Le Dr Anjali Boyramboli, psychologue, met en avant, après plusieurs consultations de ses patients-fonctionnaires, que le burn-out et les tendances suicidaires sont très présents. Elle liste les raisons qui y contribuent et donne des exemples dont elle a récemment été témoin.
Quels sont les défis auxquels sont confrontés les travailleurs à Maurice dans leur quête de satisfaction professionnelle ?
De nombreux travailleurs à Maurice éprouvent une insatisfaction au travail en raison de divers facteurs tels que les possibilités de croissance limitées pour les diplômés dans des filières spécifiques et le manque de soutien des superviseurs à l'égard de personnes vivant avec un trouble psychique. Au cours de ces dernières années, Maurice a été le témoin de tragiques cas de suicide parmi les employés du gouvernement, notamment des femmes. Ces incidents douloureux révèlent une réalité alarmante : le mal-être et la détresse qui rongent silencieusement certains fonctionnaires. Trop souvent, les employés se sentent isolés et négligés dans leur milieu de travail. Le manque de soutien et de compassion de ceux qui les entourent peut amplifier leur désespoir, les laissant seuls face à leurs luttes internes.
Quels sont, selon votre constat, les impacts psychologiques des employés travaillant dans les différents ministères ?
À la suite de plusieurs séances cliniques, les fonctionnaires qui sont venus pour des séances de gestion du stress ont avoué ce qui suit : stress et anxiété, épuisement professionnel, burn-out. Des sentiments de frustration à cause d'une bureaucratie excessive, et des difficultés à effectuer des changements significatifs dans les systèmes et les politiques. Il y a aussi le manque de motivation et les impacts émotionnels, tels que la maltraitance entre collègues. Entre autres, les principales causes de dépression proviennent d'employés ayant des qualifications académiques plus élevées, qui occupent des postes inférieurs et dont les supérieurs ont une formation académique inférieure, ainsi que la mauvaise attribution des qualifications académiques des employés à différentes désignations professionnelles et non professionnelles.
À qui la responsabilité ?
Les ressources humaines dans chaque ministère devraient apprendre à détecter les employés souffrant de stress, de dépression ou de tendances suicidaires, au lieu de se concentrer uniquement sur l'aspect administratif, et à les orienter vers des séances de counseling ou de suivi psychologique.
Pouvez-vous donner un exemple de la frustration rencontrée par un fonctionnaire ?
Bien sûr. Par exemple, un fonctionnaire avec un Masters in Business Administration peut se sentir frustré lorsqu'il doit travailler sous la supervision d'un chef-nominé politique qui n'a pas de qualifications académiques avancées.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les cas que vous avez eus ?
Cas 1 : Rita (nom fictif) est une patiente qui consulte en psychologie depuis quelques mois. Au cours d'une session, elle a raconté en toute confiance qu'elle est harcelée par son supérieur hiérarchique au travail. Elle a expliqué que ce supérieur, bien que moins qualifié sur le plan académique qu'elle, abuse de son autorité et la maltraite verbalement. Rita se sent impuissante car aucun de ses collègues n'ose confronter ce supérieur. Elle se sent isolée et désespérée face à cette situation, ce qui affecte grandement son bien-être émotionnel.
Cas 2 : Dev (nom fictif) est un autre patient qui travaille dans la Fonction publique. Lors de ses séances, il a évoqué les intimidations subies de ses collègues. En raison de son poste de Management Support Officer, il est constamment rabaissé et traité de manière dégradante par ceux qui occupent des postes supérieurs.
Le burn-out...
Le burn-out chez les fonctionnaires, générant souvent des tendances suicidaires, ne date pas d'hier, selon le syndicaliste Narendranath Gopee. Il soutient cependant qu'actuellement, il a été noté que de plus en plus de fonctionnaires se retrouvent stressés et en situation de burn-out. Premièrement, explique notre interlocuteur, ce serait principalement parce que des postes vacants au sein de plusieurs ministères ne sont pas occupés depuis l'avènement du Covid-19. «Il y a ainsi une pression terrible car plusieurs fonctionnaires doivent faire le travail de deux ou trois personnes.»
Narendranath Gopee explique aussi que dans le scheme of duties, il est même stipulé que la personne doit être capable de travailler sous pression. «Ce n'est pas normal.» Le syndicaliste explique aussi qu'en ce moment, il y a un sentiment proche du burn-out chez des fonctionnaires car il y a aussi une certaine pression exercée par certains ministres qui exigeraient que des dossiers soient traités en urgence. «Cette interférence entre ministres et fonctionnaires joue aussi un rôle important.»
Il souligne que des tendances suicidaires, il y en a. De rappeler les épisodes d'au moins deux Procurement Officers retrouvés morts dans des situations douteuses et sur lesquels le doute plane toujours. Il considère que pour encadrer davantage les fonctionnaires, il aurait fallu adopter le Public Service Bill. Narendranath Gopee dénonce aussi le fait que le sujet du burn-out ne puisse pas être discuté car «il est difficile, depuis un certain temps, de planifier une réunion en ce sens avec le chef de la Fonction publique».
D'autres sources sûres expliquent que le burn-out est aussi noté dans le secteur de la Santé. Il y a eu le Covid-19, mais aussi le manque d'effectifs, et en ce moment, la dengue. «Mais c'est surtout le manque de personnel qui cause cet état de fatigue intense. Certains infirmiers travaillent durant des longs shifts...», explique une source à la Santé.