Congo-Kinshasa: Grâce à la MONUSCO, des journalistes mieux outillés pour faire face à la désinformation à Beni

communiqué de presse

Régine Okando et Dieubon Mughenze ont tous les deux 26 ans. Mais ce n'est pas leur seul point commun. Ils sont tous les deux journalistes. Et comme une soixantaine de leurs confrères et consoeurs, ils ont participé à une formation organisée en juillet 2023 par la section de l'information publique de la MONUSCO à Beni sur la désinformation.

Vérifier avant de diffuser

«Grâce à cette formation, je prends plus de recul par rapport aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux», explique aujourd'hui Dieubon.

«Cette formation m'a permis de développer un sens d'analyse qui me conduit à tout vérifier avant de diffuser. A ne rien prendre pour argent comptant», renchérit Régine.

Du 10 au 12 juillet 2013, des journalistes, membres des partis politiques et administrateurs des principaux groupes Whats'App de Beni avaient pris part à cette formation sur la désinformation.

Le responsable de l'information publique du bureau de la MONUSCO à Beni, Jean-Tobie Okala, avaient martelé : «Vérifier avant de diffuser».

Dieubon Mughenze a retenu le conseil.

«Il y a quelques jours, raconte-t-il, un cousin m'a écrit sur Whats'App pour m'informer d'une attaque en cours des ADF à Mavivi, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Beni. Quelques minutes après, c'est dans des groupes Whats'App que je lis la même information. J'ai été tenté de diffuser la même information sur mon site Internet mais je me suis rappelé la formation et le conseil du formateur. J'ai donc décidé d'appeler au téléphone une autorité coutumière locale pour vérifier l'information. C'est là que j'apprends qu'il s'agissait plutôt d'un soldat ivre qui avait ouvert le feu, créant la panique parmi la population civile qui a pensé que c'était une attaque des rebelles ADF.»

Depuis 2018, Dieubon travaille pour le site d'informations en ligne election-net.com. Pour l'éditeur Web qu'il est, la tentation est grande d'aller le plus vite possible dans la diffusion de l'information. Quelque fois, au détriment de la vérification des faits.

«Les journalistes qui travaillent sur le Web sont un peu plus exposés que les autres à la désinformation. Nous voulons être les premiers. C'est cela qui pousse certains à sauter l'étape capitale de la vérification», analyse le jeune journaliste.

Depuis qu'il a suivi la formation sur la désinformation, il accepte volontiers de passer un peu plus de temps au téléphone pour vérifier des informations. Quitte à manquer une exclusivité.

«Je préfère Ça plutôt que de paraître ridicule en diffusant une fausse information que j'aurais pu vérifier en faisant preuve d'un peu de patience», souligne-t-il.

«Je m'étais sentie très mal»

Le ridicule n'est pas la seule conséquence de la diffusion d'une fausse information.

A la clôture de la formation de juillet dernier, Le chef de bureau adjoint de la MONUSCO, Abdourahamane Ganda, avait évoqué les «énormes dégâts sociaux et humains que provoquent la désinformation».

Régine Okando en sait quelque chose :

«Le 24 septembre 2016, il y avait une forte pluie qui s'abattait sur la ville de Beni. Sur les réseaux sociaux, il y avait des messages faisant état d'une attaque des rebelles ADF qui avaient profité de la pluie dans la ville pour faire leur entrée. Au lieu de vérifier cette information, j'ai commencé à partager la même information dans plusieurs groupes Whats'App. Cette information a eu de graves incidences dans la ville. J'avais partagé l'information, en croyant que je prévenais un mal mais j'en causais sans le savoir.»

Ce jour-là, il n'y avait eu aucune attaque armée dans la ville. Mais la folle rumeur s'était répandue comme une traînée de poudre.

Sous une forte pluie, des milliers d'habitants avaient quitté la ville à pied pour trouver refuge à Mangina, 30 km plus loin. Dans la bousculade, dix-sept personnes avaient perdu la vie.

Plusieurs jours après, des familles passaient sur les radios locales pour annoncer avoir perdu leurs enfants dans la cohue.

«Je m'étais sentie très mal», se rappelle Régine.

«Avec la formation que j'ai suivie à la MONUSCO, poursuit-elle fière d'elle-même, je suis maintenant capable de détecter une fausse information. Je ne partage plus sans vérifier la source ou sans interroger d'autres sources.»

Régine Okando est actuellement responsable de la rédaction de Radio Moto dans la cité d'Oicha, à une trentaine de kilomètres de la ville de Beni. Elle n'hésite plus à demander à un reporter de vérifier plusieurs fois une information avant de décider de la diffuser à la radio.

«En tant que journaliste, cette formation a vraiment été bénéfique pour moi parce que je ne savais pas ce que c'était la désinformation. Je diffusais des informations reçues sans forcément m'interroger sur la fiabilité de la source. Je pouvais apprendre une information sur les réseaux et la relayer sur les ondes de ma radio sans me poser beaucoup de questions. Depuis cette formation sur la désinformation, je suis capable de demander à un reporter d'appeler d'autres sources au téléphone pour vérifier si l'information qu'il a reçue est correcte», se réjouit-elle.

Régine et Dieubon sont unanimes. Tout le monde devrait être formé sur la désinformation. Pour les deux journalistes, la lutte contre la désinformation exige aussi un travail de pédagogie auprès du public.

«Avec l'intelligence artificielle, les deepfake, il est de plus en plus difficile de démêler le vrai du faux. Et c'est un grand risque pour des publics qui ne sont pas toujours initiés à ce genre de technologies», conclut Dieubon.

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