Sénégal: « Le Sénégal au coeur », une chimère

26 Février 2024

Aujourd'hui, démarre le dialogue voulu par le chef de l'Etat. Mais quelle pertinence à cela vu qu'il se fera sans les 16 candidats sur les 19 retenus par le Conseil constitutionnel et sans certaines grandes organisations de la société civile et autres recalés qui ont décliné l'invitation à un dialogue sans objet selon eux. Aussi qu'il se tienne possiblement ce matin au Cicad une sorte de grand messe noyée sous les vivats d'une foule bigarrée à la gloire de son Excellence Macky Sall ne devrait pas surprendre outre mesure. Encore moins un consensus ou plutôt un unanimisme sorti du chapeau voire du foulard de recalés et de représentants sans épaisseur.

Comment comprendre en effet, que le président se mette dans une telle situation après avoir déclaré urbi et orbi qu'il s'engageait à respecter les recommandations du Conseil constitutionnel ? Pour que nul n'en ignore lui-même expliquait pourtant à bon nombre de ces recalés qu'il avait reçus que les décisions des 7 Sages sont définitives et ne sont susceptibles d'aucun recours. Comment dès lors expliquer ce jeu qui n'honore pas la parole donnée, décrédibilise et embrume plutôt les institutions de la République dans le déshonneur. Surtout qu'il faudra, quoi qu'il arrive, retourner au Conseil constitutionnel.

Toutefois, en dépit de tous les trous de souris bétonnés, on fait face à une agitation stérile, une débauche d'énergie négative visant en fait à gagner du temps pour atteindre un objectif qui n'ambitionne nullement d'avoir « le Sénégal au coeur ». Sacrée parole ! « Bouche rek» comme diraient nos amis et frères ivoiriens pour décrire une parole volatile, à géométrie variable, travaillée par la ruse si ce n'est la tromperie.

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A la vérité on se doit de reconnaitre qu'à vouloir trop ruser on finit par s'embrouiller et se retrouver gros-jean comme devant, ayant perdu la main incapable d'entrevoir les bonnes solutions. Lorsque l'on n'arrive à ce stade, c'est qu'il est temps de s'arrêter et de revenir à la simplicité des choses. À savoir mettre en mouvement les recommandations du Conseil constitutionnel comme le Chef de l'Etat s'y est engagé. Il s'agit tout simplement de repositionner au plus vite le processus électoral, en rapport avec toutes les parties prenantes.

En attendant, du fait de ses atermoiements, le chef de l'Etat aura fragilisé son propre camp puisqu'il lui sera difficile avec un tel passif de participer à l'animation de sa campagne car ce dernier sera plutôt soumis au risque du « vote dégagiste ». Alors qu'est-ce qui aurait poussé le chef de l'Etat à succomber à un brutalisme sans fards, stoppant net le processus électoral à quelque 10 h de son ouverture. C'est que là aussi, les étoiles ne se sont plus alignées, le prestidigitateur donnant l'impression d'avoir perdu la main, dérouté d'avoir été lâché par les Dieux. Et à vouloir forcer le chemin, il ne pourra que le parsemer d'embûches.

A bien y réfléchir, rien que la somnolence bavarde dans laquelle se trouvait le siège de l'Alliance pour la République (Apr) à quelques heures de la séquence électorale en disait long sur la suite. Sur le fronton du siège ne trônait en effet qu'une vieille affiche géante mettant en scène Macky Sall en posture de candidat potentiel. Cette léthargie était aussi perceptible au niveau national car rien des moyens n'avaient été débloqués pour permettre aux militants de se déployer. Etait-ce parce que le chef de l'Etat détenait des informations qui jetaient le doute sur une éventuelle victoire de son candidat ? Fort de cela a-t-il alors décidé de jeter du sable dans le couscous électoral ?

Non point pour inverser une tendance qui va sûrement aller crescendo mais pour prévenir un avenir susceptible d'être cauchemardesque. Avec un probable futur président issu de l'opposition, vaut mieux anticiper sur de possibles déconvenues. Prudence oblige. Alors, si s'invitant ainsi dans le débat consistant sous nos yeux à encourager les présidents de la Républiques et leurs entourages à s'en aller sans avoir peur d'être rattrapés par leurs turpitudes, l'amnistie tant chantée ces derniers jours cherchait plutôt à effacer tous les crimes et délits englobant une période assez large incluant les deux mandatures du président Macky Sall ? S'il ne s'agit nullement de passer l'éponge sur certaines dérives ni de se livrer à une quelconque chasse aux sorcières, force est de relever que la meilleure protection consiste en la mise en place d'institutions fortes jouant chacune pleinement son rôle en toute responsabilité.

Il est donc venu le temps d'instaurer un grand débat autour de l'hyper présidentialisme qui a gangréné nos institutions en faisant du chef de l'Etat celui qui décide de tout. Et ce débat vaut pour les prétendants à la magistrature suprême.

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