Sénégal: Présidentiel - On prend les mêmes et on recommence !

16 Février 2024
analyse

La décision tant attendue du Conseil Constitutionnel est tombée ce 15 février 2024, dans le délai minimum. Cela se comprend d’ailleurs car on est dans le droit électoral qui est « un droit de l’urgence ».

Faut-il le rappeler, cette décision fait suite à deux requêtes. L’une introduite par un groupe de candidats auprès de la Cour Suprême pour contester la légalité du décret présidentiel abrogeant, celui portant convocation du collège électoral pour la présidentielle du 25 Février 2024.

L’autre quant à elle est à l’initiative du groupe parlementaire de Yewwi Askan Wi devant le Conseil Constitutionnel pour attaquer la loi votée par l’Assemblée Nationale le 06 Février 2024 par la majorité au pouvoir en alliance avec le PDS et son groupe parlementaire « Wallu » (secourir en français) du candidat Karim Wade éliminé de la liste définitive des candidats par le Conseil Constitutionnel pour cause de double nationalité.

La décision du Conseil Constitutionnel peut en effet se comprendre de deux manières, raison pour laquelle dans les deux camps on affiche une certaine satisfaction, même si on peut pointer des réserves sur le fond.

En effet, on peut dire que le Conseil, qui avait habitué les requérants à des déclarations d’incompétences sur plusieurs questions électorales, a cette fois-ci dit le droit, en annulant le décret du Président de la République portant révocation de la convocation du corps électoral, et qui renvoyait l’élection à une date non indiquée. C’est une première. On n’a pas connaissance d’une décision, qui au demeurant relève du contrôle de légalité d’un acte réglementaire sur la matière électorale. Le Conseil a fait preuve d’audace. Certains doctrinaires pensent qu’il est bien dans son rôle car l’acte, par ses effets, entre bien dans sa sphère de compétence notamment en ce qui concerne le mandat du Président de la République et le calendrier électoral.

On peut également dire concernant l’annulation de la loi portant prolongement du mandat du Président de la République qu’il est fidèle à sa jurisprudence de 2016, comme beaucoup d’analystes l’avaient prédit.

En définitive, le droit a été dit, les principes réaffirmés, la décision présente un goût d’inachevé, en ce sens que le Conseil ne tranche pas définitivement la question de la date du scrutin, et ses accessoires, sans doute eu égard au protocole de la CEDEAO, qui dispose que les changements dans le processus électoral ne peuvent intervenir moins de 6 mois avant l’élection à défaut, il faut un consensus large des acteurs politiques sur la date retenue ou sur les modifications.

Le Conseil en renvoyant l’organisation de l’élection au pouvoir en place, et en ne tranchant pas pour autant la date de sa tenue, ouvre une nouvelle brèche. Celle-ci pourrait déboucher sur un report de fait pour une durée plus longue faute d’accord entre les protagonistes et l’administration d’une part, et entre eux- mêmes de l’autre.

Le problème reste donc à moitié résolue, car la décision en elle-même redonne la main à Macky Sall et ses partisans, et autres candidats partisans du dialogue jusque-là embusqués, et prompts à pousser à la roue.

En revanche, du côté de l’opposition on crie victoire d’autant que la durée du mandat est aujourd’hui actée. Le 02 Avril le président Macky Sall va quitter le pouvoir. En revanche, il   garde la haute main sur le dialogue national qui lui est cher, pour « apaiser le pays » dit-il, et qui est aujourd’hui un passage obligé vers un réaménagement du processus et son acceptation par tous, à l’exclusion certainement du PDS dont le sort est définitivement scellé.

Reste à voir si ce jugement de Salomon pourra permettre au Sénégal de traverser cette zone de turbulence qui a secoué les pays et ses amis, mais aussi qui laisse une profonde balafre sur le visage de sa démocratie chahutée un peu partout.

Les discussions pour un dialogue constructif, annoncé pour les prochains jours, quelle que soit sa dénomination, dans l’objectif de ramener la sérénité et de fixer un agenda électoral, qui préserve les acquis démocratiques, reste une attente forte.

Vivement que les acteurs politiques de tous bords, soient à la hauteur, pour ramener la paix nécessaire au développement du Sénégal, et la réparation des injustices subies pendant ces 5 dernières années.

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