Kigali, le 18 février 2024
Le Rwanda est profondément préoccupé par l'abandon des processus de Luanda et de Nairobi par le gouvernement de la République Démocratique du Congo, ainsi que par l'indifférence de la communauté internationale devant le renforcement militaire considérable de la RDC.
La RDC a lancé des opérations de combat massives au Nord-Kivu, en violation des décisions des mécanismes régionaux, qui visent clairement à expulser le M23 et les civils Tutsi congolais vers les pays voisins, travaillant de concert avec les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), une milice d'origine rwandaise directement liée au génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Les récentes avancées du M23 découlent directement de la décision de la RDC d'expulser, en décembre 2023, la force régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est qui supervisait les efforts de cessez-le-feu et de retrait.
La protection des droits et des vies des Tutsi congolais relève de la responsabilité de la République Démocratique du Congo. Son incapacité constante à le faire a exposé l'ensemble de la région des Grands Lacs à trente années de conflit et d'instabilité. Des centaines de milliers de Tutsi congolais ont vécu comme réfugiés en Afrique de l'Est depuis des décennies, oubliés de tous. Sous l'administration du président Félix Tshisekedi, les discours de haine et le tribalisme sont devenus une monnaie d'échange de la politique congolaise, et la discrimination ethnique ainsi que les arrestations et les tueries ciblées sont courantes. Les FDLR sont pleinement intégrées dans les forces armées congolaises (FARDC) comme l'a démontré, à maintes reprises, le groupe d'experts des Nations Unies.
L'ensemble de ces faits représentent une menace sérieuse pour la sécurité nationale du Rwanda. Face à la montée du risque, le Rwanda soutient fermement une résolution politique de la question du M23 par les Congolais eux-mêmes. Le Rwanda est catégoriquement opposé à toute nouvelle tentative d'externalisation forcée de ce problème sur son territoire.
Les dirigeants politiques et militaires congolais, y compris le Président Félix Tshisekedi, ont également déclaré, à plusieurs reprises, leur intention d'envahir le Rwanda et de changer son gouvernement par la force. Le Rwanda les prend au mot, et a adapté sa position en conséquence, notamment via des mesures visant à assurer une défense aérienne totale du territoire rwandais, et à réduire les capacités aériennes offensives, pour faire face à l'introduction de drones d'attaque chinois CH-4 par la RDC en 2023, et aux violations répétées de l'espace aérien rwandais par les avions de chasse congolais.
La déclaration publiée par le Département d'Etat américain le 17 février 2024 offre une image profondément tronquée de la réalité, en contradiction flagrante avec l'esprit du processus de renforcement de la confiance initié par la Directrice du Renseignement National américain en novembre 2023, qui avait créé un cadre constructif pour une désescalade de la situation. Le Rwanda demandera des précisions au gouvernement américain pour savoir si cette déclaration représente un tournant dans sa politique ou résulte d'un simple manque de coordination interne.
C'est le Département d'État américain qui avait, en décembre 2001, ajouté les FDLR - alors connues sous le nom de "ALIR" ( aussi connues sous le nom d'Interahamwe et ex-FAR) - à sa liste des organisations terroristes en vertu du Patriot Act, à la suite de l'assasinat et de viols envers huit touristes occidentaux à Bwindi, en Ouganda, dont deux Américains.
Qualifier cette organisation génocidaire et terroriste de simple "groupe armé désigné comme 'force négative' par les organismes régionaux et le gouvernement de la RDC", est un acte de realpolitik choquant et cynique, qui remet en question la capacité des États-Unis à servir de médiateur crédible dans la région des Grands Lacs.
Le soutien de la RDC aux FDLR relève de la politique de l'État et non du choix d'acteurs individuels. Mettre fin au soutien de l'État congolais aux FDLR et assurer leur démobilisation et leur rapatriement au Rwanda est une exigence non négociable pour protéger l'intégrité territoriale du Rwanda, et assurer la préservation de notre unité nationale durement acquise pour les générations futures. En conséquence, le Rwanda se réserve le droit de prendre toutes les mesures légitimes pour défendre son pays, tant que cette menace existe.
Le Rwanda apprécie et soutient pleinement les efforts de médiation inlassables des dirigeants régionaux, notamment du président angolais João Lourenço. Le Rwanda s'engage à prendre des mesures extraordinaires pour garantir la sécurité et la stabilité de notre région, en agissant sur les causes profondes du conflit.