Afrique: L'Indonésie «veut avoir une relation avec l'Afrique qui est égalitaire»

Cyril Ramaphosa, président de l'Afrique du Sud avec un diplomate indonésien

Plus de 200 millions d'électeurs indonésiens se sont rendus aux urnes ce mercredi 14 février pour élire leur président. Cet archipel à majorité musulmane situé en Asie du Sud-Est entretient des relations anciennes avec le continent africain. Des relations nouées lors de la conférence de Bandung en 1955 et qui connaissent un renouveau depuis quelques années. Entretien avec Christophe Dorigné-Thomson.

En 1955, le Ghana, le Liberia, l'Éthiopie, le Soudan et la Libye sont invités sur l'île indonésienne de Java. Avec d'autres pays d'Asie et du Proche-Orient, ils veulent affirmer leur solidarité avec les nations en lutte pour leur indépendance. Des mouvements de libération nationale sont aussi là en tant qu'observateurs. C'est le cas du Front de libération nationale algérien. Cette conférence est au fondement de la relation entre l'Indonésie et les pays africains.

Si leur partenariat s'affaiblit pendant plusieurs décennies, le président indonésien Joko Widodo décide d'en faire une priorité à la fin des années 2010. En août 2023, il a réalisé une visite historique en Afrique du Sud et dans trois pays est-africains pour signer des contrats commerciaux. Lors de cette visite, il a revendiqué l'esprit de Bandung pour défendre l'indépendance des pays du Sud au milieu de la rivalité entre les États-Unis et la Chine.

Selon Christophe Dorigné-Thomson, chercheur franco-britannique en relations internationales et auteur d'un ouvrage sur les relations de l'Indonésie avec l'Afrique, l'Indonésie cherche à nouer des partenariats qui profitent aussi au continent africain.

RFI : Comment évoluent les liens économiques entre l'Indonésie et le continent africain ?

Christophe Dorigné-Thomson : L'Indonésie ne veut pas apparaître comme un pays qui serait dans la recherche systématique des matières premières, la recherche systématique des marchés africains, etc. Non, ils veulent avoir une relation avec l'Afrique qui est égalitaire. Tous les pays disent cela, et je pense que c'est particulièrement vrai dans le cas de l'Indonésie. Ils ont une image internationale aussi liée à Bandung, lié au non-alignement, qui fait qu'ils veulent absolument apparaître comme des gens qui amènent des partenariats. Ils veulent absolument amener des solutions en Afrique.

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À chaque fois, ils disent : « On est ouvert aussi au fait que les Africains viennent en Indonésie ». Là récemment, il y a eu la présidente tanzanienne [Samia Suluhu, NDLR] qui est venue en Indonésie. C'est la chambre de commerce tanzanienne qui a organisé un énorme forum business dans un grand hôtel à Jakarta. Et ça venait du côté tanzanien.

Et quelles sont les marchandises que l'Indonésie échange avec le continent africain aujourd'hui ?

Pour mettre en place sa chaîne de valeur sur les batteries électriques et ensuite sur les véhicules électriques, elle a besoin de matières supplémentaires, donc du cobalt, du lithium, etc. qu'elle cherche notamment en République démocratique du Congo. Pour le lithium, on parle du Zimbabwe. L'Afrique apparait aussi comme une alternative par rapport au marché européen, par exemple sur l'huile de palme. Mais elle exporte aussi des pièces automobiles. Elle exporte de l'électronique, elle exporte différents biens manufacturés et puis aussi de l'agroalimentaire.

L'exemple type, ce sont les nouilles instantanées qui s'appellent Indomie. Ils sont leaders mondiaux des nouilles instantanées, puis ils sont très présents au Nigeria, au Ghana. Dans beaucoup de pays en Afrique, ils pensent que ce sont des produits locaux. Donc, ça montre aussi la capacité indonésienne à se mettre dans le tissu local. Et c'est vraiment emblématique du business indonésien, si vous voulez dans le monde et notamment en Afrique, qui a une priorité parce que c'est vraiment là où le marché se développe le plus pour ce genre de produits.

Vous avez aussi des choses intéressantes : il y a aussi beaucoup de traders africains qui sont présents à Jakarta. Historiquement, c'était beaucoup le cas dans le milieu du textile. C'est intéressant de voir comment ces liens aussi sont développés par les Africains eux-mêmes présents en Asie.

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