*Dr. Ngoie Joël Nshisso est titulaire d'un doctorat PhD en commerce international et en management. Il détient aussi un certificat en diplomatie/Relations Internationales. Il est Professeur à Strayer University aux Etats Unis et formateur au Bureau de l'Education et des Affaires culturelles, une branche du Département d'Etat Américain.
Il dirige un cabinet d'études spécialisées dans le commerce international et Management (https://www.gtmco.org) dans le cadre duquel continue d'organiser des formations et des consultations sur l'AGOA et d'autres programmes commerciaux. En 2020 - 2021, il fut le principal rédacteur et négociateur de la pétition pour la réintégration du Congo RDC dans le AGOA. (+1704-910-7185 - dr.ngoienshisso@gtmco.org)
Alors que la date d'expiration de la loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique (AGOA) approche à sa fin en 2025, de nombreuses questions se posent quant à l'avenir des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l'Afrique Sub-Saharienne et, en particulier, la République Démocratique du Congo.
Malgré les diverses tentatives pour expliquer les objectifs de l'AGOA, quelques mythes de ce programme dans notre pays continuent d'exister. L'AGOA ne se concentre pas uniquement sur l'exportation de produits congolais vers les Etats-Unis en franchise de droits, mais vise également entre autres objectifs la promotion de la croissance économique et le développement durable, la réduction des barrières commerciales, la promotion de l'intégration régionale, le soutien de la société civile et le développement du secteur privé, spécialement l'entreprenariat féminin et de la jeunesse. Outre ces objectifs l'AGOA finance des programmes spéciaux pour soutenir les économies africaines. A titre d'exemple il a financé des projets d'électrification (Power Africa), de lutte contre le sida et des recherches agronomiques.
Qui sont les acteurs de l'AGOA ?
Un autre mythe de l'AGOA est l'idée qu'il ne travaille qu'avec le secteur privé au profit des exportations. L'AGOA a trois piliers qui collaborent étroitement à sa mise en oeuvre dont le gouvernement pour la gouvernance et la coopération économique, le secteur privé pour la production locale, la création d'emplois, les investissements et les exportations, et la société civile en tant que gardien et lanceur d'alertes sur les abus contre la démocratie, les droits de l'homme et la corruption.
L'AGOA est comparable à un buffet où chacun peut manger un peu de tout ou uniquement son menu préféré. Mais, si dans un buffet quelqu'un s'assoit et attend qu'on vienne lui servir, il attendra longtemps ou encore s'il s'éloigne de la table à cause du menu qui est en face de lui qu'il n'aime pas, il restera sans manger alors qu'au-delà de la table, il y a encore d'autres choix à faire.
Pourquoi la RDC n'a pas encore pleinement bénéficié de l'AGOA ?
Notre pays ne bénéficie pas encore pleinement de l'AGOA depuis sa réintégration pour plusieurs raisons liées à son environnement structurel et conjoncturel comme c'est le cas pour d'autres pays.
La première cause et la plus importante est le manque de la mise sur pied de sa structure organisationnelle et juridique appelée « Bureau de Coordination Nationale de l'AGOA » Cette structure est dirigée par un coordinateur nommé par le Président de la République soit par sa propre initiative au cas où l'AGOA est rattachée à la présidence, soit sur recommandation d'un ministre de tutelle sous lequel l'AGOA est placée.
Ce ministère varie d'un pays Africain à un autre. La coordination a aussi un conseil d'administration dans lequel siège les délégués des ministères dont les tâches concourent à la réalisation de ce programme et enfin il a une équipe d'experts spécialisés dans chaque domaine d'intérêt pour sa matérialisation.
Toute cette équipe met sur pied un plan d'action de 5 ans appelé Plan National de l'AGOA ou Stratégie Nationale de l'AGOA. Ce plan est partagé avec les institutions américaines afin d'être connecté aux différents programmes américains d'investissements, d'aide au commerce, de formation... Les autorités congolaises ont ignoré ou négligé cette condition, empêchant ainsi le pays de bénéficier pleinement de l'AGOA au cours des quatre dernières années.
Qu'adviendra-t-il à l'AGOA après 2025 ?
Initialement l'AGOA fut créée pour une période initiale de huit ans, depuis lors elle a été renouvelée quatre fois pour expirer en 2025. Des consultations et des études sont en cours pour une éventuelle prolongation jusqu'en 2041. Les autorités américaines qui s'opposent à sa prolongation suggèrent la création d'un nouveau programme de commerce dont on ignore encore le contour. Mais cette pensée était née sous l'administration Trump qui défendait uniquement la signature des accords de commerce qui n'entraînent pas les Etats Unis dans les dépenses budgétaires pour des aides à la coopération.
Quelle que soit la décision, certaines exigences subsistent en rapport avec la fameuse « Trade Act of 1974 » qui guide le commerce extérieur des Etats Unis. Cette loi du Congrès Américain donne au Président Américain le plein pouvoir d'initier et de signer les accords ou les programmes commerciaux avec uniquement les pays qui adoptent l'économie du marché, instaurent l'Etat de droit, protègent les droits des travailleurs et ne s'engagent pas dans des activités qui menacent les intérêts et la sécurité américaines.
Que doit faire la RDC pour bénéficier de l'AGOA ?
Depuis la réintégration de notre pays dans l'AGOA, ses exportations vers les Etats Unis sont constituées essentiellement des produits déclarés par les voyageurs en avion à leurs arrivées sur le sol américain. Les véritables grandes exportations auraient pu être faites par la voie maritime. Cinq grands obstacles se dressent contre les exportateurs congolais :
- L'absence d'un port en eau profonde qui handicape les exportations du pays sur sa sortie par l'océan Atlantique ;
- La guerre à l'Est du pays influe négativement sur les exportations par l'océan indien ;
- Le régime des explorations et la lourdeur administrative qui découragent les explorations, spécialement celles des PME ;
- La faible connaissance des régulations américaines et du programme de système de préférences généralisées (SPG) ;
- La faible connaissance du marché et des consommateurs américains.
Il n'est pas encore tard pour le gouvernement congolais de mettre en place la coordination de l'AGOA telle qu'elle a été décrite ci-dessus afin d'établir rapidement le Plan National de l'AGOA ou La stratégie National de l'AGOA pour la période restante c'est-à-dire jusqu'en 2025 et être bien positionnée soit lors de l'extension de ce programme soit à l'avènement d'un nouveau programme commerciale qui se basera toujours sur les conditionnalités du Trade Act of 1974.
En outre, cet organe pourra :
- Mettre en oeuvre la "Certification AGOA" pour permettre l'entrée facile aux Etats Unis des exportations en containers ;
- Mettre en place quelques mesures d'assouplissement et d'incitation des exportations congolaises aux Etats Unis ;
- Contacter l'USAID et d'autres agences américaines pour connaître les programmes de formation des acteurs directs et indirects de l'AGOA dans les secteurs public, privé, de la société civile, de l'entreprenariat féminin et de la jeunesse ;
- Contacter l'USAID et d'autres agences américaines pour connaître les programmes d'assistance capable de vulgariser l'AGOA à travers la formation et l'assistance technique ;
- Explorer les possibilités d'engager la RDC dans le programme d'aide au commerce extérieur fourni par les Etats Unis dans le cadre de l'AGOA et de la coopération commerciale.
En conclusion, il faut noter que l'AGOA reste la meilleure porte d'accès de notre pays aux programmes de développement offerts par la Société américaine de financement du développement international (DFC) dont stratégiquement son directeur général était le Chef de la délégation officielle américaine à la cérémonie d'investiture du Chef de l'Etat en Janvier dernier. Cette géante structure américaine se présente comme le concurrent du Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FOCAC). Compte tenu des défis majeurs du développement de la République Démocratique du Congo et de l'ambitieux programme du Président de la République Félix Antoine Tshisekedi durant son deuxième quinquennat, le choix ne devrait pas être d'un programme contre un autre, la capacité et l'urgence de tirer profit de tous les programmes de coopération économique qui accélèrent son plan de développement national.