Afrique: Le Rwanda, une épine au pied du géant congolais

Ainsi donc, la rencontre ad hoc organisée en marge du 37e Sommet de l'Union africaine et consacrée à la situation qui prévaut actuellement dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) n'aura servi à rien.

Fallait-il s'attendre à autre chose, au regard de l'animosité réciproque que se vouent Kinshasa et Kigali qui s'accusent mutuellement de soutenir des rébellions ?

A peine les lampions de la grand-messe d'Addis-Abeba, siège de l'organisation panafricaine, se sont éteints que le pays des Mille Collines a lancé les hostilités.

En effet, dans une déclaration du 18 février dernier, le ministère rwandais des Affaires étrangères a ouvertement donné le ton : « En conséquence, le Rwanda se réserve le droit de prendre toutes les mesures légitimes pour défendre son pays, tant que cette menace existe », prévient le communiqué, avant d'accuser la RDC de velléités déstabilisatrices : « La RDC a lancé des opérations de combat massives au Nord-Kivu, en violation des décisions des mécanismes régionaux qui visent clairement à expulser le M23 et les civils Tutsi congolais vers les pays voisins, travaillant de concert avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), une milice d'origine rwandaise directement liée au génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994 ».

Le ton, autrement martial du gouvernement rwandais, témoigne de la subite détérioration de la situation, particulièrement à Saké, en RDC, où plusieurs milliers de personnes ont déjà pris le chemin de l'exil sous le crépitement des armes.

Il faut dire que la récente sortie du gouvernement rwandais fait suite à une nouvelle interpellation des USA qui pointent du doigt la responsabilité de Kigali dans cette énième poussée de fièvre dans le Kivu.

En effet, dans un communiqué du département d'Etat américain, Washington a dénoncé « les actions du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda et sanctionné par les Etats-Unis et l'ONU, y compris ses incursions dans la ville de Saké ».

Une accusation qui fait écho à de nombreux rapports des Nations unies incriminant Paul Kagame sur cette spirale de violences.

Imputations toujours rejetées par Kigali qui parle cette fois-ci « d'image profondément tronquée de la réalité, en contradiction flagrante avec l'esprit du processus de renforcement de la confiance initiée par la directrice du Renseignement national américain en novembre 2023, qui avait créé un cadre constructif pour une désescalade de la situation ».

Mais il faut bien plus que de simples dénégations pour convaincre grand monde « d'une image tronquée de la réalité ».

Car de tout temps, le président rwandais est devenu comme une sorte d'épine dans le pied du géant mais fragile congolais.

C'est que depuis le temps où il a soutenu Laurent-Désiré Kabila dans sa marche sur Kinshasa, balayant sur son chemin le pouvoir chancelant du président Mobutu Sese Seko, l'homme mince de Kigali régnait sur la RDC à travers son « proconsul » James Kabarebe. Nommé chef d'état-major de la RDC sous le régime de Laurent-Désiré Kabila, il fut également le mentor de Joseph Kabila.

Pour certains observateurs de la scène politique internationale, depuis ce temps, le Rwanda s'est imposé vis-à-vis de la RDC comme une puissance impérialiste à la recherche d'espace vital et de ressources naturelles au moyen d'une interminable guerre de rapine.

Une attitude dont la communauté internationale s'est longtemps accommodée, accusée, à tort ou à raison, d'inaction coupable dans le déclenchement du génocide de 1994. Mieux, elle célébrait le Rwanda comme exemple de réussite économique, de prouesse technologique en Afrique et de modèle de sauvegarde de l'environnement.

Maintenant que le charme semble ne plus opérer, jusqu'où iront ces mises en garde contre le gouvernement rwandais ?

Car si rien n'est fait, il faut craindre que cette escalade verbale ne cède la place à un affrontement ouvert et direct entre les deux voisins.

N'oublions pas que lors de la campagne électorale de la présidentielle congolaise de décembre dernier, le chef de l'Etat sortant et candidat à sa propre succession, Félix Tshisekedi, avait lui aussi menacé Kagame de ses foudres.

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