Ile Maurice: Darné accepte ses torts après 20 ans

15 Février 2024

C'est une affaire de négligence médicale ayant causé la mort d'un patient qui venait d'être opéré. Les infirmiers de garde ont été pointés du doigt. Mais elle n'est pas allée jusqu'au jugement... Le cabinet d'avocats ENS Africa a communiqué le 26 janvier à Me Jean Christophe Ohsan-Bellepeau qui représente, avec Me Rama Valayden, la famille Guimbeau, l'acceptation de son client C-Care de sa faute dans le décès de Patrick Guimbeau en 2004. Cela, juste avant que le procès soit entendu, le 5 février 2024. Retour sur cette longue affaire.

Maxime Henri Patrick Guimbeau est admis le 17 mars 2004 à la clinique C-Care, appelée à l'époque Clinique Darné, pour être opéré deux jours plus tard. Durant la soirée, il est très agité. Les infirmiers de garde n'appellent pas le médecin résident, mais pensant que c'étaient les effets de l'anesthésie, informent l'anesthésiste par téléphone. On ne sait pas ce que ce dernier donne comme conseil aux infirmiers. Au milieu de la nuit, l'état du patient s'aggrave, mais le médecin résident n'est toujours pas appelé, même si vers 23 h 30, le malade est proche du coma et quelques minutes après, halète dangereusement. Ce n'est que vers minuit que le médecin est contacté. Mais quand il arrive au chevet du patient une demi-heure plus tard, c'est pour constater que ce dernier a déjà rendu l'âme, victime d'une insuffisance respiratoire aiguë.

Le 4 juin 2004, l'un des fils de feu Patrick Guimbeau, Eric, écrit au ministère de la Santé demandant une enquête sur la mort de son père. Le ministère - chose inimaginable aujourd'hui - complète l'enquête en quelques mois mais ne communique pas son rapport à Eric Guimbeau, suivant, dit-il, une politique bien établie. Ce n'est que le 7 avril 2005 que le ministère accepte d'informer l'avoué d'Eric Guimbeau que la clinique manquait de personnel soignant à l'heure du décès de Patrick Guimbeau et que le personnel présent n'était pas «adequately qualified».

On apprendra le 8 février 2005 grâce à une question parlementaire du même Eric Guimbeau, alors député et qui avait au préalable déclaré son intérêt, que parmi les quatre infirmiers de garde, l'un était un State-Enrolled Nurse, sorte d'assistant soignant, l'autre un étudiant en infirmerie dans sa dernière année et deux aides-soignants qui étaient toutefois en pause à l'heure où Patrick Guimbeau agonisait. Après une question supplémentaire d'Eric Guimbeau, Ashok Jugnauth, le ministre de la Santé à l'époque, reconnaissait que les deux infirmiers de garde étaient des stagiaires.

À une autre question de Sylvio Michel, Ashok Jugnauth dira qu'il n'était pas en possession d'informations pour savoir si le médecin résident aurait dû être présent physiquement à la clinique et non on call. On ne l'a jamais su pour cette affaire en particulier. Ni si, en général, un médecin résident doit être présent à la clinique ? Dans une correspondance du 7 avril 2005 adressée à Me Jaykar Gujadhur, qui représentait alors la famille Guimbeau (voir encadré), le ministère de la Santé dira que le rapport de veille a été mis à jour le 17, puis le 20 mars, quand Patrick Guimbeau était déjà décédé!

Mais il y a plus. Eric Guimbeau, son avocat Me Valayden et son avoué Me Ohsan-Bellepeau avaient réussi à mettre la main sur le rapport de veille du patient dans la nuit fatidique du 19 au 20 mars 2004. Or, à l'appel de l'affaire en janvier 2024, soit après plusieurs renvois pendant 20 ans, C-Care dépose un rapport avec des ajouts effectués manifestement par une autre personne. Les Guimbeau déposent à leur tour le rapport sans les ajouts. Les hommes de loi d'ENS Africa demandent et obtiennent un renvoi pour le 5 février 2024. Mais avant cette date, le 26 janvier, ENS Africa informe l'avoué des Guimbeau, Me Ohsan-Bellepeau, que son client C-Care accepte de régler l'affaire à l'amiable.

20 ans pour reconnaître sa faute ! On se demande si le ministère aurait conduit cette enquête si le fils de la victime n'était pas un député. Il est clair que la clinique n'avait pas d'autre choix que de trouver une solution à l'amiable, vu les zones d'ombre entourant ce décès et surtout les griffonnages dans le rapport. On ne sait pas si les médecins ou la clinique ont fauté et si l'on a tout mis sur le dos des infirmiers. Sollicitée, C-Care ne veut pas commenter cette affaire.

Hommes de loi et conflit d'intérêts

Il faut savoir que c'est le cabinet de Me Maxime Sauzier, SC et de Me Jaykar Gujadhur, qui représentait la famille Guimbeau en 2004 contre la clinique Darné. Peu après, ces derniers se sont retirés comme représentants légaux des Guimbeau, car, nous dit une source à ENS Africa, les deux hommes de loi avaient intégré ENS Africa, qui avait comme client C-Care, ex-Darné et ex-Fortis Darné. «C'est pour éviter un conflit d'intérêts que ces deux hommes de loi ne représentent plus les Guimbeau et n'ont pas représenté non plus C-Care dans cette affaire. ENS Africa a mis d'autres hommes de loi sur cette affaire.»

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