a voté la loi portant report du scrutin, la vague de désapprobations ne s'est guère estompée.

Bien au contraire, des scènes de guérillas urbaines ont éclaté dans plusieurs villes, opposant manifestants et forces de l'ordre.

On y déplore, à ce jour, trois pertes en vie humaine et de nombreuses arrestations.

C'est dans ce contexte d'insurrection quasi généralisée que le président en exercice de l'organisation ouest-africaine devait se rendre hier à Dakar pour convaincre son pair de renoncer à son projet, considéré comme un « coup d'Etat constitutionnel » par ses contempteurs.

Une mission de déminage dont Bola Tinubu se serait bien passé, lui dont l'institution fait face à des tombereaux de critiques virulentes, particulièrement au Burkina Faso, au Mali et au Niger, qui ont fini par s'en séparer.

Voilà donc la CEDEAO face à la quadrature du cercle sénégalaise après avoir haussé le ton pour le « rétablissement urgent du calendrier électoral ». Sans que l'on sache si véritablement elle a les moyens ou la ferme détermination de se faire entendre par l'enfant de Fatick. Un cruel dilemme, s'il en est.

Car si l'organisation sous-régionale ne fait pas preuve de fermeté contre le locataire du palais de la République, accroché à son fauteuil tel un mollusque à son rocher, à l'évidence on lui dressera un procès retentissant en complaisance avec les « putschistes civils ».

Pour autant, ira-t-elle jusqu'à brandir le spectre des sanctions commerciales, voire de l'intervention militaire, en cas d'obstination de Macky Sall à rester au pouvoir au-delà de la date butoir du 2 avril ?

Reconnaissons-le, le coup d'Etat militaire intervenu au Niger, en proie à des sanctions de la CEDEAO, est sans commune mesure avec la situation actuelle au Sénégal. Il n'empêche, on ne voit pas comment elle pourrait échapper à l'accusation de faire du deux poids, deux mesures au cas où elle n'irait pas au-delà de sa simple exhortation « au rétablissement urgent du calendrier électoral ».

Même éventualité qui plane sur l'Union africaine, l'Union européenne et les autres partenaires multilatéraux du Sénégal consternés de voir l'ancien phare de la démocratie de plus en plus évanescent.

Cela dit, maintenant que la mission a été reportée ou annulée, c'est selon, sans raison officielle ni nouvelle date, faut-il y lire quelques signes de l'embarras dans lequel se trouve la CEDEAO ?

Pour sûr, à Ouagadougou, Bamako et Niamey, on doit rire sous cape face à cet exercice de funambulisme politico-diplomatique auquel Macky Sall çvient de soumettre l'institution communautaire ouest-africaine.

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