Afrique: Discours du Directeur général de l'OMS au Sommet mondial des gouvernements - 12 février 2024

communiqué de presse

Vos Altesses, Excellences,

Chers collègues et amis,

Assalamu'alaikum warahmatullahi wabarakatuh.

Je remercie Vos Altesses de leur hospitalité, de leur appui indéfectible à l'Organisation mondiale de la Santé et à la santé mondiale, et de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous aujourd'hui.

C'est un grand plaisir d'être de retour à Dubaï. J'ai eu l'honneur d'être ici en décembre de l'année dernière pour la 28e Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP 28), la première à consacrer une journée à la santé, et je remercie les Émirats arabes unis d'avoir pris l'initiative de donner à la santé une place aussi importante dans l'agenda climatique. C'était la première fois qu'une telle journée était organisée. Merci aux Émirats arabes unis de jouer un rôle d'éclaireur.

Quelque 147 pays ont signé la déclaration des Émirats arabes unis sur le climat et la santé de la COP28, qui reconnaît qu'une crise climatique est une crise sanitaire.

Je remercie en particulier les Émirats arabes unis pour leur soutien au Pôle logistique mondial de l'OMS, ici à Dubaï, qui est devenu un élément essentiel de la riposte opérationnelle de l'OMS aux urgences sanitaires dans le monde.

L'année dernière, le pôle a distribué des fournitures médicales à 50 millions de personnes en situation d'urgence dans 81 pays, dans toutes les régions du monde : Afghanistan, Fidji, Haïti, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sri Lanka, Tchad, Ukraine, Venezuela, Yémen et bien d'autres encore.

Depuis son ouverture en 2015 à Dubaï, le pôle a vu sa surface multipliée par 7, passant de 3000 à 20 000 mètres carrés.

Il joue actuellement un rôle essentiel dans notre riposte à plusieurs situations d'urgence dans le monde, y compris la crise en cours à Gaza.

Jusqu'à présent, nous avons livré 447 tonnes de fournitures médicales à Gaza, mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan des besoins, qui ne cessent de croître chaque jour.

Seuls 15 des 36 hôpitaux de Gaza sont encore partiellement ou très peu fonctionnels.

Les agents de santé font de leur mieux dans des conditions extrêmes.

Je suis particulièrement préoccupé par les récentes frappes sur Rafah, où la majorité de la population de Gaza s'est réfugiée pour échapper aux destructions dans le nord.

L'OMS continue d'appeler à un accès sûr pour le personnel et les fournitures humanitaires ;

Nous continuons d'appeler à la libération des otages détenus par le Hamas ;

Et nous continuons d'appeler à un cessez-le-feu.

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Excellences,

Le 12 février 2018, il y a exactement six ans, je suis monté sur cette tribune et j'ai déclaré que le monde n'était pas préparé à une pandémie, et j'ai exprimé mon inquiétude à ce moment-là qu'une pandémie puisse survenir à tout moment.

Comme vous vous en souvenez, moins de deux ans plus tard, en décembre 2019, la pandémie de COVID-19 a frappé et, en effet, le monde n'était pas préparé.

Aujourd'hui, je me tiens devant vous, au sortir de la COVID-19,

qui a fait des millions de morts,

et dont les chocs sociaux, économiques et politiques se font sentir encore aujourd'hui,

Même si des progrès ont été accomplis, comme l'amélioration de la surveillance, le Fonds de lutte contre les pandémies, le renforcement des capacités de production de vaccins et l'examen périodique que nous avons mis en place, le monde n'est toujours pas prêt à faire face à une pandémie.

Le cycle où alternent panique et désintérêt se met à recommencer.

Les douloureux enseignements que nous avons tirés risquent d'être oubliés à mesure que l'attention se porte sur les nombreuses autres crises auxquelles notre monde est confronté.

Mais si nous ne tirons pas ces leçons, nous le paierons cher la prochaine fois.

Et il y aura une prochaine fois. L'histoire nous enseigne que, même si nous ne savons pas quand, une autre pandémie se produira.

Elle peut être due à un virus de la grippe, à un nouveau coronavirus ou à un nouvel agent pathogène que nous ne connaissons pas encore, ce que nous appelons la « maladie X ».

La maladie X a fait l'objet de beaucoup d'attention ces derniers temps, mais en fait, ce n'est pas une nouveauté.

Nous avons utilisé le terme « maladie X » pour la première fois en 2018, au moment même où j'ai pris la parole à ce Sommet mondial des gouvernements, pour désigner une maladie que nous ne connaissons pas encore, mais à laquelle nous pouvons néanmoins nous préparer.

La COVID-19 était une maladie X, c'est-à-dire un nouvel agent pathogène à l'origine d'une nouvelle maladie.

Mais il y aura une autre maladie X, ou une maladie Y ou une maladie Z.

Et, dans l'état actuel des choses, le monde n'est toujours pas préparé à la prochaine maladie X et à la prochaine pandémie.

Si elle frappait demain, nous serions confrontés aux mêmes problèmes que ceux que nous avons connus avec la COVID-19.

C'est pour cette raison qu'en décembre 2021, les États Membres de l'OMS se sont réunis à Genève et ont convenu d'élaborer un accord international sur la préparation et la riposte aux pandémies, un pacte juridiquement contraignant en vue de collaborer pour assurer leur propre sécurité et celle des autres.

Les pays se sont fixé un délai pour conclure l'accord à temps pour qu'il soit adopté par l'Assemblée mondiale de la Santé en mai de cette année.

Ce n'est plus que dans 15 semaines.

Cependant, il existe actuellement deux obstacles majeurs qui empêchent de respecter cette échéance.

Le premier est un groupe de questions sur lesquelles les pays ne sont pas encore parvenus à un consensus.

Ils font des progrès, mais il reste encore des points de divergence qui nécessitent de nouvelles négociations entre les pays.

Aucun de cs points de désaccord n'est insurmontable. Si les pays écoutent les préoccupations des autres, je suis convaincu qu'ils peuvent trouver un terrain d'entente et une approche commune.

Le deuxième obstacle majeur est la litanie de mensonges et de théories du complot à propos de l'accord :

c'est un abus de pouvoir de la part de l'Organisation mondiale de la Santé ;

il cédera la souveraineté à l'OMS ;

il donnera à l'OMS le pouvoir d'imposer aux pays un confinement ou une obligation vaccinale ;

c'est une « atteinte à la liberté » ;

l'OMS n'autorisera pas les gens à voyager ;

et l'OMS peut contrôler la vie des gens.

Ce sont là quelques-uns des mensonges qui sont propagés.

S'ils n'étaient pas si dangereux, ces mensonges seraient drôles.

Mais ils mettent en danger la santé des populations du monde entier. Et il n'y a pas de quoi rire.

Ces affirmations sont totalement, complètement et catégoriquement fausses. L'accord sur les pandémies ne donnera à l'OMS aucun pouvoir sur un État ou un individu, d'ailleurs.

Quiconque affirme le contraire est soit mal informé, soit menteur.

Mais ne me croyez pas sur parole. Le projet d'accord est disponible sur le site de l'OMS pour tous ceux qui souhaitent le lire.

Et quiconque le fera ne trouvera pas une seule phrase ou un seul mot donnant à l'OMS un quelconque pouvoir sur les États souverains.

Vous savez, les pays parlent même d'IA souveraine, comme nous l'avons vu dans le panel précédent, de la même manière. Les pays garderont leur souveraineté.

Parce que ce sont les États souverains eux-mêmes qui rédigent l'accord. Pourquoi accepteraient-ils de céder leur souveraineté à l'OMS ?

Nous ne pouvons pas accepter que cet accord historique, ce tournant dans la santé mondiale, soit saboté par ceux qui propagent des mensonges, délibérément ou inconsciemment.

Soyons clairs : l'OMS n'a rien imposé à personne pendant la pandémie de COVID-19. Ni le confinement, ni l'obligation de porter un masque, ni l'obligation vaccinale.

Nous n'avons pas le pouvoir de le faire, nous ne voulons pas ce pouvoir et nous n'essayons pas de l'obtenir.

Notre mission consiste à épauler les gouvernements en leur fournissant des orientations fondées sur des données probantes, des conseils et, le cas échéant, des fournitures, afin de les aider à protéger leur population.

Mais les décisions leur appartiennent. Il en va de même pour l'accord sur les pandémies.

Cet accord a été rédigé par les pays et pour les pays, et il sera adopté et mis en oeuvre dans les pays conformément à leur législation nationale.

En fait, l'OMS ne sera même pas partie à l'accord. Les parties sont les gouvernements et les gouvernements seuls.

Loin de supprimer la souveraineté, l'accord affirme au contraire la souveraineté et la responsabilité nationales dans ses principes fondateurs.

En effet, l'accord est lui-même un outil de souveraineté.

Il porte sur les engagements pris par les pays pour se protéger et protéger les autres contre les pandémies.

Et il reconnaît qu'ils ne peuvent y parvenir qu'en collaborant les uns avec les autres.

Permettez-moi de vous dire ce que dit l'accord. Il s'agit d'un ensemble d'engagements pris par les pays pour renforcer les défenses du monde dans plusieurs domaines :

Le renforcement de la prévention au moyen d'une approche « Une seule santé » ;

Les personnels de santé et d'aide à la personne ;

La recherche-développement ;

L'accès aux vaccins et à d'autres produits ;

Le partage d'informations, de technologies et d'échantillons biologiques ;

Et plus encore.

Je vous pose maintenant la question : qu'y a-t-il de si problématique dans ces engagements ?

Y a-t-il quelqu'un qui pense que les pays ne devraient pas coopérer ?

Quelqu'un pense-t-il que les pays ne devraient pas mettre en commun des informations ?

Quelqu'un pense-t-il que certaines personnes méritent plus que d'autres d'avoir accès aux vaccins et à d'autres outils ?

Dans notre monde interconnecté et interdépendant, les pays ne peuvent assurer leur sécurité que s'ils collaborent les uns avec les autres.

En ce sens, l'accord sur les pandémies est un engagement en faveur de la sécurité nationale. Il en va de l'intérêt national de chaque pays.

En effet, les agents pathogènes n'ont que faire des lignes que les êtres humains tracent sur les cartes, de la couleur de nos politiques, de la taille de nos économies ou de la puissance de nos armées.

Malgré toutes nos différences, nous formons une seule et même humanité, une seule et même espèce, partageant le même ADN et la même planète.

Aucun avenir n'est envisageable s'il n'est pas commun.

Les menaces communes exigent donc une réponse commune.

C'est pourquoi cet accord sur les pandémies est si important.

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Vos Altesses, Excellences,

La pandémie de COVID-19 a causé d'énormes pertes aux communautés, aux pays, aux entreprises et aux économies.

Ces pertes ne doivent pas être inutiles et ne doivent pas se répéter.

Il est possible, voire probable, que nous soyons confrontés à une autre pandémie au cours de notre vie.

Nous ne pouvons pas savoir si elle sera bénigne ou grave. Mais nous pouvons nous y préparer.

Sommes-nous prêts maintenant ? Pas encore.

C'est pourquoi l'accord sur les pandémies est indispensable à l'humanité.

Il s'agit d'un pacte avec l'avenir, aux termes duquel nous nous engageons à ne pas exposer les générations qui nous suivent aux mêmes souffrances que celles que nous avons endurées.

Si l'accord avait été mis en place avant la pandémie de COVID-19, les pertes n'auraient pas été aussi importantes.

Le moment est venu pour les plus hauts niveaux de gouvernement de concrétiser l'accord sur les pandémies lors de l'Assemblée mondiale de la Santé dans 15 semaines.

Le moment est venu de dire non aux inégalités ;

Non aux mensonges et à la mésinformation ;

Et oui à la coopération internationale ;

Oui à l'équité ;

Et oui à la solidarité.

En tant que génération ayant connu la COVID-19, nous avons la responsabilité collective de protéger les générations futures des souffrances que nous avons vécues.

Que l'histoire retienne que nous nous sommes montrés à la hauteur de cette responsabilité et que nous avons fait du monde un endroit en meilleure santé, plus sûr et plus juste.

Shukraan jazeelan. Je vous remercie.

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