Afrique de l'Ouest: Levée de la plupart des sanctions contre le Niger par la Cédéao - «Le coût social a été très élevé»

Les chefs d'État des pays membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), réunis samedi à Abuja, ont décidé de lever les sanctions imposées à Niamey après la prise du pouvoir par le régime militaire.Une décision notamment motivée par des « raisons humanitaires ».

Après la décision de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), réunie en sommet extraordinaire à Abuja samedi 24 février, quasiment toutes les sanctions officielles et économiques contre Niamey vont désormais être levées, à part des sanctions individuelles et politiques qui restent en place.

Concrètement, cet arbitrage va entraîner la fin de la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre le Niger et les pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et de la Cédéao, la fin de l'interdiction de survol de la zone de l'Uemoa par le Niger, ainsi que la fin de la suspension de toutes les transactions commerciales entre les pays de l'Uemoa et le Niger. Surtout, cette décision marque la fin du gel des avoirs financiers et monétaires de l'État du Niger à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (Bceao), énumère notre correspondant régional, Serge Daniel.

Un choix politique pour la survie de la Cédéao

Le choix par la Cédéao de prendre cette mesure ce week-end questionne, d'autant qu'il était question de demander la libération du président nigérien Mohamed Bazoum avant de lever les sanctions. Mais simplement, la Cédéao avait le dos au mur. Les sanctions frappaient avant tout les populations concernées ; elles étaient devenues impopulaires car elles devaient servir à faire plier la junte, ce qui n'a pas été le cas.

La donne a ensuite changé lorsque le Niger s'est associé au Mali et au Burkina Faso pour claquer la porte de la Cédéao. De nouveaux rapports de force se sont installés, et puisque le retour de ces pays au sein de l'institution est souhaité, la Cédéao a décidé de faire les « yeux doux » au Niger et, par ricochet, au Mali et au Burkina Faso.

La Cédéao jouait sa survie sur ce dossier : le président ivoirien, Alassane Ouattara, était pour l'apaisement ; le président togolais, Faure Gnassimbé, demandait ouvertement la levée des sanctions, sans oublier le Béninois, Patrice Talon, qui, lors du huis-clos des chefs d'État d'Abuja, a utilisé cette expression : « Avalons la couleuvre, il faut la Cédéao des peuples avant les sanctions. »

Le taux de pauvreté extrême au-delà des 40% au Niger

Cette décision a également été motivée par des « raisons humanitaires » tant les sanctions avaient durement éprouvé ce pays sahélien où le taux de pauvreté extrême dépasse les 40% selon la Banque mondiale. Désormais, avec la réouverture des frontières et de l'espace aérien nigérien ainsi que l'autorisation des transactions financières entre les pays de la Cédéao et le Niger, c'est toute l'activité économique qui va reprendre.

Pour Ibrahim Adamou Louche, économiste, c'est donc un étau qui se desserre autour du peuple nigérien. « Indéniablement, le coût social a été très élevé et d'ailleurs, il y a même eu des pertes en vies humaines à la suite de coupures de courant, avec la rupture aussi de la chaîne d'approvisionnement, qui a notamment provoqué des pénuries de médicaments. Tout ça a eu des conséquences indéniables », explique-t-il au micro de Christina Okello.

« Maintenant, ce qui va changer, c'est la normalisation des relations, donc la reprise progressive de trafics, notamment entre le Bénin et le Niger. Ça va se traduire par une reprise d'approvisionnements des marchandises qui ont été suspendus depuis l'entrée en vigueur des sanctions, ce qui va naturellement faciliter tout un tas de choses pour le quotidien de la population nigérienne. Ceci dit, au niveau du bilan, il reste mitigé dans le sens où les raisons pour lesquelles les sanctions ont été imposées n'ont pas, en partie, été satisfaites par la junte. D'autre part, c'est le pragmatisme, la "realpolitik", qui a fini par l'emporter : les enjeux devenaient plus importants et aussi la pression de la population devenait de plus en plus forte », analyse l'économiste.

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