L'UE en veut de toute évidence aux pays qui lui tiennent tête en matière de réadmission. Le Maroc en fait partie
L'envol des prix touchera prochainement les droits de visa Schengen. Selon le site SchengenVisaInfo.com, la Commission européenne projette de faire passer lesdits droits de 864,4 DH (80 euros) à 972,45 DH (90 euros) pour les adultes et de 432,2 DH (40 euros) à 486,23 DH (45 euros) pour les enfants en raison du taux d'inflation dans l'UE.
Hausse
Pis, les pays considérés par l'UE comme « non coopérants en matière de réadmission de leurs ressortissants en séjour irrégulier dans l'espace Schengen » verront la redevance pour un visa Schengen passer de 1296,61 DH (120 euros) à 1458,68 DH (135 euros) et de 1728,81 DH (160 euros) à 1944,91 DH (180 euros). A noter que le Maroc fait partie de ces pays comme c'est le cas pour le Mali, le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, considérés comme nations qui « coopèrent très peu ». Rappelons également que le Maroc a figuré au Top 10 des nationalités ayant les taux de refus les plus élevés des visas Schengen par habitant en 2022. Il fait partie des pays qui ferment la marche aux côtés du Qatar et de l'Arménie avec 200 et 350 candidats rejetés. Selon le site SchengenVisaInfo.com, un Marocain sur quatre a reçu une réponse négative à sa demande, soit 119.346 personnes en 2022. Cela signifie que 45,7% de la population s'est vu refuser un visa et que les refus pour 100.000 personnes ont atteint 315.
La Commission européenne projette de faire passer les droits de visa Schengen de 864,4 DH à 972,45 DH pour les adultes et de 432,2 DH à 486,23 DH pour les enfant
En plus de ces frais, il faut compter également les coûts qui seront ajoutés par les prestataires extérieurs du service des visas Schengen qui pourront également appliquer une redevance plus élevée. A en croire le site SchengenVisaInfo.com, le projet prévoit que « les prestataires de services externes qui perçoivent les demandes de visa Schengen au nom des Etats membres peuvent généralement percevoir des redevances jusqu'à la moitié des frais de visa standard. Cela signifie qu'ils pourront facturer 451,63 DH (45 dollars) pour leurs services au lieu de 401,45 DH (40 dollars)».
S'agissant des frais de prolongation d'un visa Schengen, la Commission a proposé que la redevance reste la même (324,32 DH (30 euros)). En outre, la Commission européenne a assuré que «la révision des frais de visa n'a pas d'incidence sur les redevances prévues dans les accords de facilitation des visas, à moins que les dispositions de l'accord ne fassent explicitement référence aux frais de visa fixés dans le code des visas ».
Pression
Comment peut-on expliquer cette augmentation des frais de visa? Pour plusieurs observateurs, ces hausses étaient attendues puisque l'exécutif européen a proposé en 2018 dans le cadre d'une législation présentée par la Commission européenne « une hausse modérée des droits de visa », inchangés depuis 2006, suggérant de passer de 60 à 80 euros. Mais, derrière ce changement, il y a la détermination de l'UE à faire de l'octroi de visas un "levier" pour accélérer les renvois des migrants irréguliers et des demandeurs d'asile déboutés vers leurs pays d'origine. A rappeler, à ce propos, que l'UE a multiplié les contacts avec les pays africains au cours de l'année 2018 pour qu'ils coopèrent davantage aux "retours" de leurs nationaux considérés comme des migrants irréguliers, déplorant toutefois de trop faibles résultats.
La Commission propose désormais de pouvoir "déclencher l'application de conditions plus strictes pour le traitement des visas lorsqu'un pays partenaire ne coopère pas suffisamment aux fins de la réadmission des migrants en situation irrégulière".
Les restrictions évoquées par la Commission concerneraient notamment "le délai maximal imparti pour le traitement des demandes", "la durée de validité des visas délivrés", "le montant des droits de visa" ou encore "l'exemption de ces droits applicable à certains voyageurs, tels que les diplomates".
Dans une édition précédente, l'académicien et chercheur en migration, Abdelkrim Belguendouz, a fait observer que « l'UE a mis la pression ces dernières années et elle continue de le faire. Il y a trois ou quatre ans, l'UE a changé le code des visas en décidant que ceux-ci seront accordés aux pays qui collaborent davantage, particulièrement en matière de réadmission. En d'autres termes, l'UE utilise encore le visa comme moyen de pression ». Et d'ajouter : «Il s'agit d'une politique globale, multidimensionnelle, en utilisant tous les instruments politiques dont elle dispose et tous les moyens (aide, commerce, bourses, etc.). Tout cela, elle l'utilise dans un même paquet».
Notre interlocuteur soutient que la pression exercée via l'octroi des visas rime parfaitement avec la politique de l'Union européenne pratiquée au niveau des routes migratoires, comme en témoignent plusieurs plans d'action mis en place, dans le cadre des négociations et du dialogue politique bilatéral avec certains pays. Tel est le cas de l'accord signé dernièrement avec la Tunisie, qui vise essentiellement le renforcement de la politique d'externalisation de l'UE en empêchant tout départ de la Tunisie vers l'Europe, en réadmettant les sans- papiers tunisiens envoyés par l'Europe et en rapatriant les migrants irréguliers d'autres nationalités, essentiellement les Subsahariens, vers leurs pays d'origine.