Les 17 et 18 février 2024, se tient à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, le 37ème sommet de l'Union africaine (UA). Une rencontre des chefs d'Etat africains, qui intervient dans un contexte de crises multiformes qui agitent le continent noir d'Est en Ouest et du Nord au Sud.
Ainsi, entre conflits armés, crises sécuritaires et changements anticonstitutionnels de pouvoir, l'Afrique se cherche une voie de stabilité sur fond de divergences entre dirigeants et de tiraillements avec les organisations communautaires. Une situation qui n'aura pas échappé au président de la Commission de l'UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat qui, prenant la parole à l'occasion de l'ouverture des travaux de ce sommet, a dressé un tableau préoccupant de la situation en Afrique et exprimé ses inquiétudes face à « l'affaissement de nos institutions de gouvernance, régionales et continentale », qui compromet gravement leur avenir.
Comment peut-il en être autrement quand les transitions politiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger, par exemple, qui sont à couteaux tirés avec la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), ont fini par claquer la porte de l'organisation ouest-africaine, pour évoluer dans l'Alliance des Etats du Sahel (AES) ?
Si l'on ne travaille pas à renforcer les institutions sous-régionales, c'est l'UA elle-même qui en subira les contrecoups
Une situation hautement préjudiciable à la cohésion du bloc régional ouest-africain qui s'en trouve ainsi fragilisé, et qui a d'autant plus de raisons d'inquiéter le président de la Commission de l'UA que ce n'est un secret pour personne que l'organisation continentale tire sa force des organisations régionales qui en sont les piliers.
Toujours est-il que l'observation de Moussa Faki Mahamat ne manque pas de pertinence. Car, à y regarder de près, elle s'apparente à une invite à l'organisation panafricaine et ses « soeurs » à l'échelle régionale, à se regarder dans la glace. C'est dire si une autocritique s'impose. D'autant plus que l'on a souvent interpellé l'organisation panafricaine et ses ramifications régionales sur leurs dysfonctionnements. Notamment le deux poids deux mesures dans la gestion des crises.
En tout cas, le traitement disparate dans les changements anticonstitutionnels intervenus, ici et là, au Gabon, au Tchad et dans les pays du Sahel, par exemple, en dit long sur le degré d'incohérence dans la prise des décisions quand celles-ci ne sont pas prises à la tête du client. Et si l'UA s'aligne souvent presque systématiquement sur la position des organisations régionales, c'est qu'elles partagent globalement les mêmes valeurs.
C'est pourquoi l'on se demande si le réveil en vue de la revitalisation de ces institutions régionales qui se veulent les piliers de l'UA, n'est pas un peu tardif. Et s'il est encore possible de colmater les brèches pour ramener dans l'enclos, les pays de l'AES qui ont annoncé leur retrait de la CEDEAO.
La question est d'autant plus importante que si l'on ne travaille pas à renforcer les institutions sous-régionales, c'est l'UA elle-même qui en subira les contrecoups. C'est pourquoi l'on espère qu'en intelligence avec la CEDEAO, l'institution d'Addis-Abeba saura faire preuve de fermeté vis-à-vis du président sénégalais, Macky Sall, en délicatesse avec la démocratie et les règles de l'alternance.
L'UA gagnerait à travailler à asseoir son autonomie financière
Et qui a procédé au report, dans les conditions que l'on sait, de la présidentielle qui fait couler beaucoup d'encre et de salive au pays de la Teranga en même temps que cela fait peser de lourdes menaces sur la paix sociale. En tout cas, si elle réussit à faire reculer le natif de Fatick dans sa volonté de consommer le bonus indu qu'il s'est offert à la tête de l'Etat sénégalais, l'UA aura fait un grand pas dans le sens de la réhabilitation de son image aux yeux de l'opinion publique, et du rétablissement de son autorité et par ricochet celle de la CEDEAO, sur les Etats membres.
Dans le cas contraire, cette crise au Sénégal, créée de toute pièce par le président Macky Sall à des fins d'intérêts partisans, risque d'être un clou supplémentaire dans le cercueil de la crédibilité de l'organisation continentale. En tout état de cause, pour une institution dont les deux-tiers du budget proviennent de sources extérieures, la question de son financement reste un enjeu majeur.
Car, comme l'enseigne la sagesse africaine, « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». C'est pourquoi, au-delà des questions politiques, l'UA gagnerait à travailler à asseoir son autonomie financière si elle veut s'offrir les meilleures garanties de solidité de son édifice et pouvoir fixer ses propres priorités en vue de rester maître de son destin. Mais encore faudrait-il que les pays membres soient à jour de leurs cotisations. Mais ça, c'est une autre paire de manches.