Afrique: Coopération - Un accord minier signé entre l'UE et Kigali

L'Union européenne (UE) et le Rwanda ont signé un accord de coopération pour l'exploitation de minerais alors que l'Occident est critiqué pour son silence sur les agissements de Kigali en République démocratique du Congo (RDC).

Le protocole d'accord a été conclu entre les deux parties pour renforcer leur coopération dans le secteur des mines, notamment en ce qui concerne des matières premières critiques comme le tantale, l'or et le tungstène. Bruxelles insiste sur la traçabilité et la lutte contre le trafic de minéraux que garantirait cet accord. Mais la Commission européenne justifie aussi son choix par " l'Etat de droit " qui existerait au Rwanda, un pays connu pourtant pour la répression des opposants politiques. Le contexte dans lequel cette signature a eu lieu est, par ailleurs, problématique, alors que des drapeaux de l'UE ont été brûlés par des manifestants à Goma, dans l'Est de la RDC. Ceux-ci reprochaient aux Etats occidentaux leur silence sur les agissements du Rwanda en RDC.

« L'hypocrisie totale de l'UE »

En signant ce protocole d'accord, l'UE et le Rwanda entendent renforcer leur coopération dans le secteur minier rwandais, notamment la traçabilité et la lutte contre le trafic illicite de minerais. Ce dernier point n'est pas anodin puisque le Rwanda est accusé par la RDC, son voisin, de piller ses ressources minières dans l'Est de son territoire, notamment ses mines d'or. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, a assuré que son pays "attache une grande valeur à son partenariat avec l'UE et se réjouit de ce nouveau renforcement de la collaboration ".

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Même contentement du côté du commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, qui a déclaré : "Le Rwanda est un important fournisseur de tantale, d'étain, de tungstène, d'or et de niobium, et il dispose de réserves de lithium et de terre rares. Par ce partenariat mutuellement bénéfique, nous voulons mettre en place une chaîne de valeur résiliente et durable pour les matières premières, couvrant l'extraction, le raffinage, la transformation, le recyclage et le remplacement. La transparence, la traçabilité et les investissements sont au coeur du partenariat UE-Rwanda dans le domaine des matières premières critiques ".

La Commission européenne se félicite du fait qu' "une raffinerie d'or existe déjà (au Rwanda) et une raffinerie de tantale sera bientôt opérationnelle". Or, les rapports successifs des experts des Nations unies rappellent que l'or traité dans cette raffinerie est en grande partie sorti illégalement de RDC. Selon l'Office des mines du pays, en 2023, les recettes d'exportation de minéraux du Rwanda ont augmenté de 43% pour atteindre plus de 1,1 milliard de dollars. L'objectif du pays est de générer 1,5 milliard de dollars de recettes d'exportation de minerais en 2024.

Parmi les minéraux qui ont dopé les exportations, il y a notamment l'or ou encore le coltan. Quasiment 60% de ces exportations sont dirigées vers les Emirats arabes unis ou la Chine. L'UE a donc du retard à rattraper et c'est ce qui pourrait inciter Bruxelles à être moins regardant sur la démocratie. "Grâce à l'Etat de droit et à un environnement favorable aux investissements, le Rwanda a la capacité de devenir une plaque tournante dans le domaine de la création de valeur ajoutée dans le secteur des minerais ", précise la Commission européenne.

Pour Bernard Ntaganda, président du Parti social Imberakuri au Rwanda, le timing est mal choisi pour signer un accord minier. Il évoque les tensions diplomatiques entre Kigali et Kinshasa qui l'accuse de soutenir les rebelles du M23 dans l'Est de son territoire, ce qui lui permettrait de piller les ressources minières dans la province du Nord-Kivu. "L'Union européenne recense sans cesse les violations graves des droits de l'Homme ici au Rwanda. La même UE passe des accords avec le gouvernement rwandais. Cela nous montre l'hypocrisie totale de l'UE", estime-t-il. Du côté de la RDC, on observe avec inquiétude le renforcement de la coopération entre l'UE et le Rwanda, souligne le juriste Jean-Claude Katende qui travaille pour la promotion des droits de l'Homme et la transparence des industries extractives.

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