Tunisie: Monitoring des médias au second tour des élections locales - Une couverture jugée faible, le discours haineux en net recul

14 Février 2024

Le rapport a pointé du doigt le faible taux, estimé à 2%, des articles réservés à la couverture des programmes des candidats, contrairement à celles consacrées au financement des candidats et à leurs campagnes électorales. En effet, le taux a grimpé à 27,4%. Les articles consacrés à l'Instance supérieure indépendante des élections sont de l'ordre de 20,4% et 15,7% à l'analyse de la situation politique, économique et sécuritaire en lien avec ces élections. Cinq quotidiens ont été retenus dans le cadre des statistiques comparatives, à savoir La Presse de Tunisie, Essahafa, Essabah, Echourouk, Le Maghreb.

La coalition «Awfiya» pour la démocratie et l'intégrité électorale a dévoilé, lors d'une conférence de presse tenue hier, à Tunis, les résultats de son troisième rapport préliminaire consacré à la surveillance de la couverture médiatique du second tour des élections locales organisées entre le 20 janvier et le 4 février. Un deuxième rapport a été présenté par la même occasion qui a avancé des chiffres et des données intéressantes, épinglant, au passage, le discours de haine qui a proliféré sur les réseaux sociaux.

Selon le premier rapport présenté par Nesrine Abidi, directrice des programmes à l'ONG, la couverture des médias a été faible, mais elle a été bien meilleure que celle des législatives de 2022. Pour ce qui concerne la presse ecrite, le nombre d'articles recensés est estimé à 299, alors que ce nombre n'a pas dépassé les 143 produits à l'occasion des législatives de 2022. Cela dit, le nombre reste toujours faible.

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Les programmes des candidats, le maillon faible des médias

Le rapport a pointé du doigt le faible taux, estimé à 2%, des articles réservés à la couverture des programmes des candidats, contrairement à celles consacrées au financement des candidats et à leurs campagnes électorales. En effet, le taux a grimpé à 27,4%.

Les articles consacrés à l'Instance supérieure indépendante des élections sont de l'ordre de 20,4% et 15,7% à l'analyse de la situation politique, économique et sécuritaire en lien avec ces élections.

Cinq quotidiens ont été retenus dans le cadre des statistiques comparatives, à savoir La Presse de Tunisie, Essahafa, Essabah, Echourouk, Le Maghreb.

Pour ce qui est des médias visuels, la palme d'or revient à la première chaîne de la télévision nationale et la seconde chaîne avec un taux de couverture de 74% . Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les activités des candidats, leurs programmes et leurs campagnes électorales n'ont pas eu droit de cité lors de cette couverture, souligne le rapport.

Cinq chaînes de télévision ont été choisies par l'ONG dans le cadre de cette enquête.

D'une manière générale, la couverture à ce niveau a été qualifiée de «faible».

Pas de dépassements, mais...

Pour les médias numériques, six sites électroniques ont été ciblés par la coalition Awfiya. Il s'avère qu'aucun intérêt n'a été accordé par les organes de presse aux candidats, leurs programmes et leurs campagnes.

Quant aux infractions enregistrées dans la presse écrite, le rapport soulève un très faible taux qui ne dépasse pas les 3,3%. Les infractions, dans leur majorité, n'étaient pas graves. Parmi 299 articles, seulement dix infractions sont relevées. Elles sont liées au non-respect de l'équité, au manque d'objectivité et à la remise en question de ces élections. Pas de dépassements au niveau des médias visuels, toutefois la couverture a été, là encore, bien faible. La presse électronique n'a pas dérogé à la règle, non plus, avec un taux d'infraction qui ne dépasse pas 1,7% .

Les contraintes des Tunisiens

Le président de la coalition Awfiya, Ibrahim Zoghlami, souligne qu'il faudra relativiser pour ce qui est du faible taux d'infractions enregistré. Il faut regarder ailleurs et prendre en considération le faible taux de participation. «Quand le citoyen fait la queue devant le magasin pour se procurer des produits de base en pénurie, il ne peut plus se permettre de faire la queue devant les bureaux de vote».

Evoquant le deuxième rapport consacré au discours de haine sur les réseaux sociaux, Zoghlami a expliqué que le niveau des réactions, les commentaires et les mentions sur les réseaux sociaux a été bien faible pour des raisons multiples, dont le contexte général dans lequel se déroulent ces élections, marqué par l'absence d'initiative politique, de riposte à la crise ainsi que le vide juridique qui entoure les prérogatives des conseils locaux.

Ceci sans compter le décret 54 qui a mis en danger la liberté d'expression et a, conséquemment, acculé les citoyens à s'autocensurer et à éviter la publication des postes sur les réseaux sociaux pour échapper aux poursuites.

L'absence de financement public des candidats et les facteurs précédemment cités ont fait que la campagne électorale a été fade et marquée d'une faible participation, estime le président de l'ONG. Selon lui, «cette nouvelle expérience électorale n'est pas le fruit d'un consensus ni donne suite à une large consultation».

Le discours haineux en net recul

Bonne nouvelle, tout de même, ces élections locales enregistrent un recul de 27% des publications en ligne durant ce second tour. La plupart de ces publications, commentaires ou encore des réactions provenaient des pays suivants : Tunisie, Royaume-Uni, Turquie, Maroc, Liban, Egypte, Libye, Algérie, Koweït et Emirats arabes unis.

Parmi les 3.700 publications, la part des discours incitant à la haine est de 6,42% Un taux plus bas que celui enregistré au premier tour, et estimé à 11,44%. Aucun discours haineux n'a été relevé dans les vidéos postées sur Youtube, du fait qu'elles émanaient en grande partie des institutions officielles, à l'instar de l'Isie.

Toutefois, le discours haineux est présent dans les commentaires qui ciblent les vidéos. Ce taux a été de 10% pour le second tour, alors qu'au premier tour, il a été de 10,6 %.

La coalition Awfiya se penchera prochainement sur l'élaboration de son rapport final. Des recommandations seront avancées à l'issue des élections locales, a conclu à la fin de la conférence son président, Ibrahim Zoghlami

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