«Au rythme actuel d'urbanisation, près de la moitié de la population de Madagascar vivra en ville et l'agglomération d'Antananarivo atteindra presque 8 millions d'habitants, à l'horizon 2020» pouvait-on lire dans une étude de la Banque mondiale en 2011 («L'urbanisation ou le nouveau défi malgache», p.24). «Dans un proche avenir, la périphérie d'Antananarivo pourrait s'étendre jusqu'à Imerintsiatosika et se fusionner avec la commune urbaine d'Arivonimamo vers le Sud-Ouest, vers la commune rurale d'Ambalavao au Sud, vers Manjakandriana à l'Est, et vers la commune rurale de Mahitsy au Nord-Ouest et Ambohimanga-Rova au Nord» (L'urbanisation, p.13). Quelques années plus tôt, en 2004, le Pudi-Horizon 2015 évoquait déjà Antananarivo comme une mégalopole incluant 29 communes périphériques en dehors de ses arrondissements (dont Alakamisy-Fenoarivo ou Ambohidratrimo).
Encore plus en amont, décembre 1996, le numéro 15 de «Ville Nouvelle», bulletin d'information de l'AGETIPA (agence d'exécution des travaux d'infrastructures publiques d'Antananarivo) éditorialisait sur «Le défi urbain» : «On recommence aujourd'hui à parler du «Grand Tana», un peu n'importe comment. Certains, y compris des responsables gouvernementaux de haut niveau, croient fermement au pouvoir miraculeux des plans directeurs d'urbanisme.
En réalité, au lieu d'établir des modèles de croissance urbaine et d'essayer de les réaliser, il importe plutôt de se concentrer sur la mise en place de stimulants et de politiques économiques qui puissent influencer les décisions des entreprises et des individus à propos du choix de leur implantation et de leur résidence. C'est donc un problème d'aménagement du territoire».
Sa population et son poids économique font de la ville d'Antananarivo-Renivohitra la 24ème Région ou la 7ème Province de Madagascar. La Capitale subit un triple exode (rural, régional, national) et la surcharge consécutive sur l'ensemble des infrastructures (alimentation en eau, raccordement à l'électricité, volume des ordures, ratio habitants/habitat, densité humaine au km2, kilométrage de voirie, pression sur le milieu naturel) pousse à un tel désordre structurel que l'histoire de la Ville et son identité même s'en trouvent menacées.
En une transhumance à heures fixes, qu'on peut comparer à la ponctualité du rendez-vous des gnous du Seringueti avec les crocodiles du fleuve Mara, des milliers d'automobilistes se retrouvent dans les bouchons. Les bypass, rocades et bretelles : ces nouvelles voies cumulent des kilomètres d'embouteillages avant et après les heures de bureau ou d'école. Tout le monde continue de converger vers le centre-ville d'Antananarivo.
Le jour où on aura démocratisé l'hélicoptère individuel, on trouvera encore le moyen d'habiter Antsirabe mais travailler à Antaninarenina. Comme ces gens en TGV qui s'extasient de faire Paris-Lille-Paris dans la journée. Cadeau empoisonné.
Partir «dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne», et être de retour aux dernières lueurs du jour. Équation urbaine infernale universelle depuis l'invention du couple banlieue-voiture. Monture qui permet de s'enfoncer toujours plus loin vers les cités-dortoirs alors que les restos et les bars de la socialisation se trouvent en centre-Capitale. Antananarivo-Renivohitra souffre de trop quand le reste du pays meurt de moins que rien. Cette distorsion entre Renivohitra et «le désert malgache» commence dès le «Grand Tana».
