« En politique, rien n'arrive par hasard. Chaque fois qu'un événement survient, on peut être certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi ». C'est ce que disait le 32e président des Etats-Unis qui n'est autre que Franklin Roosevelt. Peut-on ranger la situation qui prévaut actuellement au pays de la Téranga, dans le registre « roosveltien » des termes ?
La politique étant, par excellence, le domaine de tous les possibles, rien n'est à exclure. En tout cas, tout porte à croire que le scénario politique qui se joue à Dakar, n'est pas loin d'une imagination diabolique, au propre comme au figuré. En effet, après avoir été contraint de renoncer à un troisième mandat, Macky Sall semble jouer des pieds et des mains pour garder le pouvoir. Non seulement, il a pratiquement poussé son principal challenger, Ousmane Sonko, à la faute mais aussi, il vient de mettre du sable dans le thiéboudienne de son peuple en manoeuvrant pour un report de la présentielle, désormais acté.
Après avoir malmené la démocratie sénégalaise, le président est en train de souffler en se présentant comme un père aimant pour ses enfants. La libération d'au moins 344 prisonniers depuis quelques jours, s'inscrit dans la logique du président sénégalais de se ménager une porte de sortie. Dans ce marchandage politique lancé depuis le Palais de la République, il est de plus en plus question de négociations entre Macky Sall et son ennemi juré, Ousmane Sonko, qui croupit en prison.
Sall et Sonko ont des raisons objectives de fumer le calumet de la paix
Cela dit, l'on a le sentiment que dans les coulisses, Macky Sall et son clan tentent d'obtenir quelque chose de l'opposant. Tout porte à croire que le report de l'élection n'est qu'une manoeuvre dilatoire entretenue pour mieux marchander avec Sonko. Le leader de l'ex-Pastef va-t-il mordre à l'hameçon ? On attend de voir.
En tout cas, Sall et Sonko ont des raisons objectives de fumer le calumet de la paix. Du côté du président sénégalais, une entente avec le leader de l'ex-Pastef dont il connait les capacités de mobilisation et de nuisance, pourrait ouvrir la voie à une collaboration politique en cas de victoire de l'un ou de l'autre camp à la présidentielle.
Par ailleurs, dans le cadre du report des élections, le camp présidentiel pourrait en profiter pour trouver la solution au problème de son candidat qui ne fait pas l'unanimité. De même, un accord avec Sonko pourrait suffire à sécuriser Macky Sall et les siens en cas de défaite du camp présidentiel. Pour ce qui est de Ousmane, il s'agit, en premier lieu, de se faire réhabiliter dans ses droits civiques et politiques.
On le sait, par le fait du prince, Macky Sall a les clés qui peuvent offrir les portes de la participation à la présidentielle de Ousmane Sonko. De plus, des dizaines de militants de l'ex-Pastef croupissent en prison du fait des violences qui ont émaillé les manifestations anti-troisième mandat du natif de Fatick. Quoi de plus stratégique pour Sonko que d'obtenir la libération de tous ses militants ? L'un dans l'autre, il y a de quoi aller à des compromis dynamiques entre les deux hommes.
Seulement, en Afrique, la frontière entre les compromis et les compromissions, est à peine tenue en politique. Autrement dit, le marchandage entre le président et son opposant pourrait aboutir à un deal dont l'objectif n'est pas de consolider la démocratie sénégalaise mais de préserver leurs intérêts.