Comme promis lors du dialogue national tenu les 26 et 27 février derniers à l'effet de trouver un consensus autour de la date de la présidentielle, le président sénégalais, Macky Sall, a soumis le 28 février dernier à l'adoption du Conseil des ministres, un projet de loi d'amnistie générale concernant des faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024.
Si l'esprit de « pacifier l'espace politique et de renforcer davantage notre cohésion nationale » est noble, il reste que ce projet de loi d'amnistie générale n'emporte pas l'adhésion de tous les Sénégalais.
A commencer par les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits de l'Homme qui ne voudraient pas voir passer par pertes et profits, certains crimes économiques et de sang. Même au sein de la classe politique tous bords (opposition et majorité) confondus, ce projet de loi d'amnistie n'est pas vu d'un bon oeil par une bonne partie des acteurs qui l'ont, d'ores et déjà, rejeté.
C'est dire si en tenant au forceps son dialogue national qui a accouché des recommandations que l'on sait, Macky Sall a certes enregistré une victoire d'étape dans sa volonté de garder la main sur le processus électoral de bout en bout. Mais a-t-il pour autant gagné la partie ? Rien n'est moins sûr.
Tout porte à croire que Macky Sall croyait pouvoir ruser pour s'éterniser au pouvoir
Car, au-delà de la date du scrutin qui reste à être confirmée, il y a aussi la question de son maintien à la tête de l'Etat au-delà de la fin constitutionnelle de son mandat qui échoit le 2 avril prochain, à trancher. C'est dire si après avoir échoué à faire avaler à ses compatriotes la couleuvre des huit mois de prolongation indue de son mandat, le chef de l'Etat est à la manoeuvre, sans vouloir y paraître, pour rester aux commandes du pays jusqu'au passage de témoin à son successeur. C'est dire jusqu'où il est prêt à aller dans la ruse, pour parvenir à ses fins.
Dès lors, on comprend pourquoi il tient à cette loi d'amnistie générale dont on se demande si elle ne vise pas aussi à couvrir ses arrières. Toujours est-il que si le but est de favoriser le repêchage de certains candidats recalés à des fins inavouées, il faut craindre que cela ne contribue à biaiser le jeu électoral et à raviver les tensions. C'est pourquoi l'on peut se demander si la procédure va prospérer devant le Conseil constitutionnel qui, soit dit en passant, a été saisi par des candidats qualifiés qui demandent ni plus ni moins le respect strict de la Constitution.
Autant dire qu'à quelques encablures de la fin de son règne, le président Macky Sall semble plus que jamais engagé dans une course contre la montre aux allures de jeu d'échecs avec ses compatriotes pour arrondir les angles de sa sortie de scène. Mais en abattant ses cartes les unes après les autres, le successeur d'Abdoulaye Wade se dévoile chaque jour un peu plus dans sa volonté de rester le maitre du jeu jusqu'au bout.
Une fébrilité du locataire du palais de la République, qui en dit long sur son impréparation à l'après-pouvoir. Comment peut-il en être autrement quand, en douze ans de règne, on ne lui a connu aucun dauphin capable d'assurer la continuité de son parti à la tête de l'Etat ?
Il est temps, pour les Sénégalais, de tourner la page
Pour tout dire, avec le recul, tout porte à croire que Macky Sall croyait pouvoir ruser pour s'éterniser au pouvoir, mais il a été surpris par la tournure des événements qui ont abouti à sa renonciation à un troisième mandat dans les conditions que l'on sait. Si fait que toute son action aujourd'hui, vise à sauver ce qui peut l'être encore des meubles pour se ménager la meilleure porte de sortie de l'Histoire de son pays.
Pour autant, le chef de l'Etat sénégalais devrait se garder de trop tirer sur la corde en évitant de pousser son pays dans un imbroglio politique et juridique qui ne manquerait pas de faire jurisprudence au Sénégal. Ceci étant, à la lumière des conclusions du dialogue national qui a retenu la date du 2 juin prochain pour la tenue de la présidentielle, on peut se demander si les absents n'ont finalement pas eu tort de ne pas y participer, ne serait-ce que pour porter la contradiction.
Mais ils ont encore pour eux le Conseil constitutionnel à qui revient le dernier mot et qu'ils ont saisi aux fins de faire respecter la Constitution. Seront-ils entendus ? On attend de voir. En tout état de cause, il est temps, pour les Sénégalais, de tourner la page et de dépassionner le débat pour aller enfin à cette présidentielle qui cristallise toutes les attentions et qui n'en finit pas de faire couler beaucoup d'encre et de salive au-delà des frontières du pays. Il y va de la paix sociale et du bien de la démocratie.