Ile Maurice: Les craintes autour de possibles fraudes électorales s'accentuent

25 Février 2024

Alors que le pays est en pré-campagne électorale, les craintes sur de potentielles fraudes électorales enflent. Surtout après la mise en place d'une nouvelle carte d'identité et l'obligation de faire réenregistrer toutes les cartes SIM jusqu'à fin avril. Coïncidence ou est-ce lié aux prochaines élections ?

La cérémonie de lancement de la nouvelle carte d'identité - au coût de Rs 374 millions - prévue demain, lundi, au Sir Vaghjee Hall, sera présidée par nul autre que Pravind Jugnauth lui-même. Mais depuis lundi dernier, la Mauritius National Identity Card (MNIC) Unit a déjà accueilli ses premiers détenteurs. Il s'agit, rappelons-le, principalement de jeunes ayant atteint leurs 18 ans, de seniors ayant fêté leurs 60 ans et de ceux qui ont égaré leur ancienne carte par exemple ou encore ceux qui se sont mariés et qui ont changé de nom.

Au-delà des polémiques autour de la nécessité de l'émission de ces nouvelles cartes et les coûts associés, les questions fusent quant au timing de cette mise en application. D'autant plus que celle-ci comporte un aspect digitalisé. Ainsi, la nouvelle carte contiendra une puce et un code-barres qui permettront sa validation à l'aide d'un lecteur et une application mobile. À la veille des élections, cette option pose définitivement problème. D'ailleurs, au Parlement l'année dernière, Fabrice David avait posé la question au Premier ministre à ce sujet.

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Le député travailliste de Grande-Rivière-NordOuest/Port-Louis Ouest (n°1) voulait notamment obtenir des informations sur les dispositions qui ont été prises pour son utilisation s'agissant de l'authentification électronique des électeurs lors des prochaines législatives et le type d'équipement qui sera utilisé pour lire la carte. Mais ce jour-là, alors que sa question figurait en deuxième position lors de la Prime Minister's Questions Time, Pravind Jugnauth n'a pas daigné y répondre, consacrant plus de trente minutes à une question de Joanne Tour autour du recrutement au sein de la force policière. Et à ce jour, aucune information n'a été donnée à ce sujet.

Le flou, explique-t-on du côté de l'opposition, demeure. Une équipe a été constituée au sein du Parti travailliste pour étudier les différents aspects des anomalies décelées lors des dernières législatives et la fraude électorale. Ainsi selon des sources émanant de cette équipe, deux problèmes pourront surgir avec cette nouvelle carte d'identité. Premièrement, la «digital ID» sera sur le téléphone du votant et sera lue par un «reader» qui sera connecté à un serveur une fois dans le bureau de vote, pour que l'électeur puisse effectuer son devoir civique. «Ainsi, on saura qui a voté ou pas. Ce qui est inconcevable. On essaie de contourner à 200 % la computer room en ce faisant.»

Puis deuxièmement, cette «digital ID» devrait aussi poser problème dans les cas où de nombreux Mauriciens ne sont pas au pays au moment des élections. «On dénombre à quelque 15 000 les personnes qui travaillent sur des bateaux de croisières et presque 3 000 jeunes adultes qui partent pour des études à l'étranger. Tous sont légalement majeurs et peuvent donc voter. On a des appréhensions sur ces 'identités digitales' car avec des avancées technologiques, il se peut que celles-ci soient modifiées et que des tierces personnes puissent ainsi voter à la place des personnes qui seront absentes du pays.» Toujours selon des sources de l'opposition, 270 retraités de la force policière auraient été 'recrutés' pour prêter main-forte lors des prochaines législatives et seront chapeautés par le Passport and Immigration Office, ce qui permettra de savoir qui est au pays ou pas... Mais jusqu'ici, aucune information officielle n'a filtré à ce propos.

Pour ce qui est du réenregistrement des cartes SIM, l'on maintient que cette démarche aurait pour but de surveiller les opposants politiques, des Mauriciens et leur 'penchant' politique notamment. «Avec l'avancée de l'intelligence artificielle, ils pourront véhiculer des messages et des informations erronées en entamant un profilage ciblé.» Par exemple, rappelle-t-on, les électeurs démocrates de l'État du New Hampshire aux États-Unis ont été victimes d'un deepfake. Juste avant la primaire du 23 janvier, plus de 25 000 Américains ont reçu de faux messages audio et des appels avec la 'voix' de Joe Biden leur demandant de ne pas voter. «Il se peut que de tels incidents se reproduisent ici.» D'autant plus, fait-on ressortir, que Pravind Jugnauth a, lors de son déplacement à Dubaï cette semaine, rencontré une compagnie spécialisée dans l'intelligence artificielle.

Ainsi selon le communiqué officiel du bureau du Premier ministre, on note ceci : «Le Premier ministre s'est aussi entretenu avec les responsables du groupe G42. Il s'agit d'une entreprise spécialisée en intelligence artificielle basée à Abu Dhabi. L'expertise du G42 pourrait être bénéfique à Maurice dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la recherche. Le Premier ministre a aussi discuté de la surveillance de notre zone économique exclusive....» Le timing de cette rencontre, encore une fois déplore-t-on, fait tiquer.

L'opposition demande dès lors au commissaire électoral de clarifier sa position sur la «digital ID» alors que dans le camp gouvernemental, on martèle que l'émission de la nouvelle carte d'identité et le réenregistrement des cartes SIM n'ont rien à voir avec le bon déroulement des prochaines élections. Les craintes et les arguments ne sont, selon eux, nullement fondés.

Rappelons également que Me Rama Valayden et l'activiste politique Ivor Tan Yan, de Linion Pep Morisien, ont déposé une plainte constitutionnelle en Cour suprême en novembre dernier contre le réenregistrement des cartes SIM alors que Me Pazhany Rangasamy a logé une demande en Cour suprême réclamant un Stay of Execution contre la mise en pratique des Information and Communication Technologies (Registration of SIM) Regulations 2023.

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