Sénégal: Ndiogou Sarr, enseignant chercheur en droit public - « Le Conseil n'a fait qu'appliquer le droit »

16 Février 2024

« Je dirais que le Conseil n'a fait qu'appliquer le droit. On avait dit que la loi votée par l'Assemblée nationale est une violation manifeste de la Constitution. Non seulement, elle viole la Constitution mais, c'est une loi qui a une incidence sur les dispositions qui sont extrêmement importantes de la Constitution notamment les clauses d'intangibilité qui ne peuvent souffrir d'aucune entrave. A partir de ce moment, le Conseil n'a fait que respecter la Constitution. Et mieux, le Conseil a dit qu'il ne peut pas se dédire parce qu'il a dit en 2016, dans ses considérants que la question du mandat est intangible et constitutionnelle. On ne saurait donner la possibilité à quelqu'un d'allonger ou de diminuer son mandat. C'est une question de sécurité juridique et il l'a rappelé aussi.

Sur le décret, on pouvait penser que c'est la Cour suprême qui est compétente mais je vous ai dit la dernière fois à propos du décret que le président a abrogé, il n'avait pas le droit de le faire parce que le moment n'est plus approprié même si avait la qualité, la compétence administrative puisque ce décret est dans une logique électorale et qui est une exigence constitutionnelle. Tout simplement parce que ce décret devait être pris en conformité au respect des dispositions qui doivent organiser l'élection présidentielle et par rapport au respect et à la durée du mandat. Dès lors, le décret pourrait être bel et bien apprécié par le Conseil constitutionnel parce que ça entre dans le cadre du champ électoral et le Conseil est le juge électoral ».

« On ne peut pas organiser l'élection au-delà du 2 avril, cela n'est pas possible ».

« Dans sa décision n° 1/c/2024, le Conseil constitutionnel n'a fait que répondre aux allégations des requérants. Ce sont eux qui ont demandé au Conseil constitutionnel non seulement d'annuler le décret du président de la République, de déclarer contraire à la Constitution la Loi n » 4/2024 adoptée par l'Assemblée nationale portant dérogation aux dispositions de l'article 31 de la Constitution mais aussi d'ordonner la poursuite du processus électoral en donnant un délai complémentaire par apport au temps perdu.

Dans sa décision, le Conseil a dit, effectivement, qu'il a annulé par conséquent mais aussi a constaté qu'on ne peut tenir l'élection présidentielle le 25 février prochain et il a dit qu'il invite les autorités compétentes à prendre des mesures pour l'organisation de cette élection. Cela veut dire : dès lors que le Conseil constitutionnel a dit qu'on ne peut pas augmenter ni diminuer la durée du mandat du président de la République et qu'on sait que ce mandat prend fin le 2 avril prochain, cela veut qu'il dit : prenez vos dispositions. Autrement dit, on ne peut pas organiser l'élection au-delà du 2 avril, cela n'est pas possible.

« Le Conseil constitutionnel n'a pas voulu imposer une date à l'administration pour éviter le piège... »

« Il revient aux pouvoirs publics de prendre des dispositions nécessaires pour organiser la présidentielle avant la date du 2 avril en tenant compte de tout ce qui est impératif. Car, en réalité l'article 31 de la Constitution dit à propos de la date, entre 30 et 45 jours avant la fin du mandat du président de la République. Il y'a une marge si vous regardez la date du 25 février. Personnellement, je pense que si on retient la date du 3 mars pour le premier tour, cela va permettre de diminuer le temps de campagne. En revanche, si on choisit la date du 17 mars, on va respecter la durée de campagne mais l'essentiel, c'est d'avoir la durée des deux semaines prévue entre le premier et le second tour. L'administration a les moyens de faire ses calculs et d'organiser cette élection avant la fin du mandat du président de la République. D'ailleurs, je pense que le Conseil constitutionnel n'a pas voulu imposer une date à l'administration pour éviter de tomber dans le piège tout simplement parce qu'il appartient à l'administration de gérer l'organisation matérielle des élections. Par conséquent, si le Conseil disait, faites l'élection à telle date, l'administration pourrait s'appuyer sur cette date-butoir que le Conseil a fixé pour imputer toute la responsabilité de l'organisation des élections au Conseil. Ça c'est mon analyse personnelle. On a encore une marge de manoeuvre pour respecter les délais des 30 jours avant la fin du mandat. L'essentiel est que l'organisation ne se passe pas après la durée du mandat ».

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