Ile Maurice: «Un consortium proposant Rs 300 millions est éliminé, le contrat attribué pour Rs 600 millions»

20 Février 2024

D'après les déclarations du ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, fin janvier, l'«e-health» devrait devenir une réalité à Maurice dès août. Ce projet, évalué à Rs 600 millions, bénéficiera du soutien financier du Programme de développement des Nations unies (PNUD). Cependant, Neena Ramdenee, responsable du dossier de la santé au sein de Linion Moris, a exprimé des préoccupations concernant le processus d'attribution de ce contrat.

Nous avons remarqué que vous aviez exprimé des doutes concernant l'attribution du contrat pour la mise en place du système «e-health». Pourriez-vous nous donner davantage de détails à ce sujet ?

Je suis choquée par l'octroi du contrat d'e-health, qui consiste en l'informatisation de notre système de santé, à un consortium comprenant deux compagnies mauriciennes et une indienne pour la somme de Rs 600 millions. La situation est d'autant plus troublante que l'autre consortium présélectionné, proposant Rs 300 millions, a été éliminé, suscitant ainsi des interrogations légitimes quant à la gestion des fonds publics. Le gouvernement de Maurice avait initialement budgété Rs 200 millions pour ce projet, avec un complément assuré par l'UNDP.

La prolongation de l'appel d'offres jusqu'à la fin d'octobre 2023 sans explication ainsi que l'absence d'informations pour les autres soumissionnaires concernant la lettre d'intention d'attribution du contrat soulèvent des inquiétudes quant à la transparence du processus.

%

De plus, la publication sur Facebook d'une photo montrant le directeur d'une compagnie du consortium au Sommet de l'Innovation G20, en Inde, en août 2023, en présence du ministre de la Technologie, de l'information et de la communication, ainsi que du président du Mauritius Research and Innovation Council, soulève des questions sur d'éventuels liens et conflits d'intérêts.

Il est important de noter que ce contrat a été évalué par une équipe comprenant des fonctionnaires des ministères de la Santé et du bien-être, de la Technologie, de l'information et de la communication, ainsi que des coordinateurs de l'UNDP. Cependant, malgré la présence d'un comité à un niveau très élevé, incluant les ministres concernés et des hauts cadres des entités mentionnées, les circonstances entourant cet accord soulèvent des préoccupations légitimes quant à la gouvernance et à la transparence du processus.

Vous exprimez également des préoccupations concernant la fiabilité de l'entreprise sélectionnée. Pourriez-vous nous expliquer quelles sont vos inquiétudes à ce sujet ?

Les vérifications nécessaires pour accorder un contrat sont cruciales pour garantir que le projet sera mené à terme dans les délais impartis. Cependant, des recherches sur la compagnie indienne Trio Tree Technologies révèlent qu'elle est notée 3/5 par les experts et que son chiffre d'affaires ne garantit pas la capacité financière nécessaire pour couvrir une partie significative du contrat (10 % de la globalité du contrat). Les compagnies locales du consortium, Informatics International Ltd et Netcom Partners Ltd, ne donnent pas beaucoup d'informations sur leur performance en ligne.

Le consortium choisi possède-t-il la capacité technologique et financière pour mener à bien ce projet ? Il est légitime de craindre un scandale similaire à celui de Pack & Blister, où le gouvernement, par le biais d'un appel d'offres d'urgence, a prépayé environ Rs 500 millions pour des respirateurs défectueux, livrés plusieurs mois après la fin de la pandémie de Covid-19. Les citoyens mauriciens malades n'ont pas bénéficié de ces appareils, et il est peu probable que l'argent dépensé puisse être récupéré.

Étant donné que le PNUD contribuera au financement de ce projet, pensez-vous qu'avec le montant considérable que l'organisation devra débourser, il y ait un risque d'implication dans un scandale international ?

Je crains l'implication potentielle de l'UNDP dans ce scandale et j'estime que cette institution internationale doit réagir rapidement. Connaissant la politique de transparence de l'UNDP, je ne pense pas qu'il souhaite être associé à des pratiques frauduleuses telles que la corruption ou le trafic d'influence. Il est essentiel que l'île Maurice évite d'être impliquée dans un scandale qui nuirait à sa réputation internationale. Peu importe le montant en jeu, Linion Moris adhère à une politique de tolérance zéro envers la corruption et s'oppose fermement à toute implication de nos institutions dans de telles affaires. Nous tenons à préserver notre image intacte.

Étant donné que le système «e-health» rassemblera des données sensibles et personnelles sur l'état de santé, est-ce ce facteur qui suscite vos craintes ?

Cette question est très pertinente car nous savons que toutes les données personnelles sur nos maladies seront manipulées par des inconnus et la confidentialité doit être conservée. J'espère que la gestion des dossiers sera effectuée avec le plus grand soin et que la confidentialité sera préservée. Je suis confiante à cet égard, car les trois compagnies présélectionnées ont sûrement fourni des garanties en ce sens. Mes préoccupations concernent principalement la capacité du consortium à livrer le projet dans les délais impartis tout en respectant les exigences technologiques et financières.

Pouvons-nous savoir si un membre de Linion Moris a également soumis une demande pour faire partie des soumissionnaires pour ce projet ?

Non, aucun membre de Linion Moris n'a soumis de demande pour l'appel d'offres de ce projet de e-health.

Envisagez-vous de soulever la question de l'attribution de ce contrat auprès de l'ICAC ?

Linion Moris a l'intention de signaler cette affaire à toutes les instances concernées afin de clarifier les zones d'ombre. Nous appelons à la transparence et demandons des explications claires concernant ce projet d'e-health.

Aucun commentaire du ministère

Interrogé sur cette affaire, le ministère de la Santé a déclaré qu'il ne ferait aucun commentaire à ce sujet, affirmant qu'il n'est pas impliqué dans le processus de procurement.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.