Tunisie: Conjoncture économique - La relance de la croissance est tributaire de la mise en œuvre de politiques sectorielles spécifiques

28 Février 2024

Durant l'année 2023, une certaine détente est observée au niveau du solde courant de la balance des paiements et de l'équilibre du budget de l'Etat. Mais cela a été réalisé au prix du ralentissement de la croissance, de la poursuite de la baisse de l'investissement, de l'augmentation du taux de chômage qui est déjà élevé ainsi que des difficultés d'approvisionnement du marché intérieur, notamment en produits de base.

Le dernier bulletin de conjoncture économique, le Forum Ibn Khaldoun pour le développement (Fikd), précise que la croissance s'inscrit sur un sentier faible qui s'explique, certes, par des facteurs conjoncturels, internes et externes, mais aussi par des facteurs structurels, dont notamment la baisse de la croissance potentielle résultant du niveau faible de l'investissement, la faible compétitivité des entreprises et les difficultés et contraintes rencontrées par les entreprises, dont notamment, selon l'enquête de l'Itceq de 2022, la corruption, le cadre juridique, l'accès au financement bancaire et le climat social.

La même source indique que, outre la relance de l'investissement, principal moteur de la croissance et de création d'emplois, mais à court terme, pour l'année 2024, la relance de la croissance devra être impérativement recherchée à travers la mise en oeuvre d'urgence de politiques spécifiques à chaque secteur, dont l'objectif est de résoudre les problèmes rencontrés et aider les entreprises qui rencontrent des difficultés, en attendant la reprise escomptée de l'investissement.

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Le deuxième défi consiste à rétablir la confiance pour améliorer la visibilité et la mise en oeuvre des réformes structurelles, renforcer la compétitivité, améliorer l'environnement des affaires, stimuler l'initiative et renforcer l'attractivité du pays.

Au prix du ralentissement de la croissance...

La persistance de la sécheresse pour la quatrième année consécutive et le ralentissement de l'économie mondiale ont marqué les réalisations de l'année 2023 avec notamment : un net ralentissement de la croissance du PIB, la poursuite de la baisse de l'investissement et l'augmentation du chômage. L'équilibre de la balance des paiements enregistre une certaine détente sous l'effet de la baisse des importations qui a entraîné une amélioration de la situation de la balance commerciale et la forte augmentation des recettes touristiques, mais au prix du ralentissement de la croissance et de la baisse de l'investissement qui reflète notamment la baisse des indicateurs relatifs au climat des affaires et à la compétitivité de l'économie tunisienne.

Le budget de l'Etat a connu, de son côté, une amélioration relative puisque l'équilibre du Budget pour l'ensemble de l'année 2023 a nécessité l'adoption d'une loi de finances rectificative.

Les difficultés de mobilisation des ressources extérieures constituent enfin un foyer de préoccupation pour le financement de la balance des paiements et du budget de l'Etat, eu égard au niveau élevé atteint par l'endettement.

Les résultats des comptes nationaux trimestriels montrent que le PIB enregistre une baisse au taux de -0,2 % sur un an, au quatrième trimestre 2023 en comparaison au dernier trimestre de l'année 2022.

Au total, l'économie nationale aurait enregistré une croissance à 0,4% sur l'ensemble de l'exercice 2023. Hors agriculture, le PIB annuel progresserait de 1.6%.

La croissance se situe à un niveau faible

Concernant la contribution à la croissance, la demande intérieure en volume s'est repliée de 0,2%, notamment au niveau de l'investissement, affichant une contribution négative de 0,2% à la croissance économique du quatrième trimestre (-0,2). Tandis que le solde des échanges extérieurs de biens et services a affiché une contribution neutre, résultant d'une hausse annuelle du volume des exportations (8,0%), qui a dépassé légèrement celle des importations (6,7%).

La croissance continue à se situer à un niveau faible. Etant rappelé que le PIB a enregistré une baisse de la croissance de 0.6% en moyenne par an depuis la pandémie (2019-2022). Cette situation s'explique, certes, par des facteurs conjoncturels, internes et externes (ralentissement de la croissance mondiale, sécheresse), mais aussi par des facteurs structurels, dont notamment la baisse de la croissance potentielle résultant du niveau faible de l'investissement, la baisse de la compétitivité et les difficultés et goulets d'étranglement rencontrés par de nombreux secteurs.

Dans le court terme, la relance de la croissance devra être impérativement recherchée à travers la mise en oeuvre de politiques spécifiques à chaque secteur dont l'objectif est de résoudre les problèmes rencontrés et aider les entreprises pour faire face à ces difficultés, en attendant la reprise escomptée de l'investissement.

L'investissement continue de baisser

L'investissement s'est caractérisé en 2023 par la poursuite de la baisse. Ceci est corroboré par une faible progression de 2,9% des importations des biens d'équipement aux prix courants correspondant, compte tenu de l'inflation, à une baisse en terme réel (le taux d'inflation annuel de l'Union européenne est de 6,4% en juin 2023).

Cette situation est liée, entre autres, au niveau limité de la liquidité dans le secteur bancaire, en relation avec l'augmentation des emprunts bancaires de l'Etat sous forme de bons de trésor exerçant un effet d'éviction du secteur privé. Ceci en plus des niveaux élevés des taux d'intérêt en liaison avec la poursuite du resserrement de la politique monétaire pour lutter contre l'inflation. Les crédits bancaires accordés à l'économie n'ont augmenté que de +2,2% par rapport à l'année dernière. Pour les IDE, le rythme de progression se ralentit à 7,7% contre 20,0% en 2022. Ce ralentissement s'explique notamment par la baisse des IDE dans le secteur énergétique (-4.3%) et la faible progression dans le secteur des services (1,1% contre 19,9% en 2022).

Il importe de souligner à cet égard qu'une nouvelle analyse de la Cnuced montre que les tendances mondiales de l'IDE ont déjoué les prévisions, mais souligne que la croissance a été tirée par quelques économies européennes «intermédiaires» et soulève des inquiétudes quant au déclin des projets d'investissement internationaux.

Le rapport de la Cnuced souligne également une baisse inquiétante des annonces de projets d'investissements internationaux, l'année dernière, en particulier dans le domaine du financement de projets et des fusions-acquisitions, qui ont chuté respectivement de 21% et de 16%.

Pour ce qui est de l'avenir, le rapport indique qu'une augmentation modeste des flux d'IDE en 2024 semble possible, citant la stabilisation de l'inflation et des coûts d'emprunt sur les principaux marchés.

Il met toutefois en garde contre la persistance de risques importants, notamment les tensions géopolitiques, l'endettement croissant dans de nombreux pays et les craintes d'une nouvelle fragmentation de l'économie mondiale.

Evolution des ressources de l'Etat

Le budget de l'Etat connaît une certaine détente mais les difficultés de mobilisation des ressources de financement extérieures se poursuivent. Les statistiques disponibles sur l'exécution du budget de l'Etat, pour les onze premiers mois de 2023, font ressortir une évolution des ressources de l'Etat de 8,4% contre 13,2% prévus par la loi de finances de 2023, s'expliquant par un rythme plus faible que prévu de l'évolution des recettes fiscales (8.6% contre 14,3% prévu), du fait notamment d'une augmentation faible de l'impôt indirect de 4,6% en relation avec la croissance plus faible que prévue du PIB et la baisse des importations.

Les recettes non fiscales ont augmenté de 26,3%, soit 3.378 MD à fin novembre 2023 contre 2.808 MD une année auparavant en relation avec l'augmentation de la redevance gaz de 14,5%.

Les dépenses enregistrent une hausse de 1,5% contre 6,7% prévus. L'on relève notamment une baisse des dépenses d'intervention de 9,6% et une augmentation des investissements de l'Etat de 12,3%.

Cette évolution des recettes et dépenses de l'Etat a entraîné une baisse du déficit budgétaire de 2.713 MD à 4.882 MD durant les onze premiers mois de 2023 contre 2.087 MD durant la même période de 2022.

Son financement a été réalisé notamment grâce au recours aux crédits intérieurs qui ont totalisé 9.739 MD durant les onze premiers mois de 2023 contre une enveloppe de 9.593 MD prévue par la loi de finances.

Les crédits extérieurs se sont limités, en revanche, à 5.072 MD contre une prévision initiale de 14.368 MD reflétant les difficultés de mobilisation des ressources extérieures de financement.

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