Congo-Brazzaville: Tatouage - Effet de mode ou envie de se distinguer

Se faire un tatouage est devenu tendance ces dernières années. Entre dragon crachant du feu sur le bras, coeur au creux de l'oreille, papillon sur la poitrine, citations universelles sur le dos, date de naissance sur la jambe, chacun y va de son imagination, l'essentiel est que le rendu soit beau et bien évidemment visible. Un tampon à vie qui peut avoir des conséquences sociales, spirituelles et parfois même médicales.

« Je me suis fait tatouer au collège par suivisme, je traînais avec une bande et tous, d'un commun accord, avions décidé de nous tatouer l'effigie d'un croque mort pour marquer notre appartenance. Vingt ans plus tard, ce tampon m'a rattrapé », avance Philippe, obligé de se justifier dans certains milieux à cause de cette estampillage. « Je suis enseignant dans une école privée que je tairai le nom, et j'ai eu du mal à me faire une place à cause de mon tatouage. Je suis obligé de porter des chemises à manches longues car le directeur a peur que cela influe sur les enfants qui souhaiteraient reproduire la même chose ; mais surtout il a peur des réactions des parents, il veut préserver la réputation de son établissement et je le comprends parfaitement », explique Philippe qui n'assume plus cette marque qui lui rappelle son passé. « J'ai fait ce tatouage à une époque de ma vie ou je n'allais pas très bien », se justifie-t-il.

Obligé pour certains de dissimuler leurs tatouages, comme c'est le cas de Roland qui supporte de moins en moins les remarques désobligeantes de son entourage, notamment de celles de son père, celui-ci porte des vêtements over size (au-dessus de sa taille). « "Tu te rends compte, c'est pour toute la vie, quel regard auront tes enfants sur toi ?", ne cesse de me répéter mon père. Mes tatouages représentent toutes sortes de moments où d'idées forts de ma vie, c'est comme un journal intime », relate Roland, artiste qui arbore une dizaine de tatouages sur le bras et sur une partie de son cou où trône un dragon qui ne passe pas inaperçu. Si Roland assume, Gisèle, quant à elle, regrette amèrement cette marque de son passé puisqu'elle a été à l'origine de son divorce. « Lors de mes noces, mon ex époux a découvert mon tatouage sur le creux de mon bassin avec les inscriptions x pour la vie. Bien évidemment, ce n'était pas son prénom mais celui de mon petit ami à l'université. Après moult discussions entre le pasteur et la famille, mon mari a finalement décidé de rompre notre union, vu qu'il n'y avait pas de moyen de camoufler cette phrase. L'idéal serait d'effacer ce tatouage, mais c'est une opération qui se fait dans d'autres cieux et c'est très onéreux », a fait savoir cette dernière qui sait que cette phrase la suivra jusqu' à sa tombe.

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Mal perçues, les personnes tatouées sont automatiquement assimilées à des marginaux, ex taulards, voyous, femmes de petite vertu qui ont pour désir d'attirer l'attention. Enfermées dans cette case, elles ont du mal à ôter cette étiquette, source de préjugés de tout genre. « Le tatouage n'a aucun rapport avec les compétences professionnelles d'une personne, encore moins sur son éducation et sa connaissance », s'insurge Destin qui a dû démissionner car fatigué de se justifier devant l'incrédulité de son entourage. Même quand on est ouvert d'esprit, il y a certains tatouages qui ne passent pas inaperçus, avoue Nelly qui a été choquée de voir un comptable avec un tatouage à sa main. « C'est une question d'image d'une entreprise, en ce qui me concerne, je ne l'aurai pas placé à la caisse », fait elle savoir.

Mais, Prudence reste cependant sceptique par rapport à ces jugements. Selon elle, « toute personne a droit à une seconde chance dans la vie, car on a un passé et un présent et on ne devrait pas calquer une personne par rapport à son passé. Heureusement que le code du travail interdit toute forme de discrimination liée à l'apparence physique. Sinon ces personnes auraient difficilement accès au travail », note cette dernière. Elle reconnaît toutefois que la nature du poste ou l'image que souhaite donner une entreprise, un contrat de travail, peut interdire des accessoires ou tenues. « Ce qui fait que le tatouage reste un frein à l'emploi », renchérit Nelly, convaincue que ce tampon pourrait influencer sur un établissement.

Pour Pierril Vividila, récemment rentré de Cuba où le tatouage est culturel, il est convaincu que « juger une personne par rapport à son tatouage est une atteinte à ses droits. Chacun est libre de faire ce qu'il veut tant qu'il n'empiète pas sur la liberté des autres. Attention, les apparences sont trompeuses ! », avertit-il. En outre, si l'habit ne fait pas le moine, la bible est pourtant claire par rapport à cette pratique comme l'indique le pasteur Germain Ibouanga de l'église baptiste Évangélique missionnaire, dans Lévitique19 : 28. « Vous ne ferez pas d'incisions dans votre chair pour un mort, et vous n'imprimerez point de figures sur vous. Je suis l'Éternel ».

Quant au plan médical, le Dr Jonas Mouzinga est formel à ce sujet. « Ce n'est pas sur toutes les peaux qu'on peut faire des tatouages car certains produits utilisés peuvent provoquer des allergies et compliquer la cicatrisation », a fait savoir ce dernier. Il suggère à ceux qui veulent se lancer dans cette aventure de faire avant tout un bilan dermatologique. Un phénomène qui n'est certes pas nouveau mais qui prend de l'ampleur avec la mondialisation, a fait savoir Grâce Otilibili, psychologue. « Ce phénomène s'est accentué avec l'arrivée d'internet, les images venues d'ailleurs ou des gens se tatouent sans complexe poussent certaines personnes à intégrer ces pratiques dans leurs modes de vie sans vraiment mesurer les conséquences que cela peut avoir dans leur vie future », a fait noter Grâce.

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