Ile Maurice: Entre accès à l'information dans l'intérêt public et droit à la vie privée

17 Février 2024

La plus haute juridiction indienne a invalidé jeudi un système autorisant les dons politiques anonymes, une décision cruciale avant les élections nationales en avril. Le système permettait aux donateurs de financer des partis de manière anonyme au moyen d'«obligations électorales» (electoral bonds) achetées auprès de la State Bank of India (SBI).

C'est-à-dire que sous ce système, n'importe qui pouvait acheter une obligation électorale à la SBI, propriété du gouvernement, pour des sommes allant de 1 000 roupies (12 dollars) à 10 millions de roupies (120 000 dollars). Les obligations étaient ensuite remises à un parti qui pouvait les échanger contre des sommes en liquide. Ces obligations, exonérées d'impôt, ne mentionnaient pas le nom du donateur. Mais ce mode de financement était critiqué, ses détracteurs y voyant notamment un moyen opaque de transférer de l'argent suspect vers les partis. Jeudi, la Cour suprême de l'Inde l'a invalidé, notant que «le système de cautionnement électoral porte atteinte au droit à l'information de l'électeur...L'information sur le financement des partis politiques est essentielle à l'exercice effectif du droit de vote».

La Cour suprême a aussi ordonné l'arrêt de toute nouvelle obligation électorale. Dans les trois semaines, la SBI doit soumettre à la Commission électorale de l'Inde les détails des obligations achetées depuis le 12 avril 2019, y compris la date d'achat, le nom de l'acheteur et la dénomination

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Bien qu'à Maurice, ce système de cautionnement électoral n'existe pas, l'opacité entourant le financement des partis politiques fait souvent l'objet de débats. Les dons anonymes ne sont pas interdits, et il n'y a pas de règles qui mettent les acteurs politiques et les bailleurs de fonds face à leurs responsabilités.

Ashok Subron : «Le financement des partis politiques par les entreprises du secteur privé doit être interdit»

«Les donations aux partis politiques ne posent pas de problème. Cependant, le financement des partis politiques par les entreprises du secteur privé doit être outlawed. En revanche, un citoyen a tout à fait le droit de financer un parti politique, conformément à son idéologie, et ce droit doit continuer à être respecté. Un seuil doit être fixé pour le montant qu'un individu peut donner et tout montant supérieur doit être rendu public par le parti politique», estime Ashok Subron de Rezistans ek Alternativ (ReA).

Linion Moris : «On doit savoir si des entreprises mauriciennes sont impliquées»

Fadhil Mollabux, trésorier de Linion Moris (coalition de Linion Pep Morisien-Rassemblement mauricien-Ralliement citoyen pour la patrie-les Verts Fraternels), explique que Linion Pep Morisien est enregistré comme entreprise et que ses comptes ont été publiés, accessibles à tous, comme preuve de la transparence de son activité. «Le jugement historique rendu en Inde a démontré que la loi est au-dessus de tout dans ce pays démocratique, en stipulant que le système est contraire au droit à l'information en vertu de l'article 19(1)(a) et en soulevant la question du quiproquo. Ce jugement est crucial car le droit à l'information a pris le dessus sur le droit à la vie privée, un droit fondamental. De nombreuses lois furent également modifiées pour s'adapter à ce système, par exemple la Companies Act, l'Income Tax Act, la Foreign Contribution (Regulation) Act et la Reserve Bank of India Act. À notre niveau, Linion Moris a toujours été en faveur d'une Freedom of Information Act, que nous avons également présentée.»

Fadhil Mollabux souligne que «ce qui nous préoccupe à Maurice devrait être l'aspect des contributions anonymes par des entités étrangères, comme l'a souligné la cour indienne. La question reste de savoir si des entreprises mauriciennes sont impliquées. D'autant plus que des allégations concernant des shell companies opérant dans notre juridiction, notamment par le récent rapport de la firme Hindenburg concernant l'Adani Group, ont fait surface. Alors que la SBI en Inde doit soumettre tous les détails à sa commission électorale pour qu'ils soient rendus publics, à Maurice, la Financial Crimes Commission doit suivre de près les développements majeurs de cette affaire et si une société mauricienne est impliquée, des sanctions doivent être prises.»

Nando Bodha: «Mécanisme de transparence pour éviter la collusion entre bailleurs de fonds et allocations de contrats»

Le leader du Rassemblement mauricien (RM), Nando Bodha, souligne entre autres, la nécessité de mettre en place un mécanisme de financement des partis politiques en toute transparence afin d'éviter un système de collusion entre les bailleurs de fonds et des allocations de contrats. «Tout d'abord, la date des élections doit être fixée dans la Constitution, afin que tout le monde soit au courant et puisse se préparer électoralement, sur le terrain, idéologiquement et financièrement.»

Le leader du RM rappelle que le projet de loi en 2019, qui n'a pas été adopté, était formulé pour inclure d'autres dispositions électorales telles qu'une plus grande représentation des femmes. «Il prévoyait également des contributions anonymes et nous les avions maintenues à un montant assez faible. Nous avons besoin d'un projet de loi uniquement sur le financement des partis politiques. Ayant travaillé dans ce milieu pendant des années, de mon point de vue, la question qui revient est de savoir s'il y a un lien entre le financement d'un parti politique et l'octroi de contrats par la suite, établissant ainsi un retour d'ascenseur. Nous avons donc besoin d'un mécanisme de procurement qui évite les abus, de sorte qu'il n'y ait pas de collusion», explique Nando Bodha, en se référant aux scandales liés à l'approvisionnement d'urgence pendant la période Covid-19.

L'ancien ministre se dit en faveur du financement des partis politiques avec la mise en place d'un mécanisme où la loi est respectée et où le parti fonctionne en toute transparence, où les dépenses du parti sont également listées. «Chaque parti politique doit être enregistré, avec un compte bancaire et celui-ci doit être audité», avance Nando Bodha.

Veda Baloomoody : «Mécanisme de transparence qui ne victimise pas les bailleurs de fonds»

Au nom du MMM, Veda Baloomoody soutient la nécessité d'une loi qui contrôle le financement des partis politiques, qui ne soit pas seulement transparente mais qui ne soit pas utilisée pour pénaliser les personnes qui contribuent financièrement aux partis politiques. «D'une part, les gens doivent savoir d'où proviennent les revenus, mais d'autre part, il faut trouver un équilibre entre la protection de l'accès à l'information en toute transparence et la protection du droit à la vie privée, de sorte que le bailleur de fonds ne puisse pas être victimisé par le système par la suite. Il faut plafonner le montant des dons, et disposer d'un cadre juridique adéquat et compréhensible pour protéger la transparence sans victimiser le bailleur de fonds. Au niveau du MMM, nous avons notre compte bancaire et les dons ne sont acceptés que par chèque et non en espèces et l'argent est versé sur notre compte. Je suis d'avis que les dons ne devraient être acceptés que par voie de chèques.»

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