Ile Maurice: Que fera Pravind Jugnauth et quand ?

15 Février 2024

Après la démission de Vikram Hurdoyal comme député suivant sa révocation comme ministre, le Premier ministre (PM) - puisque c'est lui seul qui décide - doit maintenant organiser une partielle au plus tard autour du 10 octobre. Bien sûr, il peut le faire avant. Pravind Jugnauth peut aussi organiser les élections générales à la place d'une partielle. S'il organise une partielle au no 10, il court deux risques.

Premièrement, celui de voir son candidat se faire battre et l'effet psychologique que cela pourrait avoir sur les élections générales à venir. Le fait que cette circonscription se trouve au beau milieu de ce que l'on appelle la «Hindu belt», bastion présumé du Mouvement socialiste militant (MSM), l'effet lui serait encore plus dommageable. En ce qui concerne les autres circonscriptions, souvenons-nous du renvoi des municipales décidé, selon l'opposition, par le gouvernement par crainte d'une défaite à plate couture du MSM.

La démission de Hurdoyal, qui a recueilli plus de 9 000 voix comme candidat indépendant en 2014 et qui a été en tête de liste en 2019, aura certainement un effet sur le report des voix de ses sympathisants. Voteront-ils pour un autre candidat du MSM ou pour un candidat de l'opposition ? Leur loyauté au parti soleil passera-t-elle avant celle envers Hurdoyal? Des posts circulent sur les réseaux sociaux faisant état de la colère de certains face au traitement jugé cavalier réservé à Hurdoyal. Alors que pour d'autres ministres, dit-on, le PM s'est montré plus compréhensif, même si ces ministres sont accusés de délits ou de comportements très graves. D'ailleurs, personne ne sait de quoi est accusé Vikram Hurdoyal pour mériter une révocation.

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Deuxième risque pour le MSM, c'est de voir Navin Ramgoolam élu et débarquer au Parlement pour narguer le gouvernement. Il est donc fort probable que Pravind Jugnauth «donne» les législatives au lieu d'une partielle. Voyons les différents cas de figure.

Élections générales. Autour du 10 octobre au plus tard

Mais si le PM va directement aux législatives, il ne pourra plus le faire au-delà de décembre 2024 et encore moins jusqu'au 15 avril 2025, au cas où l'Assemblée nationale n'est pas dissoute avant sa date «d'expiration», soit le 21 novembre 2024, nous dit le Senior Counsel Antoine Domingue. Il devra donc organiser les élections générales au plus tard à la date butoir pour la partielle, soit autour du 10 octobre, sinon il violerait l'article 35 de la Constitution. Cependant, la question est de savoir si le Parlement pourrait être dissous, disons, le 9 octobre. L'avis de Me Domingue : «If a writ for a by-election has been issued, that would not prevent the earlier dissolution of the assembly before November 2024 and another writ for general elections, which will then supersede the earlier writ for a by-election which will then become redundant. A writ for the holding of general elections will necessarily supersede a writ for the holding of a by-election for the election of only one member.» A priori, donc, nous aurons les législatives au plus tard vers le 10 octobre.

Au plus tôt dans un mois

Pour Me Milan Meetarbhan, selon l'article 41 de la Representation of the People Act, le gouvernement a un délai de 55 jours (le minimum n'est pas mentionné) à partir de la dissolution de l'Assemblée nationale pour émettre le «writ of election»; un autre délai entre 15 et 30 jours à compter de ce «writ» pour fixer le Nomination Day, et entre 15 et 60 jours à partir du Nomination Day pour décider de la date des élections, soit un minimum de 31 jours au total à compter de la date de la dissolution du Parlement. Selon nos calculs, les élections générales peuvent donc avoir lieu au plus tôt un mois après la dissolution du Parlement, qui ne pourra toutefois pas avoir lieu après le 10 octobre 2024. Une vraie «snap election»!

Élection partielle

L'article 35 (3) de notre Constitution prévoit que «where the seat in the Assembly of a member who represents a constituency becomes vacant otherwise than by reason of a dissolution of Parliament, the writ for an election to fill the vacancy shall, unless Parliament is sooner dissolved, be issued within 90 days of the occurrence of the vacancy».

Au plus tard le 11 août 2024

Le PM a jusqu'au plus tard le 13 mai 2024 pour annoncer la partielle. Il faut compter un délai maximal additionnel de 30 jours à compter de ce writ pour fixer le Nomination Day, et un maximum de 60 jours à partir du Nomination Day pour la date des élections. La date la plus tardive sera donc le 11 août 2024 pour la partielle.

Au plus tôt dans un mois

Aucun délai minimal n'est prescrit pour le writ. Ce qui veut dire que le writ pour une partielle pourrait être émis n'importe quand, entre aujourd'hui et un délai minimal de 15 jours, selon l'article 41 de la Representation of the People Act, pour fixer le Nomination Day, plus un autre délai minimal de 15 jours pour la date des élections. Ce qui nous donne un délai minimal total de 30 jours à partir de la date où le PM annoncera la partielle. Nous présumons que c'est l'article 41 de la Representation of the People Act qui parle d'élections générales qui prévaudra, vu l'absence de dispositions spécifiques pour ces deux délais supplémentaires pour une partielle.

Conclusion du Senior Counsel Antoine Domingue : «His constitutional and statutory deadline has now been moved from May 2025 to 10 October 2024 if he wishes to call earlier general elections so as to avoid a by-election.»

La démission de Hurdoyal comme député étaitelle prévue par les stratèges du gouvernement ? En tout cas, Pravind Jugnauth qui voulait garder le mystère sur la date des législatives sera maintenant contraint, de sa propre faute, de les organiser pas plus tard que le 10 octobre. L'opposition, elle, s'en trouve confortée avec moins de jours d'attente. Hier, le PM a encore une fois déclaré qu'il y aura une partielle. Or, souvenons-nous qu'il avait dit la même chose après la démission du ministre et député Vishnu Lutchmeenaraidoo le 31 mars 2019. Sa réponse, hier, destinée visiblement à confondre l'opposition : «Cette situation peut ne pas se reproduire.»

À la State House : Le PM maintient qu'il y aura une partielle au n° 10

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a répondu à quelques questions de la presse, hier, à l'issue de la prestation de serment de Naveena Ramyad comme ministre à la State House, notamment celle de savoir s'il y aura bel et bien une élection partielle dans la circonscription de Montagne-Blanche/Grande- Rivière-Sud-Est (n° 10) après la démission de Vikram Hurdoyal comme député. Pravind Jugnauth a alors martelé que «pou ena parsiel», c'est ce que préconise la loi.

Il a ajouté espérer que ce serait même le leader de l'alliance de l'opposition, Navin Ramgoolam, qui se porterait candidat à ce scrutin. «Il s'y était porté candidat puis il avait dit que les élections étaient truquées. Il n'a même pas eu le courage de le contester (...) li enn poltron, enn kapon, enn bluffer, nek kozé-zazé.» Cette élection partielle, a poursuivi le chef du gouvernement, serait une occasion pour Navin Ramgoolam. «Nou atan ki li kandida.» Pravind Jugnauth a aussi affirmé que le Mouvement socialiste militant alignerait évidemment un candidat.

Pravind Jugnauth n'utiliserait-il pas de la même stratégie qu'en 2019 avec la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo ? À savoir, faire croire qu'il y aura une partielle puis enchaîner avec des élections générales ? «Ce qui s'est produit dans le passé ne veut pas dire que cescénario se répétera (...) Monn dir pou ena enn parsiel.»

Le Premier ministre a également été interrogé sur le timing de cette révocation d'un ministre, un dimanche soir, à presque 20 heures, alors que le principal concerné prenait l'avion pour rentrer au pays. N'aurait-il pas pu rencontrer au préalable Vikram Hurdoyal pour lui exposer les raisons d'une telle décision ? Pravind Jugnauth a précisé qu'il avait ses raisons. Il a aussi souligné, à une des questions de la presse, que ce qui se passe ne le déstabilise aucunement, qu'il a des principes et que sa «rout li drwat»

Naveena Ramyad et le destin

Quel destin pour Naveena Ramyad, qui a été nommée ministre ! Avant les élections de novembre 2019, elle avait été «Technical advisor» au ministère de la Fonction publique et ce maroquin était alors occupé par Eddy Boissézon. Hier, c'est devant lui qu'elle a prêté serment et lui officiait en tant que président de la République par intérim. Son sentiment ? «Vous ne savez pas où le destin peut vous mener...» La nouvelle ministre a indiqué qu'elle a connu des hauts et des bas en politique, notamment quand elle était au MMM et qu'elle avait décidé de ne plus faire de politique active jusqu'à ce qu'Eddy Boissézon lui propose d'agir comme son «Technical advisor». Après cela, elle a obtenu un ticket de Pravind Jugnauth pour les élections générales en 2019. Offre qu'elle a acceptée sans hésitation et aujourd'hui, elle remercie le destin. «Personne pa kapav bar soley so kamarad...»

Quelles sont ses priorités pour son ministère ? Premièrement, c'est de «vulgariser l'information aux entrepreneures» car elle estime que certaines informations gouvernementales, notamment les aides, ne sont pas assez distillées au sein de la population. Elle voudrait aussi «diminuer les lourdeurs administratives s'il y en a.»

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