Précisons une chose avant de commencer : une vieille amitié qui date de quelques décennies, du temps de nos années d'université, me lie à Idriss Diallo.
Et je prends la plume ici pour défendre mon ami qui subit la méchanceté gratuite d'un certain nombre de nos compatriotes. Après notre cuisante défaite devant les Equato-guinéens, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer la tête d'Idriss Diallo.
C'est de bonne guerre dans le milieu du football. Lorsqu'une équipe perd, il faut qu'une tête tombe. C'est généralement celle de l'entraîneur qui est coupée et dans le cas de notre CAN, celle de l'entraîneur Gasset fut rapidement tranchée.
Avant même la fin de la compétition. Est-ce à cause de ce sacrifice ? Toujours est-il que la victoire des Marocains nous a sauvés de justesse et nos Eléphants ont repris du poil de la bête, au point de réussir l'impensable, à savoir gagner cette coupe de la plus belle des manières.
Mais cela n'a pas suffi à calmer la haine déclenchée contre Idriss Diallo.
Au point que le lendemain, lorsque nous célébrions notre victoire au stade Félix Houphouët-Boigny, certains ont décidé de gâcher la fête en huant le président de la Fédération Ivoirienne de Football (FIF).
Pourquoi, si ce n'est par méchanceté gratuite ? Quels qu'aient été les faux pas, les trébuchements, quel fut en fin de compte le résultat pour nos athlètes, pour notre pays ? La victoire.
Une victoire si belle qu'elle aurait dû nous réconcilier tous, nous réunir. Elle aurait dû nous faire oublier toutes les erreurs commises, du moins sur le moment, en attendant le temps de l'analyse froide qui sert à corriger ces fautes, à s'améliorer. Et cette haine a continué jusqu'à l'Assemblée nationale où certains de nos élus de la nation l'ont encore hué.
Ressaisissons-nous. Il est vrai qu'il est très facile aujourd'hui de déverser sa haine dans l'anonymat d'une foule ou des réseaux sociaux.
L'écrivain italien Umberto Ecco avait écrit que « les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d'imbéciles qui avant ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. »
Certes, il est du droit de tous de critiquer une gestion, un homme, surtout lorsqu'il dirige une institution comme la FIF. Mais sachons le faire sans que cela ne prenne la forme d'un acte de méchanceté.
Le plus important pour nous aurait dû être notre joie, notre fierté d'avoir obtenu cette victoire sur notre sol. Les plus belles victoires sont celles que l'on obtient après avoir trébuché, douté, souffert. Et ainsi fut notre victoire lors de cette CAN qui fut, en plus, la plus belle de l'histoire de cette compétition.
Nous n'avions pas besoin de gâcher cette fête de cette manière. Avons-nous oublié les fois où nous avions perdu, parfois lamentablement ?
Avons-nous oublié notre aventure de la CAN de1996 en Afrique du Sud où, après des échecs cuisants, notre entraîneur, le Français Pierre Pleimelding dit Ploum dut s'enfuir ? Qui a réclamé la tête du président de la FIF de l'époque ? Qui l'a hué ? Et cette autre CAN de 2000, où nos Eléphants furent si piètres que le général Robert Guéï qui venait de prendre le pouvoir les envoya au camp militaire de Zambakro pour les punir d'avoir humilié la Côte d'Ivoire ? Avait-on réclamé la tête du président de la FIF ? L'avait-on hué ? Cette fois-ci, quels que soient ce que l'on pourrait reprocher à Idriss Diallo, il nous a fait gagner la coupe, chez nous.
Combien de président de notre fédération peuvent se targuer d'avoir remporté la CAN ? Ils sont seulement trois et Idris Diallo fait partie de ce trio. C'est ce que nous devons retenir. Et nous devons le féliciter et faire la fête.
Une fois que nous aurons fini de fêter, nous pourrions alors nous asseoir et tirer toutes les leçons que nous devrions tirer de cette aventure, mettre les doigts sur les failles afin de les corriger. Car il n'est pas question pour nous de nous arrêter en si bon chemin.
D'autres batailles nous attendent. Restons donc unis et concentrés.
De même, nous ne devrions pas nous attarder sur les propos de Max Alain Gradel lors de la réception au palais présidentiel. J'ai lu des textes dans lesquels il était proprement injurié. Qui d'entre nous n'en voulait pas aux Eléphants au lendemain de notre humiliante défaite face aux Equato-Guinéens ?
Il est vrai que nous avons retrouvé notre ferveur et notre foi en eux lorsque la victoire du Maroc nous a miraculeusement sauvés, mais n'oublions pas que nous avions vandalisé des cars de la Sotra pour marquer notre frustration. Oublions tout cela pour ne retenir que l'essentiel : nous avons gagné ! Merci Idriss !