Ile Maurice: Corruption, exploitation et maltraitance - Les crimes contre les singes exposés

14 Février 2024

Linley Moothien, président de l'ONG Quatre Tilapat, a déposé un rapport qu'il qualifie de «damning» auprès des autorités. Ce document de 64 pages, qu'il compte rendre public dans les jours à venir, met en lumière les pratiques inhumaines et les violations flagrantes de la loi sur le bien-être animal dans les fermes de singes à Maurice. Avec des preuves accablantes et des témoignages, le rapport dénonce la capture sauvage, la torture et l'exploitation des singes à des fins lucratives, remettant en question l'efficacité des autorités dans la protection de ces animaux. De plus, il souligne de possibles conflits d'intérêts entre des organisations et des fermes de singes ainsi que les responsabilités du ministère de l'Agro-industrie, des services vétérinaires et de la Mauritius Society for Animal Welfare en matière de protection animale et soulève des questions sur l'efficacité de l'«Animal Welfare Act 2013».

Affidavit de MSAW

Linley Moothien dénonce un prétendu faux affidavit de la Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) concernant des cas de maltraitance de singes. La plainte initiale, déposée le 4 août, dit le rapport, est restée sans réponse. L'affidavit révélerait des contradictions entre les déclarations de la MSAW et les preuves de communication antérieure avec Linley Moothien, l'ONG Quatre Tilapat, Monkey farm Biosphere Trading Ltd et Biosphere Trading Ltd. «Des échanges de courriels et une réunion tenue en décembre 2023 avec la Division des services vétérinaires contredisent les affirmations de la MSAW selon lesquelles elle ne connaîtrait pas ces organismes», écrit Linley Moothien dans son rapport. Et de poursuivre : «Dans la liste des requirements pour l'obtention de leur EIA en 2020, il avait été demandé à Biosphere Trading de comply aux règlements de l'AnimalWelfare Act 2013.»

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Le rapport fait état d'une enquête menée en juillet 2023 sur la ferme de singes Biosphere Trading Ltd, qui a révélé de nombreuses irrégularités et violations flagrantes de la loi sur le bien-être animal de 2013. Ces violations, explique Linley Moothien, concernent la capture sauvage de familles de macaques, leur confinement dans des cages trop petites, leur transport dans des conditions inappropriées et leur maintien dans des baraquements inadaptés, causant détresse, douleur ou souffrance. La séparation forcée des mères de leurs petits pour l'exportation entraîne également détresse et souffrance, ainsi que leur transport dans des cages en bois dans la cale d'un avion pendant de longues périodes sans circulation d'air adéquate sont aussi évoqués. Il met en avant l'utilisation des macaques à des fins lucratives, y compris pour des expérimentations médicales et des chirurgies qui constituent des formes de torture. «Toutes ces pratiques contreviennent à l'Animal Welfare Act de 2013 et démontrent que Biosphere Trading Ltd, comme d'autres fermes de singes à Maurice, est en violation continue de cette législation», conclut-il.

Préoccupations internationales

Le rapport évoque aussi les préoccupations internationales croissantes concernant l'exploitation des singes à Maurice et critique l'inaction des autorités mauriciennes malgré les avertissements. L'activiste fait référence à un rapport de la British Union for the Abolition of Vivisection en 2015, mettant en évidence les souffrances des singes capturés et élevés dans des conditions inhumaines, en violation de la loi. Le rapport révèle que des études antérieures ont souligné ces problèmes depuis 1992, sans que des mesures correctives ne soient prises. De plus, il expose comment les entreprises continuent d'exporter des singes sauvages, malgré les interdictions dans d'autres pays, ce qui soulève des inquiétudes sur l'origine des singes exportés.

Une demande d'enquête approfondie sur les singes exportés est formulée, ainsi que l'annulation des résultats de recherche impliquant ces singes, soupçonnés d'être d'origine sauvage. Le document mentionne les nombreuses irrégularités observées dans d'autres fermes de singes à Maurice et critique l'absence d'enquêtes impartiales et d'actions correctives des autorités responsables, malgré les infractions flagrantes à l'AnimalWelfare Act 2013. «Une deuxième étude menée en 2009/2010 a clairement démontré que des compagnies d'export de singes à Maurice continuent à exporter des wild caught et des issued from wild caught macaques. Cela, alors que Meg Miller, UK Parliamentary Under-Secretary of State for the Home Departement, avait, dans une réponse parlementaire en 2009 déclaré que "since 1997, we in UK have not been accepting wild captured animals, only using captive bred-ones - that is F1 - and some F2." (NdlR, les macaques F1 sont nés de parents 'wild caught' et les macaques F2 sont entièrement 'in breed', provenant de macaques ayant été 'in breed')», peut-on lire dans le document.

«Capture illégale et inhumaine»

L'analyse de la situation met également en lumière les conditions inhumaines et illégales de capture des singes à Maurice. Les cages utilisées pour les piéger, souvent qualifiées de «traps», sont illégales car elles ne respectent pas les normes de l'Animal Welfare Act de 2013. Le document accuse aussi les fermes de singes de ne pas respecter les directives de l'International Primatological Society pour la capture et le traitement des primates. «Il arrive que ces singes soient laissés en plein soleil et pluie sans eau, ni nourriture pendant plusieurs jours, ce qui constitue un cas d'abandon of animal (3e délit direct sous l'Animal Welfare Act de 2013). Certaines fermes privilégient de plus grandes cages, par exemple dans un chassé à Medine et dans une réserve de Ferney», fait ressortir le rapport.

Les cages IATA (International Air Transport Association) utilisées pour le transport des singes ne seraient pas adaptées au bien-être des animaux, malgré leur conformité aux normes IATA. Le président de Quatre Tilapat demande une enquête sur l'utilisation de ces cages et envisage de porter plainte contre ATOL pour complicité dans les infractions à la loi sur le bienêtre animal. «Au cours de notre réunion du 7 décembre 2023 avec la Division of veterinary services, un des vétérinaires présents nous a précisé que les trappeurs ont le droit de faire des injections aux singes pour les endormir, le temps de les mettre en cage et de les véhiculer jusqu'à leurs housing units. Ces trappeurs auraient, semble-t-il, été formés pour faire ces injections, qui nécessitent toutefois la présence obligatoire d'un vétérinaire. Lors d'une longue entrevue avec un gardien de chasse (pendant le reportage d'envoyé spécial en juin 2023 ), il nous avait été clairement indiqué qu'il n'y a jamais de vétérinaire (ou même de personnel de quelque ferme que ce soit ) au moment de la récolte de la prise du jour dans les grandes cages», précise l'auteur du rapport. Par ailleurs, les étapes suivantes du processus, y compris le débarquement, les tests médicaux et l'utilisation des singes pour des travaux forcés, souligne-t-il, continuent de violer les principes de bien-être animal établis dans la loi mauricienne.

Le commerce des long-tailed macaques

Quatre Tilapat souligne l'importance d'une étude scientifique complète et impartiale sur le véritable statut des long-tailed macaques à Maurice. «Au lieu de considérer des solutions alternatives comme la stérilisation, la relocalisation ou la sanctuarisation, les fermes de singes ont choisi de capturer, torturer et exploiter les macaques pour des milliards de roupies sous prétexte de tests médicaux pour le bien de l'humanité», affirme Linley Moothien, avant de renchérir : «Je pèse mes mots sur les milliards car rien que les 2 % de profit alloués au CSR équivalent à près de Rs 66 millions. Je parle là d'une compagnie qui a su tendre un 'trap' très attractif à des politiciens qui n'ont pas pu s'empêcher de se faire photographier, pris au piège, sur une estrade bancale (comme les cages), lors de la remise d'un chèque.» En effet, le rapport contient des images et données pour étayer ces propos.

Quatre Tilapat souligne l'importance de tenir compte du statut de conservation du long-tailed macaque, désormais considéré comme espèce en danger par l'Union internationale pour la conservation de la nature. Il est souligné que Maurice pourrait faire face au risque d'extinction de cette espèce, malgré les signalements occasionnels de ces singes dans divers endroits.

En conséquence, l'accent est mis sur la nécessité de considérer davantage la situation des macaques sous l'angle de la conservation plutôt que de l'extermination. Le rapport critique le rôle de la Mauritius Wildlife Foundation dans la préservation de la faune et de la flore de l'île, soulignant son impact négatif dans ce domaine.

Possibles relations incestueuses ?

Ce document met en lumière une possible relation incestueuse entre la Mauritius Wildlife Foundation et un actionnaire d'une ferme de singes qui aurait précédemment occupé le poste de président non exécutif d'un grand groupe. «La MWF a régulièrement souligné le statut de nuisance des long-tailed macaques pour l'écosystème mauricien, contribuant ainsi à façonner une image négative de ces animaux. Cette perception est également relayée sur le site web du projet écologique Ebony Forest, dont les actionnaires sont les mêmes que ceux qui décrivent les macaques comme destructeurs de la biodiversité locale», souligne Linley Moothien. Une enquête est demandée aux autorités pour examiner les motivations réelles de la MWF et pour enquêter sur la relation entre cette organisation et l'ex-non exécutif d'un groupe actionnaire d'une ferme de singes. Le président de Quatre Tilapat compte présenter des preuves à l'Independent Commission against Corruption (ICAC) et d'autres instances judiciaires.

Le rapport de Quatre Tilapat soulève des préoccupations légitimes sur la gestion de la faune sauvage à Maurice et appelle à une enquête approfondie pour clarifier les liens entre les National Parks and Conservation Services (NPCS), la MWF et d'autres parties concernées. Il est question de la présence du directeur des NPCS au conseil d'administration de la MWF, une ONG qui défend régulièrement la position selon laquelle les longtailed macaques sont une nuisance. Cette dualité de rôles, fait ressortir Linley Moothien, soulève des questions sur d'éventuels conflits d'intérêts et sur la neutralité des NPCS dans l'émission de permis pour les fermes de singes.

L'ONG demande des comptes publics sur la taxation de 75 dollars prélevée sur chaque singe exporté, gérée par les NPCS. «Nous demandons de ce fait un compte public de cet argent récolté, car après avoir vu que les NPCS siègent ainsi sur le board d'une ONG privée (et sans pour autant protéger les singes à Maurice), nous n'avons plus confiance. Les NPCS et le ministère de tutelle ont-ils officiellement mandaté les propriétaires des monkey farms à Maurice pour contrôler la population des macaques ? Ces fermes sont-elles des experts en régulation de population de macaques ?», sont autant de questions que se pose l'ONG dans ce document.

Nouvelle demande de permis

Dans le rapport, Linley Moothien fait aussi état de la présence de singes sur les terres de Bel Ombre Nature Reserve et demande qu'une enquête soit ouverte sur la présence d'une ferme de singes dans une zone désignée comme réserve de biosphère par l'UNESCO. «En quoi la somme contribuée par les clients de Bel Ombre Nature Reserve à la MWF aide-t-elle à la préservation de l'environnement ? Quand nous savons le travail de désinformation que fait cet organisme sur les long-tailed macaques», dit le président de Quatre Tilapat. Il demande que les ONG de défense des droits des animaux soient autorisées à visiter la ferme pour une évaluation directe de la situation sur place. «Une demande de permis d'évaluation de l'impact sur l'environnement (EIA) a été déposée auprès des autorités en février 2024 pour l'ouverture d'une ferme abritant jusqu'à 12 000 singes. Cette demande émane du même individu qui aurait été impliqué dans des cas présumés de maltraitance envers 440 singes captifs dans un hangar à Jin Fei», avance Linley Moothien. Enfin, ce rapport met en lumière les diverses infractions à la loi, à la morale et à l'éthique dans le but de mettre fin au commerce et à la maltraitance des singes à Maurice.

Nomination de Mahen Seeruttun à l'Agro-industrie: Linley Moothien parle de conflits d'intérêts

Linley Moothien n'a pas tardé à exprimer ses préoccupations après la nomination de Mahen Seeruttun comme ministre de l'Agro-industrie et il demande au Premier ministre de revoir sa décision. Cette décision de Pravind Jugnauth, dit-il, soulève des questions cruciales, notamment sur des conflits d'intérêts potentiels. En effet, Mahen Seeruttun a un passé professionnel étroitement lié à l'industrie controversée de l'élevage de singes, étant un ancien employé de la société Noveprim, spécialisée dans ce domaine. Cette nomination intervient alors que l'exploitation et le trafic des singes sont au coeur des débats à Maurice. Il souligne que lors d'une rencontre, lundi, avec l'assistant commissaire de police Dunraz Gangadin, il a abordé la question des pratiques de l'industrie des singes à Maurice. Par ailleurs, des commentaires circulent selon lesquels Vikram Hurdoyal aurait été révoqué - entre autres - parce qu'il aurait refusé de délivrer un permis d'exportation de singes à un «proche du pouvoir». Maintenant, dit-on, il semble qu'il va l'obtenir...

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