Antananarivo — Les femmes et les filles malgaches sont confrontées à de multiples désavantages qui affectent leur capacité à accumuler du capital humain dans l'éducation et la santé, à participer aux opportunités économiques et à prendre des décisions, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé « Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar ». Les femmes et les filles n'ont pas accès aux mêmes opportunités que les hommes et les garçons dans le pays, et sont touchées de manière disproportionnée par les effets du changement climatique et de la pandémie de COVID-19, ce qui augmente leur vulnérabilité à la pauvreté, à la violence et à la discrimination.
« Investir dans l'autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes peut conduire à une croissance économique durable et équitable et bénéficier au pays. C'est la raison pour laquelle la Banque mondiale soutient Madagascar à travers le récent Programme d'autonomisation et de résilience des filles d'Afrique de l'Est ou EAGER et d'autres programmes du portefeuille visant à promouvoir l'éducation des filles, à accroître la productivité des femmes sur le marché du travail et à renforcer les capacités des administrateurs locaux, des dirigeants communautaires et des prestataires de services à mettre en oeuvre efficacement les réformes en matière d'égalité des sexes », explique Atou Seck, responsable des opérations de la Banque mondiale pour Madagascar.
Le rapport est une étude à méthodes mixtes qui vise à générer des connaissances et à approfondir la compréhension des inégalités entre les sexes à Madagascar, avec un accent particulier sur l'adolescence. L'étude identifie les facteurs et les stratégies qui aident les jeunes femmes à prendre des décisions concernant l'éducation, le travail et la formation d'une famille. Il s'appuie sur les données d'enquête les plus récentes, ainsi que sur les données qualitatives recueillies dans les régions d'Analamanga, Atsimo-Atsinanana et Sofia. L'étude a donné lieu à des discussions de groupe et à des entretiens individuels approfondis avec des jeunes femmes, des parents d'adolescentes et des informateurs clés, ce qui a permis de mieux comprendre les inégalités entre les sexes et leurs facteurs à Madagascar.
Le rapport révèle que si l'accès à l'éducation est un défi pour tous à Madagascar, les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires qui leur sont propres. Une proportion importante de femmes adultes (âgées de 15 à 49 ans) est analphabète, le chiffre atteignant 55,8 % dans la région du Menabe, contre 26,9 % chez les hommes. Les femmes malgaches sont également confrontées à des difficultés d'accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme l'indiquent le faible pourcentage d'accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) et l'importance des besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 %). En outre, 31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont déjà commencé à avoir des enfants, ce qui peut avoir des effets négatifs à long terme sur leur éducation, leur santé et leurs possibilités d'emploi, et les rendre plus vulnérables à la pauvreté.
Le manque d'investissement dans le capital humain pèse lourdement sur le potentiel des femmes à participer activement et de manière productive aux opportunités économiques. Les femmes malgaches sont moins susceptibles de participer au marché du travail que les hommes, avec seulement 71,3 % d'entre elles contre 82,4 % d'hommes. Une proportion importante des femmes actives sont des travailleurs familiaux (14 % des femmes contre 5 % des hommes) et un pourcentage plus faible de femmes travaillent comme salariées (24 %, contre 35 % pour les hommes). En outre, l'écart salarial entre hommes et femmes persiste et se situe à 28,9 points de pourcentage en faveur des hommes. Les taux élevés de violence conjugale (41 % des femmes en couple ayant subi au moins une forme de violence) et les mariages d'enfants (38,8 % des femmes malgaches âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant d'atteindre 18 ans) limitent davantage leur pouvoir de décision et leur capacité d'agir.
« Les données de l'enquête, et plus encore les données qualitatives récemment recueillies pour ce rapport, mettent en évidence les liens troublants et profonds qui existent entre la pauvreté, le manque d'accès à l'éducation, l'absence d'opportunités économiques, le manque d'autonomie et de voix chez les filles et le mariage des enfants. Le rapport montre également qu'au-delà de la lutte directe contre les écarts identifiés entre les sexes, les facteurs sous-jacents des inégalités doivent également être pris en considération lors de l'élaboration de politiques pertinentes. Parmi ces facteurs figurent les normes sociales patriarcales, le manque d'accès aux services de base, la vulnérabilité aux chocs et au changement climatique, ainsi que la pauvreté et le manque de capital économique et social chez les plus vulnérables », explique Miriam Muller, spécialiste principale des questions sociales et auteure du rapport.
Pour réduire les disparités existantes entre hommes et femmes, le rapport identifie quatre orientations stratégiques : aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité, améliorer l'accès des femmes et des filles aux soins de santé professionnels, améliorer les opportunités économiques des femmes, leur permettre de mieux se faire entendre et d'agir, et éliminer toutes les formes de violence sexiste.