Sénégal: Crise politique, restriction de l'espace public et respect des droits humains - L'alerte des Nations Unies

Manifestations sporadiques de protestation au centre-ville de Dakar
14 Février 2024

La situation politique extrêmement tendue au Sénégal, marquée par le report unilatéral de la présidentielle, des manifestations violentes entrainant mort d'hommes et des interdictions systématiques des rassemblements de l'opposition et cie, au nom du maintien de l'ordre public, a fini de susciter l'inquiétude au niveau de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Dans une sortie en date d'hier, mardi 13 février, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme tire la sonnette d'alarme non sans manquer de réclamer des « enquêtes approfondies et indépendantes » sur la répression violente ayant entrainé des morts lors des manifestations.

L'Organisation des Nations unies n'est pas restée indifférente face à la crise politique qui secoue le Sénégal depuis que le président Macky Sall a annoncé le report de la présidentielle le 3 février, à trois semaines de l'échéance. Dans un communiqué en date d'hier, mardi, le Bureau des droits de l'homme de l'ONU s'est dit « profondément préoccupé » par la crise au Sénégal découlant de « la suspension de la présidentielle », tout en dénonçant un « recours inutile et disproportionné à la force contre les manifestants et des restrictions de l'espace civique ».

Et cela, dans la foulée de l'interdiction par les autorités sénégalaises de la grande marche dite pacifique et silencieuse prévue par la société civile à Dakar contre le report de dernière minute de la présidentielle de ce 25 février et la prolongation du mandat de l'actuel chef de l'Etat. « Nous sommes profondément préoccupés par la situation tendue au Sénégal à la suite de la suspension de l'élection présidentielle prévue pour le 25 février. », a dit dans un communiqué le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme (HCDH). « Au moins, trois jeunes hommes ont été tués pendant les manifestations et au moins 266 personnes auraient été arrêtées dans tout le pays, y compris des journalistes », a déclaré par ailleurs la porte-parole du HCDH, Liz Throssell, lors d'un point de presse régulier de l'ONU à Genève.

Recours inutile et disproportionné de la force

Dans la foulée, la porte-parole de l'instance onusienne dirigée par Evron Turk a relevé que des enquêtes « doivent être menées rapidement, de manière approfondie et indépendante, et les responsables doivent être amenés à rendre des comptes », non sans manquer de faire savoir que « les personnes arrêtées pendant les manifestations à Dakar et dans certaines régions doivent bénéficier « d'un traitement équitable ». Qui plus est, tenant compte des rapports des médias et des ONG qui font état « d'un recours inutile et disproportionné de la force contre les manifestants... », la porte-parole du Haut-Commissariat a tenu à faire valoir que : « Dans un contexte de tensions croissantes et d'informations faisant état de nouvelles manifestations prévues, il est essentiel que les autorités ordonnent sans équivoque aux forces de sécurité de respecter et de garantir les droits humains», tout en exhortant les divers acteurs « de s'abstenir de recourir à la violence ».

Parlant des restrictions de l'espace public, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme appelle au respect des droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique. Pour rappel, mardi, le nouveau collectif Aar Sunu Election (« Protégeons notre élection »), qui revendique plusieurs dizaines d'organisations syndicales et de groupes citoyens et religieux, avait invité les Sénégalais à se rassembler massivement pour une marche silencieuse à partir de 15 heures (heure locale) dans la capitale sénégalaise. Mais la préfecture a interdit la manifestation au motif qu'elle « risque de perturber gravement » la circulation, selon la lettre officielle.

Dans ce contexte d'appels aux manifestations, les services du Haut-Commissaire Türk se sont inquiétés également de la suspension d'internet sur les mobiles hier, mardi, au Sénégal, au jour d'une manifestation prévue et interdite par les autorités pour la deuxième fois depuis le début de la crise politique post-report de la présidentielle. « Il est très important de garantir le droit d'accès à l'information », a insisté Mme Throssell, indiquant que toute restriction doit « donc être strictement limitée à ce qui est nécessaire et doit être aussi limitée que possible dans le temps ». Et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme de conclure en faisant savoir que « Nous demandons aux autorités sénégalaises de veiller à respecter la longue tradition de démocratie et de respect des droits humains du Sénégal ».

Pour rappel, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, avait réaffirmé vendredi dernier « l'engagement des Nations Unies à soutenir la consolidation de la démocratie et à promouvoir la paix, la stabilité et le développement au Sénégal ». Il avait également appelé les acteurs nationaux sénégalais à s'engager dans un dialogue constructif et au maintien d'un climat politique pacifique, suite aux remous causés par le report de l'élection présidentielle prévue pour fin février 2024.

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