Le Bureau des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU) s'est dit « profondément préoccupé » par la crise au Sénégal découlant de « la suspension de la présidentielle », dénonçant un « recours inutile et disproportionné à la force contre les manifestants et des restrictions de l'espace civique ».
Les autorités sénégalaises ont interdit la grande marche prévue par la société civile, le 13 février à Dakar, contre le report de dernière minute de la présidentielle et la prolongation du mandat de l'actuel chef de l'Etat. « Nous sommes profondément préoccupés par la situation tendue au Sénégal à la suite de la suspension de l'élection présidentielle prévue pour le 25 février », a dit le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH). « Au moins trois jeunes hommes ont été tués pendant les manifestations et au moins 266 personnes auraient été arrêtées dans tout le pays, y compris des journalistes », a déclaré une porte-parole du HCDH, Liz Throssell.
Elle appelle à des enquêtes approfondies et indépendantes et les responsables à rendre des comptes, relevant que « les personnes arrêtées pendant les manifestations doivent bénéficier d'un traitement équitable ». Le nouveau collectif Aar Sunu Election avait invité les Sénégalais à se rassembler massivement pour une marche silencieuse à partir de 15 heures dans un quartier proche du centre de la capitale. Mais la préfecture a interdit la manifestation parce qu'elle « risque de perturber gravement » la circulation.
Interdiction d'une marche contre le report de la présidentielle
« Dans un contexte de tensions croissantes et d'informations faisant état de nouvelles manifestations prévues, il est essentiel que les autorités ordonnent sans équivoque aux forces de sécurité de respecter et de garantir les droits humains y compris », a-t-elle fait valoir, exhortant tous les acteurs « de s'abstenir de recourir à la violence ». Le Sénégal est en proie à une crise politique depuis que le président Macky Sall a annoncé le report de la présidentielle le 3 février, à trois semaines de l'échéance. Ses partisans à l'Assemblée nationale et ceux de Karim Wade (Parti démocratique sénégalais), candidat disqualifié, ont ensuite entériné le renvoi de l'élection au 15 décembre et le maintien du président Sall à son poste jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, a priori donc début 2025. Dans ce contexte d'appels aux manifestations, les services du Haut-Commissaire Volker Türk se sont inquiétés également de la suspension d'internet sur les mobiles, mardi au Sénégal, au jour d'une manifestation prévue et interdite par les autorités pour la deuxième fois depuis le début de la grave crise politique.
Appel au dialogue
Compte tenu des défis et des préoccupations liés aux circonstances entourant le report des élections, le HCDH, Volker Türk, appelle le gouvernement à veiller à ce que le dialogue national proposé soit aussi large que possible et garantisse une véritable participation des groupes d'opposition, des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait réaffirmé vendredi dernier « l'engagement des Nations unies à soutenir la consolidation de la démocratie et à promouvoir la paix, la stabilité et le développement au Sénégal ». Il avait également appelé le même jour les acteurs nationaux sénégalais à s'engager dans un dialogue constructif et au maintien d'un climat politique pacifique, suite aux remous causés par le report de l'élection présidentielle prévue pour fin février 2024.