Ile Maurice: Immobilisme généralisé

24 Février 2024

C'est regrettable que ceux qui aspirent à diriger le pays oscillent quasiment en permanence entre recherche de publicité et culte du secret pour masquer le fait qu'ils naviguent à vue. Résultat : le peuple, qui reste dans le flou, est incapable d'anticiper et le pays reste dans un attentisme flagrant.

Même si les spéculations vont bon train, nous ne savons toujours pas exactement quand se tiendront les prochaines législatives. Nous ne savons pas non plus quels candidats seront alignés par les quatre principaux propriétaires de parti, qui n'ont pas finalisé leur stratégie personnelle. Nous ne savons pas si les partis naissants seront des partenaires des partis dits nationaux, qui ont dominé le paysage politique mauricien depuis la fin des années soixante; hormis le Mouvement socialiste militant (MSM), qui est né au pouvoir dans les années 1980, peu avant le boom économique.

En 2019, la liste de candidats qui aura le plus déçu était, sans doute, celle du Parti travailliste, qui ne cessait, paradoxalement, de marteler : rupture ! Or, on a eu franchement du mal à apprécier cette rupture, hormis, peut-être, celle de son leader, qui avait abandonné le traditionnel bastion des Ramgoolam à Pamplemousses- Triolet pour émigrer à Montagne-Blanche- GRSE... avec les résultats que l'on connaît, grâce à l'adhésion de Vikram Hurdoyal au MSM (qui avait raflé 9 775 voix en 2014 ; un exploit pour un candidat indépendant).

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Rupture avec le passé ? Navin Ramgoolam était en fait le quatrième leader politique à changer de circonscription après un revers électoral. Avant Ramgoolam, il y a eu Paul Bérenger, qui avait entamé sa carrière politique au numéro 18, où il avait été élu en 1976. En 1983, Bérenger a été battu mais repêché comme Best Loser, avant d'être battu à nouveau sans être repêché en 1987. En 1991, il a élu domicile au no 19, pour être sûr de retourner au Parlement, suite aux conseils de feu Jayen Cuttaree, entre autres.

Avant Ramgoolam, il y avait aussi le cas de Xavier-Luc Duval du Parti mauricien social-démocrate, qui a changé de circonscription à deux reprises: du numéro 20 au numéro 17 et finalement au numéro 18. Et surtout celui de Pravind Jugnauth, qui a fui le numéro 11 après une défaite (battu par le rouge Sutyadeo Moutia qui, avec une avance de 38 voix seulement, lui a raflé la troisième place en 2005), pour atterrir au numéro 8.

Peut-on encore parler de rupture lorsqu'on aligne qu'environ 20 % de femmes alors que la loi Aimée pour nos collectivités locales préconise déjà un taux d'environ 30 % et que l'avant-gardiste Southern African Development Community, elle, pousse depuis des âges pour un taux paritaire de 50 % ? Chez nous, les leaders s'applaudissent pour être arrivés à quelque 20 % et annoncent, pour la 100e fois, une refonte imminente du système électoral. Comme si la loi pouvait changer le machisme de nos leaders politiques. Or, la loi ne fait ni les hommes ni les femmes. C'est le contraire qui est vrai dans une digne démocratie.

À voir les patronymes que l'on perpétue çà et là, on ne peut aussi que souligner l'absence des députés de proximité, comme jadis Mathieu Laclé, qui n'avait jamais voulu quitter sa Cité Vallijee malgré son ascension sociale. De nos jours, beaucoup de nos candidats sont issus des hautes Plaines-Wilhems mais sont délégués dans plusieurs circonscriptions rurales. Et puis on s'étonne de ne pas voir, une fois les votes récoltés, les députés sur le terrain. Autre phénomène grandissant : les avocats de Chambers divers, qui s'organisent en cartel et qui semblent vouloir prendre la politique en otage.

On peut les comprendre car les avocats sont bien trop nombreux à Maurice et beaucoup peinent à gagner leur vie décemment. Alors ils voient en la chose politique un raccourci pour se faire du fric et rembourser leurs dettes. Et cela fait, selon eux, pas mal sur la carte de visite : avocat-parlementaire, même si certains comme Roubina Jadoo-Jaunbocus et Ravi Rutnah n'ont su faire honneur ni à leur profession ni à leur dernière législature.

Ne devrait-on pas plutôt parler d'immobilisme, et non de rupture, quand le First Past The Post reste figé, quand la radiotélévision nationale continue sa propagande infecte en violant chaque soir la MBC Act, quand le financement politique demeure opaque, quand le communalisme pue plus que jamais avec des socioculturels, qui poursuivent leur action dissolvante avec les sous de tous les Mauriciens, quand l'Independent Commission against Corruption ne veut pas se laisser absorber par la Financial Crimes Commission, quand les ministres et députés du jour ne savent pas encore s'ils vont rempiler, tout comme les candidats de l'opposition, qui devront attendre que les enfants, gendres et belles-soeurs, cousins et cousines soient casés avant... la compétence.

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