Dakar — La fadiliyya, un courant de la khadiriyya qui s'est propagé dans tout l'ouest saharien depuis Cheikh Muhammad Fâdil (1797-1869), son fondateur, a battu le rappel des troupes à Dakar, à l'occasion du 60e anniversaire du rappel à Dieu de Cheikhna Cheikh Talibouya Aïdara. Une occasion de se distinguer et de mettre en valeur une confrérie dont il est désormais établi qu'elle a grandement contribué à la vie de l'islam.
Le "khayma" Cheikh Sidaty Aïdara, siège dakarois de la confrérie, sur les allées du même nom, dans la commune de Biscuiterie, a refusé du monde, ce 10 février, à l'occasion du 60e anniversaire du rappel à Dieu de Cheikhna Cheikh Talibouya, premier khalif de Cheikhna Cheikh Saad Bouh Abih, lui-même fils du fondateur de la fadiliyya.
De nombreux fidèles venus des régions du Sénégal et d'autres pays d'Afrique de l'Ouest ont pris d'assaut ces allées devenues en un week-end le point de convergence de la communauté khadre.
Ils ne pouvaient rater, pour rien au monde, cette journée de prières et de recueillement, une occasion également de raffermir leur allégeance à la khadiriyya.
"Cheikhna Aïdara est très sollicité pour ses prières"
Mamadou Diallo, la trentaine révolue, est venu de Bignona (sud) répondre à l'appel de son guide.
"C'est la deuxième fois que j'assiste à cette cérémonie, je suis venu recueillir des prières auprès de Cheikhna Aïdara", dit-il à l'APS, ajoutant : "Les fidèles sont venus de partout [participer à cette manifestation], j'ai vu ici des Américains et même des Chinois."
"Cheikhna Aïdara est très sollicité pour ses prières. L'année dernière, il a prié pour un homme qui souffrait de démence. Aujourd'hui, par la grâce de Dieu, cet homme jouit désormais de toutes ses facultés mentales", raconte Laye Sy, un habitant de Niary Tally.
Sokhna Mbaye, une sexagénaire, est venue de Pikine dans le but de recueillir les prières du guide religieux pour ses filles, dont elle est accompagnée.
"Aïdara, je suis venue solliciter des bénédictions pour mes filles, elles sont toutes des étudiantes. J'aimerais que tu pries pour elles, afin qu'elles trouvent du boulot et de bons époux", dit-elle au guide spirituel, représentant du courant de la fadiliyya au Sénégal.
Les adeptes de la fadiliyya considèrent que leur guide, Cheikh Muhammad Fâdil, et ses descendants, dont Cheikh Saad Bouh, sont les précurseurs de la khadriyya en Afrique de l'Ouest.
Cheikh Talibouya, fils de Cheikh Saad Bouh, a été khalife général de la khadriyya dans cette partie du continent, de 1931 à son rappel à Dieu en 1964.
Son fils Cheikh Sidaty Aïdara, qui a donné son nom au "khayma" des allées de Niarry Tally, lui a succédé à la tête de la confrérie (1964-1987). Il est non seulement considéré comme l'un des plus grands propagateurs de la confrérie, mais il est surtout présenté comme "un grand bâtisseur", rappelle Momar Mbaye, journaliste faisant office de conseiller en communication.
Le pays de la "téranga" et de la baraka
Selon M. Mbaye, la célébration, cette année, de l'anniversaire du rappel à Dieu de Cheikhna Cheikh Talibouya Aïdara était aussi l'occasion de présenter Cheikh Abdou Aziz Ould Cheikh Aya, le nouveau khalif général de la khadriyya en Afrique de l'Ouest, et Cheikhna Aïdara, son représentant au Sénégal.
"Nous appelons tous les talibés et toutes les confréries à prier pour que la paix et la sérénité règnent au Sénégal, le pays de la 'téranga' (l'hospitalité) et de la baraka, où reposent beaucoup d'hommes de Dieu", a déclaré Cheikhna Aïdara.
Il a salué le respect prévalant entre les confréries musulmanes au Sénégal.
"Les khadres de Ndiassane et nous de la famille de Cheikhna Cheikh Saad Bouh entretenons d'excellentes relations. Nous sommes de la même confrérie, nos patriarches viennent tous du Hodh (sud-est mauritanien), et chaque famille reconnait la dimension spirituelle de l'autre. Les grandes figures du soufisme au Sénégal ont toutes eu des échanges avec Cheikh Saad Bouh, soit dans le domaine ésotérique, soit en littérature", explique-t-il.
En guise de preuve de la bonne implantation de la khadriyya au Sénégal et dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, Cheikhna Aïdara évoque le nombre important de dignitaires élevés au rang de cheikh par Cheikh Saad Bouh. Il a cité Cheikh Moussa Camara de Ganguel Soulé (Matam), Cheikh Déthié Law Seck, de Ngourane (Louga), Cheikh Mouhamadou Lo (Mbour), Cheikh Ely Manel Fall (Diourbel), entre autres guides religieux.
Les chérifs Cheikh Makhfouz Aïdara et son frère Cheikh Hadramé, fils de Cheikhna Cheikh Saad Bouh, reposent au cimetière de Guéoul, dans le département de Kébémer (Louga).
Sous l'impulsion de Cheikh Makhfouz, la confrérie est bien implantée en Casamance (sud) aussi, à Mahmouda Chérif et Darou Khayri notamment, dans le département de Bignona.
Des soins et des médicaments payés par le khalife et sa famille
En Mauritanie, la ville de Nimzatt, capitale de la khadriyya en Afrique de l'Ouest, s'est modernisée grâce aux investissements réalisés par les khalifes qui se sont succédé à la tête de la confrérie, selon Momar Mbaye.
À Nimzatt se trouve, par exemple, une grande mosquée dont la construction a coûté "plus d'un milliard de francs CFA", en plus d'une école, d'un "daara" (école coranique), d'un hôpital flambant neuf, où soins et médicaments sont payés par le khalife et sa famille, a dit M. Mbaye.
La cité possède aussi une boulangerie et bénéficie d'une extension du réseau électrique et d'un accès à l'eau potable. À ces infrastructures s'ajoute une piste de près de 300 mètres menant au cimetière Saalikhina de Nimzatt, où reposent des saints comme Cheikh Saad Bou Abih, selon Momar Mbaye.