Depuis le 10 février et jusqu'au 21 avril prochain, le célèbre African Center de New York accueille l'exposition «New Multiculturalism» de l'artiste et photographe sénégalais Assane Gaye et de son compère Mamadou « Mo » Dramé. Visant à une meilleure visibilité de la culture sénégalaise et de l'Afrique de l'Ouest francophone de ce côté de l'Atlantique, le duo propose une exposition de leurs oeuvres sur les mouvements culturels du pays et l'impact, le mélange de ceux-ci avec la culture américaine, en mettant l'accent sur la photographie et la mode.
Les soirées sont froides en ce mois de février, mais la chaleur est au rendez-vous dans le plus grand espace culturel de la ville consacré aux artistes africains, l'African Center, situé au sud de Harlem. Les tenues des nombreuses personnes venues pour l'ouverture de l'exposition New Multiculturalism des Sénégalais Assane Gaye et Mamadou Dramé rendent un parfait hommage au continent africain, combinées avec des touches influencées par la mode américaine, pantalons larges et baskets old school.
Tout sourire en serrant des mains, en embrassant des dizaines de curieux et d'amis venus pour l'occasion, l'artiste Assane Gaye ne cache pas sa fierté de voir que son travail attire du monde. « C'est l'un des buts de notre exposition, de montrer notre vision de la culture sénégalaise, mais aussi d'expliquer, d'échanger avec ceux qui veulent en savoir plus sur celle-ci, par le biais de l'art. C'est le mode d'expression choisi, la photo, c'est accessible, c'est quelque chose que tout le monde peut comprendre et interpréter », précise le jeune Sénégalais. Arrivé aux États-Unis il y a cinq ans pour des études supérieures après un passage à l'université Cheick Anta Diop de Dakar, Gaye a eu une rencontre qui a changé son destin. « Je prenais des photos en amateur et un jour, quelqu'un m'a demandé si elle pouvait jeter un coup d'oeil à mes clichés : elle m'a dit de me lancer, car elle voyait un talent en moi et c'est ce que j'ai fait ! » se rappelle-t-il encore, tout sourire.
Aujourd'hui vidéaste et photographe professionnel, Gaye travaille toujours avec son Sénégal au coeur, et s'est associé avec son ami Mamadou « Mo » Dramé, fils d'immigrés sénégalais aux États-Unis, pour mettre en place cette exposition qui attire de très nombreux visiteurs depuis son ouverture il y a une dizaine de jours. « Le but est clair : on a grandi en Afrique, on est fiers d'être Sénégalais et on souhaite que notre culture, les expressions de notre culture soient plus visibles dans l'espace public, et que l'on soit aussi reconnu comme partie intégrante de la société américaine » explique Gaye. Très ému et satisfait du travail réalisé pour faire leur entrée dans l'African Center, l'un des lieux culturels les plus prisés pour les artistes africains aux États-Unis, le compère de Gaye, Mamadou « Mo » Dramé, estime que « l'initiative est importante pour la reconnaissance de notre identité sénégalaise, dans un pays qui ne promeut pas assez les minorités, surtout africaines et encore plus francophones », précise-t-il, ajoutant que « par ce genre d'exposition, on montre qu'on est là, qu'on est fiers d'être Sénégalais et que l'on conserve notre identité, en mélangeant quelques aspects de la culture américaine qui font aussi partie de notre quotidien ».
Faire sentir la présence et l'influence sénégalaise aux États-Unis par l'art
Avec plus de 30 pièces photographiques exposées, et des modèles amateurs choisis au gré des rencontres dans l'univers artistique africain de New York, le travail de Gaye et de Dramé est apprécié par la bonne centaine de personnes présentes pour la soirée d'ouverture, tous curieux d'une culture sénégalaise qui cherche encore à se faire une place dans l'univers multiculturel du pays de l'Oncle Sam. « Ce n'est pas toujours facile de pouvoir se faire voir, mais surtout de se faire connaître dans la société américaine, mais l'exposition est un pas de plus vers une meilleure reconnaissance de ce qui se fait dans cette partie du monde, et que le Sénégal et ses cultures ont de belles histoires et impactent la jeunesse, et pas seulement la diaspora présente ici », souligne la Burkinabè Farima Koné Kito, qui produit et encadre l'exposition.
Malgré une diaspora importante de plus de 700 000 personnes de ce côté de l'Atlantique, le Sénégal reste malgré tout loin derrière les mastodontes anglophones que sont le Nigéria, l'Afrique du Sud et le Ghana, qui monopolisent quasiment tous les événements artistiques liés à l'Afrique sur le panorama culturel américain. « Avoir une fenêtre de visibilité, c'est très important. On veut que l'art et ses expressions soient une possibilité pour la diaspora sénégalaise, mais aussi de ceux d'Afrique de l'Ouest, que leur identité, leur histoire et leur présence soient mieux connues », précise Kito, ajoutant que « par cette exposition, on veut apporter une discussion, une réflexion sur la question de l'identité, et sur la manière dont la jeunesse se questionne sur cela. On est Africains, on est imprégnés aussi de la culture américaine, mais nos racines sont en Afrique de l'Ouest. La reconnaissance de l'identité et des manières de l'exprimer dans notre quotidien, c'est ultra-important pour le développement individuel ».
Pour Khady, native de Thiès et arrivée à New York il y a trois ans pour ses études de sociologie à l'université de Columbia, ce genre d'initiative marque une évolution et doit être plus fréquente. « Je suis heureuse de voir que le Sénégal entre maintenant un peu plus dans les centres d'arts comme l'African Center, et il faut continuer sur la lancée, en soutenant les initiatives d'artistes comme Assane Gaye et Mo » explique-t-elle. « Je pense que l'étape suivante serait de sortir des grandes villes et amener les événements culturels liés au Sénégal à travers les États-Unis ».
Pour Gaye, l'exposition est une étape pour quelque chose d'encore plus grand : « On a de super retours sur New Multiculturalism, et on travaille déjà sur les prochaines expositions. On veut continuer à faire connaître le Sénégal, mais aussi faire reconnaitre notre identité d'Africain, de jeune membre de la diaspora qui s'approprie aussi de nombreux aspects de la culture américaine tout en étant fier et heureux de montrer et de faire savoir d'où il vient » conclut-il.