Alors que la capture sauvage et l'exploitation de singes à des fins lucratives, mettant en question l'efficacité des autorités mauriciennes et les activités des fermes de singes ainsi que les véritables raisons de la révocation de Vikram Hurdoyal font actuellement débat, de récentes discussions sur l'octroi éventuel d'un permis environnemental (EIA) pour un projet d'élevage massif de 12 000 singes sur un terrain en bail à Rose-Belle Sugar Estate (RBSE) exacerbent cette controverse. Pourtant, le conseil d'administration de RBSE avait décidé de ne pas renouveler le contrat de la compagnie Hammer Head International Ltd, à qui il avait loué environ 234 hectares de terres. Cette entreprise avait été impliquée dans un scandale où son directeur avait été arrêté pour un cas présumé d'élevage illégal de 440 singes à Jin Fei en mars dernier.
Malgré les déclarations antérieures du conseil d'administration de RBSE et d'un communiqué émis mardi selon lesquelles aucun bail n'a été accordé pour l'élevage de singes sur ses terres à Le Val, des révélations récentes suggèrent le contraire. Lors d'une diffusion en direct sur sa page Facebook, la députée Joanna Bérenger a abordé cette affaire et souligné que le ministère de l'Environnement aurait effectué une visite sur le site dans la semaine pour évaluer la demande de permis EIA de la compagnie concernée. Cette démarche soulève des interrogations sur la manière dont le ministère peut évaluer une demande de permis sur un terrain qui n'a pas encore été alloué. La députée mauve s'interroge également sur le fait que RBSE «ferme les yeux» sur une éventuelle utilisation illégale de ses terres. De plus, elle a fait savoir qu'elle a été victime de menaces et d'intimidations à la suite de ses publications, mais qu'elle reste déterminée à suivre de près l'évolution de ce dossier.
Le 14 novembre dernier, Joanna Bérenger avait posé une question au Parlement à l'ancien ministre Hurdoyal sur cette affaire. Ce dernier avait expliqué que les officiers de son ministère s'étaient vu refuser l'accès par trois vigiles lors d'une patrouille le 7 septembre dernier sur un terrain forestier appartenant à RBSE. Malgré la sollicitation de la police de Cent Gaulettes, après le refus aux officiers du ministère de l'Agro-industrie, aucune action n'a pu être entreprise face au directeur de la compagnie, qui aurait maintenu que les officiers n'avaient pas le droit d'accéder au terrain.
Cependant, les officiers du National Parks & Conservation Service ont finalement pu accéder au site le lendemain, soit le 8 septembre. Vikram Hurdoyal a insisté sur le fait qu'aucun singe, ni preuve d'élevage de singes n'avaient été constatés lors de cette visite. Une semaine plus tard, lors d'une autre visite, il avait été signalé que le terrain était vide. En procédant à une évaluation pour accorder un permis dans cette affaire, le gouvernement va-t-il à l'encontre de la décision de RBSE de ne pas renouveler le bail ?
Par ailleurs, la nomination de Mahen Seeruttun au ministère de l'Agro-industrie suscite des interrogations, étant donné qu'il a été employé par la société Noveprim, spécialisée dans ce domaine précis. Plusieurs organismes de défense des droits des animaux, dont Quatre Tilapat et Monkey Massacre, expriment leurs craintes d'éventuelles tentatives de favoritisme dans l'octroi des contrats aux fermes de singes, au détriment de la protection de ces animaux.
D'autre part, ce qui suscite encore plus d'interrogations est que le principal concerné par ce projet d'élevage de 12 000 singes a commencé à s'exprimer sur sa page Facebook sur ce sujet. Ce protagoniste se défend en réagissant aux publications sur le sujet et explique qu'il aurait déjà obtenu le permis depuis 2021 et qu'il attend que les formalités pour l'obtention du permis EIA soient finalisées. «L'EIA concerne surtout le ministère de l'Environnement. Vikram Hurdoyal inn gagn malédiksion parski li fin rod aras enn bout terin ki ti fini gagn, bien merité», dit-il. Cette réaction semble ainsi confirmer que les procédures sont bel et bien en cours pour l'octroi du permis EIA.
D'autre part, le timing de la convocation par la police de Linley Moothien, président de l'ONG Quatre Tilapat, qui vient de soumettre un rapport sur la situation et l'élevage des singes à Maurice, alors qu'une demande de permis est en cours, ne semble pas innocent. Surtout que dans le rapport, Linley Moothien expose les activités des fermes existantes de singes à Maurice et l'indifférence des autorités concernées. La question de l'élevage et de l'exploitation des singes pour des motifs commerciaux soulève des préoccupations majeures par rapport au bien-être animal et à la conservation de la biodiversité. De plus, des allégations de corruption et de collusion entre entreprises privées et autorités gouvernementales remettent en question l'intégrité du processus décisionnel.
L'image du pays est en train d'être écornée par les campagnes d'associations internationales contre le commerce des singes. Pendant ce temps, il est clair que tout comme lors de la découverte de singes «maltraités» à Jin Fei, l'éleveur en question semble jouer sur les contradictions entre les différentes autorités.
«L'habitat naturel de ces macaques ne devrait pas être à Maurice»
Selon l'International Union for Conservation of Nature (IUCN) Red List of Threatened Species, le macaque à longue queue est classé comme une espèce en danger. La population a connu un déclin d'environ 40 % au cours d'une quarantaine d'années. Le rapport de 2022 souligne qu'en 2008, un expert en primates de l'UICN avait recommandé d'urgence qu'il soit reconnu comme plus vulnérable au déclin, en raison de la forte demande pour cette espèce dans le commerce ainsi qu'aux niveaux élevés de chasse et de persécution qu'ils subissent. Ces menaces n'ont fait qu'augmenter, souligne le rapport. Le prix et la demande ont flambé pendant la pandémie de Covid-19. En plus de la chasse et la persécution, l'Asie du Sud-Est continue à être déboisé.
Un manque général de protection de cette espèce est déploré, bien qu'il y ait des lois en place pour les protéger dans plusieurs pays où se trouve leur habitat.
Ces macaques sont réputés pour leur adaptation facile aux environnements urbains, allant même jusqu'à pénétrer à l'intérieur des habitations et à attaquer les habitants. En ce qu'il s'agit de Maurice, Ashmi Bunsy, doctorante en écologie et conservation, explique que ces singes que nous avons à Maurice sont originaires d'Indonésie et ont été introduits dans l'île dans les années 1600. N'étant pas un animal indigène de Maurice, ces singes «ne contribuent pas positivement à notre biodiversité. En réalité, l'habitat naturel de ces macaques ne devrait pas être à Maurice. La zone d'origine du macaque à longue queue englobe la majeure partie de l'Asie du SudEst continentale.»
Malgré son nom, le macaque à longue queue - aussi connu comme le macaque crabier - ne consomme généralement pas de crabes ; c'est plutôt un omnivore opportuniste qui se nourrit d'une variété d'animaux et de plantes. L'écologue relève qu'à Maurice, il est connu pour «prédater les orchidées, les palmiers et les plantes rares telles que le Roussea simplex, qui sont indigènes et endémiques». Ce singe se nourrit également «d'oeufs d'oiseaux, attaque également fortement les fruits indigènes et endémiques, non mûrs dans les forêts, ce qui le met en compétition avec les chauves-souris frugivores endémiques pour la nourriture, entraînant ainsi une pénurie alimentaire pour les chauves-souris, ce qui contribue à son tour au conflit entre l'homme et la faune.» Elle fait aussi ressortir que dans sa zone d'origine, il est répertorié comme une espèce en danger sur la liste rouge de l'UICN, mais pas à Maurice.
Certaines institutions impliquées dans l'exportation de macaques sont réputées pour réinvestir une partie des fonds dans la recherche médicale ainsi que la conservation et la restauration des forêts. Toutefois, les actes de cruauté envers ces singes demeurent fortement condamnés.