Afrique de l'Ouest: Menace de désunion de la CEDEAO - La trithérapie de papy Yakubu Gowon

Trois événements font ou vont faire les choux gras des tabloïdes, tubes cathodiques et des réseaux de la toile ce week-end : primo, la déclaration sous forme d'appel ou de lettre ouverte du seul survivant des présidents qui ont porté la CEDEAO sur les fonts baptismaux en 1975, le général à la retraite Yakubu Gowon ; secundo, l'interview annoncé pour hier 19 heures du président sénégalais Macky Sall ; tertio, le sommet des chefs d'Etat de l'organisation régionale, attendu demain à Abuja.

Le fil d'Ariane qui relie fortement ces évènements les uns aux autres, c'est assurément la menace de désunion de la CEDEAO. Le sujet fait toujours, et peut-être pour longtemps encore, l'actualité, donne du relief à la déclaration de l'ancien président nigérian, suscite le grand intérêt, entre autres, pour l'interview de Macky Sall et sera certainement le point focal à l'ordre du jour du sommet de la Communauté le 24 février.

Dans sa lettre ouverte datée du 13 février 2024, l'ancien président du Nigeria (1966-1975) exprime ses inquiétudes sur la volonté exprimée du Burkina, du Mali et du Niger de quitter la CEDEAO. Seul survivant des présidents ayant fondé l'organisation le 28 mai 1975 à Lagos, ce général à la retraite a rappelé l'idéal qui animait, sans les avoir cités, Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny, Eyadema Gnassingbé, Aboubacar Sangoulé Lamizana, Moussa Traoré, Séni Kountché, etc., à la création de cette organisation. Il évoque aussi, avec tristesse dans le ton, les problèmes que vivent actuellement les pays membres et la décision de quitter la Communauté prise par les 3 pays formant l'Alliance des Etats du Sahel (AES).

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A la lecture de cette lettre ouverte, un constat s'impose d'emblée : du haut de ses presque 90 ans, papy Gowon a un grand pincement à son coeur de panafricaniste ; celui de voir ce modèle d'intégration régionale à la peine. Il appelle pressamment donc les chefs d'Etat des pays membres à éradiquer les germes de la désunion en faisant cette proposition de trithérapie : la levée des sanctions imposées au Burkina, à la Guinée, au Mali et au Niger ; le renoncement par les pays de l'AES à leur décision de quitter la Communauté ; un sommet extraordinaire des 15 chefs d'Etat pour aplanir leurs divergences dans la recherche de la paix, de la stabilité et de la prospérité pour la région.

Pour l'heure, les Etats de l'AES ne se sont exprimés, ni collectivement ni individuellement, sur le contenu de cet appel historique du seul survivant des pères fondateurs de la CEDEAO. On se demande alors s'ils resteront inflexibles sur leur intention affichée de quitter l'organisation, immédiatement et irrévocablement. Ce silence signifierait-il au contraire qu'ils sont sensibles à la trithérapie suggérée par papy Gowon ou plutôt la prennent-elle comme remède de grand-mère, rapidement concocté avec des ingrédients à portée de main sans certitude de son efficacité ? Ou encore, Ibrahim Traoré, Assimi Goïta et Abdouramane Tiani usent-ils de la stratégie consistant à faire mijoter le camp d'en face, se donnant le temps d'analyser les conclusions du sommet extraordinaire à venir ?

De fait, on ne voit pas comment cette réunion pourrait faire l'économie des propositions du seul survivant des fondateurs de l'organisation. On n'oublie pas les initiatives diplomatiques du président Faure Gnassingbé, les pressions des leaders d'opinions, des acteurs économiques et du citoyen lambda des villes ou villages frontaliers, premières victimes des sanctions irrédentistes de la CEDEAO.

Alors, question : ces propositions du général Yakubu Gowon, remède de grand-mère ou thérapie de choc pour sauver une CEDEAO malade de dogmatisme démocratique et de passion souverainiste ?

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