Comores: Polémique autour d'une chanson à succès évoquant alcool et débauche

Aux Comores, la chanson Hama Tsimegneha rencontre un vif succès, mais divise également dans ce pays à dominante musulmane car elle évoque alcool et débauche. Explications.

Hama Tsimegneha - qui pourrait se traduire par « On dirait que je suis pris par le vice » ou « On dirait que je me suis encanaillé » - est une chanson du duo d'artistes comoriens KM Boyz et Leg Arzam qui enflamme l'archipel des Comores. L'enflamme, mais le divise aussi.

Cette chanson entraînante, qui évoque l'alcool et la débauche, a déclenché une vague de controverses dans ce pays à dominante musulmane. Pour les uns, elle contribue à sensibiliser la jeunesse, pour les autres, elle propage une image dégradante de la jeunesse comorienne.

Hama Tsimegneha est partout ces derniers temps : dans les taxis, sur les réseaux sociaux et au coeur des discussions quotidiennes. La chanson suscite des réactions passionnées.

Nakib, la trentaine y voit un message de sensibilisation : « Du moment où on laisse les artistes faire de la musique, alors on doit assumer. Je ne crois pas que la chanson proclame la vulgarisation de l'alcool parce que quand on dit chanson, il y a le côté artistique. J'aimerais bien que les gens la prennent comme une sorte de dénonciation. J'aimerais bien que l'on s'intéresse à l'artiste lui-même parce que parfois lui-même peut dénoncer quelque chose qu'il a traversé. »

Un message qui ne trouve pas le même écho aux oreilles de Toihir, rencontré non loin de là : « C'est vraiment une dépravation des moeurs et coutumes de notre cher pays qui est un pays musulman. On ne tolèrera pas ce genre de musique dans notre communauté parce que ça peut influencer les moins jeunes à imiter ce genre de bêtises qui sont nuisibles à la santé d'abord et qui sont nuisibles à notre comportement en tant que musulmans. »

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Mis en ligne le 9 février sur YouTube, le clip a déjà dépassé les 145 000 vues en moins d'une semaine : une réussite remarquable pour des artistes comoriens.

Sur TikTok, les imitations alcoolisées de la chanson par des jeunes font fureur. Les auteurs affirment eux ne pas boire.

Alors, comment expliquer ce succès populaire ? Pour le sociologue Msa Ali Djamal, la réussite de cette chanson est un signe de l'évolution de la mentalité des jeunes Comoriens qui se retrouvent dans cette chanson et son message.

Msa Ali Djamal appelle par ailleurs à une meilleure éducation des jeunes, pour qu'ils puissent porter un regard critique sur les oeuvres culturelles : « Je pense que ce succès s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, la chanson touche une corde sensible chez les jeunes. Elle décrit une réalité qu'ils connaissent, même si elle est amplifiée. Ensuite, la dimension artistique de la chanson - artistique, également, dans son succès -, le rythme, la mélodie. Les paroles simples, même crues, décrivent la violence vécue par les jeunes de manière percutante. Enfin, le jeune s'approprie la chanson sur les réseaux sociaux, l'utilise comme un hymne à la camaraderie et à la solidarité, il crée ainsi un sentiment d'appartenance à un groupe qui partage la même réalité et les mêmes manifestations. »

Il conclut : « La chanson, effectivement, contribue à la banalisation de la violence et des comportements à risque, il est donc important de ne pas la prendre comme une simple description de la réalité, mais plutôt comme une invitation à la réflexion et à l'action. »

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