Dans l’attente de la décision du Conseil Constitutionnel qui pourrait intervenir dans les jours à venir, portant validation ou invalidation de la loi constitutionnelle votée par la majorité au pouvoir, pour prolonger de 10 mois, le mandat du Président Macky Sall, ce dernier vient d’annoncer une autre loi plus que polémique, pour accorder une amnistie générale, pour dit-il amorcer une dynamique d’apaisement.
Exercice à priori très périlleux si l’on en croit les différents spécialistes pour qui l’amnistie, qui est une mesure de portée générale est encadrée par une loi et vise seulement des faits, dont il faut définir le périmètre, ce qui est loin d’être évident aujourd’hui. D’où la profonde division au sein de l’opinion entre les tenants et les opposants de la loi d’amnistie y compris dans le camp du pouvoir.
Cette nouvelle annonce, si ce n’est pas une opération de communication, un contre feu allumé, y ressemble fort.
En effet, la succession des événements le laisse présager. Faut-il le dire, le déclencheur de tout ça c’est la décision unilatérale d’abroger le décret de convocation de la présidentielle, qui du coup acte le report de l’élection, dans la foulée, on fait voter une loi Constitutionnelle à cet effet. Cerise sur le gâteau, on appelle au dialogue nationale, avec comme « cadeau » une loi d’amnistie pour ceux qui naguère étaient des détenus de droit commun et qui subitement deviennent des détenus politiques, éligibles à l’amnistie.
Il est difficile d’admettre la pertinence de cette démarche autrement que par un souci d’éclipser le lourd passif que constitue le report sine die de l’élection et l’hostilité qu’il charrie.
La déclaration conjointe des deux anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, est venue apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’il ya une conspiration pour passer par pertes et profits, les nombreux morts, blessé et victimes d’actes de vandalismes pour qui, aucune enquête n’a à ce jour apporté aucune lumière, et aucune sanction prononcée.
L’amnistie serait alors une forme de trahison vis-à-vis de tous ceux qui ont été victime des violences politiques. L’opposition dans son écrasante majorité est très sceptique voire réticente, des lors qu’on veut lier le report de l’élection à ces initiatives. Certains parlent même de deal.
Pis, la publication de la lettre des deux anciens présidents, est venue ajouter un voile de suspicion sur une éventuelle position favorable au report de la présidentielle, d’autant que le fils du Président Wade fait partie des candidats dont l ’ inéligibilité avait été déclarée par le Conseil Constitutionnel, dont les décisions sont insusceptibles de recours.
Le processus semble aujourd’hui dans une impasse au point que le Président Diouf, lui-même, face à la levée de bouclier qu’a suscité sa déclaration conjointe avec Me Wade, a jugé nécessaire de préciser sa position en rappelant que c’est au seul Conseil Constitutionnel qu’il a lui-même mise place en 1992 qui a la prérogative de décider du calendrier électoral et de faire respecter la durée du mandat du Président de la République.
Cela a le mérite d’être clair, c’est au Conseil constitutionnel de décider, pas le Président de la République, ni l’Assemblée nationale. Cette position remet au centre du débat la question du mandat et exclue définitivement les arrangements politiques tels que le dialogue, l’amnistie et le report, qui sont à l’origine de profond clivage, non pas sur le principe, mais sur les modalités de leur mise en œuvre.