Ile Maurice: Les macaques contribuent à la dégradation de la biodiversité

25 Février 2024

Récemment, l'élevage et l'exportation de singes ont été au centre de l'actualité et de la controverse, des Mauriciens dénonçant la cruauté envers ces primates. Si cette pratique est condamnable, d'autres problèmes surgissent: comment contrôler leur population alors qu'ils envahissent parfois des maisons ? Quid de la recherche médicale ?

Il faut savoir qu'à Maurice, des macaques évoluent aussi à l'état sauvage. Si cette espèce est sur la liste rouge des espèces menacées de l'International Union for Conservation of Nature (IUCN), chez nous, ce n'est pas le cas. Le macaque est originaire d'Asie du Sud-Est et a été introduit dans le pays par les Hollandais dans les années 1600. Ainsi, il peut être considéré comme une espèce exotique envahissante même si dans son habitat naturel en Asie, il est en danger de disparition. Toutefois, la population actuelle en termes de chiffres n'est pas connue.

Vikash Tatayah, directeur de la conservation au sein de la Mauritian Wildlife Foundation (MWF), explique qu'il est compliqué de chiffrer la population car les macaques vivent dans des forêts, dans des endroits isolés, et s'installent même dans des zones habitées. Souvent, ils se retrouvent au fin fond de la forêt vivant dans des groupes qui peuvent comporter une douzaine ou même jusqu'à une centaine d'individus. La population de macaques à longue queue sauvage était estimée à quelque 25 000-35 000 selon une étude de Robert W. Sussman et Ian Tattersall en... 1986, soit il y a 38 ans.

Toutefois, «étant donné que nous travaillons fréquemment dans les forêts de Maurice, surveillant la population d'oiseaux et de plantes endémiques et indigènes, et que nous recevons de nombreuses plaintes de la part des gens qui nous appellent presque chaque semaine pour signaler des problèmes avec les singes, notamment des intrusions dans les villages - nous sommes régulièrement sollicités pour fournir assistance et conseils, et nous orientons les personnes vers les autorités compétentes. Nous constatons une augmentation des rencontres avec les singes», confie Vikash Tatayah.

De plus, «il n'y a pas de prédateurs naturels des singes en forêt, ce qui a également pu influencer leur population grandissante. Nous constatons également une augmentation des dégâts causés par les primates. Le fait de les voir dans de nombreux environnements laisse présager une augmentation de leur population à Maurice, bien qu'on ne puisse pas la quantifier.»

Autres signes de la présence renforcée des singes : les dégâts dans les forêts, comme, «la destruction d'oeufs d'oiseaux endémiques, de nids et des oisillons morts. Mais aussi des oiseaux blessés, comme des pigeons des mares qui ont perdu leur queue. Certaines espèces menacées sont attaquées. Les fruits de plantes endémiques encore verts en forêt sont rongés par les singes. Ils brisent des branches. Ces incidents sont des indicateurs alarmants. Lorsque des hordes de singes passent en forêt, ils causent d'importants dégâts. Il faudrait une protection de notre biodiversité». Rappelons que Maurice figure parmi les pays présentant un taux élevé d'espèces menacées d'extinction dans le monde.

Vincent Florens, écologue et Associate Professor au Département des sciences biologiques, de la faculté des sciences de l'université de Maurice, abonde dans le même sens. «Le singe est une espèce envahissante à Maurice.» Il cite des recherches effectuées sur les orchidées indigènes. «Le singe est l'un des dévastateurs les plus graves des orchidées indigènes, parmi lesquelles on compte une centaine d'espèces.

Les singes mâchent les orchidées, ce qui a conduit à la disparition ou à la quasi-extinction de presque toutes les grandes orchidées de Maurice. Ils détruisent aussi les fruits dans les forêts, privant ainsi les chauves-souris de leur nourriture habituelle et les obligeant à se rabattre sur les fruits ailleurs. 95 % des fruits du tambalacoque sont attaqués par les singes avant leur maturité - avant que les graines ne se développent, ce qui empêche la plante de se reproduire. Par conséquent, l'arbre diminue en nombre.»

Les singes sont vus dans les villages et peuvent terroriser les habitants. À Baie-du -Tombeau par exemple, ils voyagent en famille. Le singe, comme la chauve-souris, est contraint de chercher de la nourriture plus loin en raison de l'urbanisation et la raréfaction de leur nourriture. Cependant, le singe aggrave le problème en attaquant le fruit avant qu'il ne soit mûr, ce qui rend la situation encore plus difficile, notamment pour les chauves-souris qui sont une espèce menacée.

Ces singes peuvent aussi être agressifs. Vincent Florens, lui-même, a déjà été attaqué par un macaque. Et «ce n'était pas charmant», nous confie-t-il en grimaçant. On peut être blessé ou traumatisé. Les macaques sont aussi potentiellement vecteurs de maladies, étant donné leur proximité avec les humains. C'est aussi ce qu'explique Ashmi Bunsy, doctorante en écologie et conservation, qui avance que ces macaques ne contribuent pas positivement à notre biodiversité et qu'ils s'adaptent facilement aux environnements urbains, allant même jusqu'à pénétrer à l'intérieur des habitations. La population de cette espèce, répertoriée comme étant en danger sur la liste rouge de l'IUCN, ne concerne pas Maurice, souligne-t-elle.

L'utilisation des primates

Pour la recherche médicale : tout un débat

Lors d'une conférence de presse cette semaine, Mahen Seeruttun, le ministre de l'Agro-industrie, a indiqué que l'élevage et l'exportation de singes à Maurice à démarré à la fin des années 80, avec la première entreprise ayant obtenu un permis en 1988. À ce jour, six opérateurs exercent au sein de cette industrie. Tous les ans, Maurice exporte de 4 000 à 10 000 singes pour des recettes d'environ Rs 2 milliards, vers des laboratoires de recherches aux États-Unis principalement, selon Statistics Mauritius. Maurice est un important exportateur de singes vers des laboratoires de recherches étrangers.

Dans le monde de la recherche médicale, il est considéré que les macaques, étant liés génétiquement à l'homme, peuvent contribuer à fournir des données poussées. Dans le cadre de la recherche sur le Covid-19, l'un des animaux les plus importants et les plus demandés pour comprendre le virus et évaluer les médicaments et les vaccins potentiels était le singe, dont celui de Maurice. Toutefois, l'utilisation des animaux dans la recherche est fortement contestée par les défenseurs des animaux.

Ils trouvent notamment que l'élevage de primates à des fins de tests médicaux est cruel. C'est d'ailleurs dans cette optique que l'U.S. Environmental Protection Agency a annoncé en 2019 qu'elle cesserait de mener ou de financer des études sur les mammifères d'ici à 2035, la première agence fédérale à fixer une date butoir pour l'abandon progressif de la recherche sur les animaux.

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