Congo-Kinshasa: Nombreuses réactions après les résultats de l'autopsie de Chérubin Okende

En RDC, la conclusion du parquet général congolais affirme que Chérubin Okende serait mort par suicide, la nuit du 13 au 14 juillet 2023, à Kinshasa. Après sept mois d'enquête, le parquet a annoncé jeudi 29 février que « l'autopsie » et « les expertises » avaient établi que l'opposant s'était « suicidé ». Elle a divulgué un agenda dans lequel celui-ci aurait écrit qu'il était au bout du rouleau.

En République démocratique du Congo, le corps de Chérubin Okende avait été retrouvé dans des circonstances troubles le 13 juillet 2023, assis au volant de sa voiture sur un boulevard de Kinshasa. L'enquête sur la mort de l'opposant politique a conclu à un suicide jeudi 29 février.

Ce résultat est contesté par la famille de l'ancien ministre des Transports et député d'opposition, mais également par son parti Ensemble pour la République. Et les réactions aux résultats de l'autopsie se sont multipliées. Vendredi 1er mars, l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ) s'est dite « profondément déçue » par la conclusion du parquet. Le président de l'Association africaine pour les droits de l'homme, Jean-Claude Katende, a critiqué une conclusion « ridicule ».

Quant au mouvement citoyen, la Lucha, il juge les conclusions de l'enquête « totalement scandaleuses et révoltantes », indique Stewart Muhindo, membre de l'organisation. « Toutes les photos, tous les premiers éléments du dossier, même analysés par un novice, laissent à croire qu'il y a eu un meurtre et c'est incompréhensible que la justice conclue à un suicide », a-t-il déclaré.

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Toutes les photos, tous les premiers éléments du dossier, même analysés par un novice, laissent à croire qu'il y a eu un meurtre et c'est incompréhensible que la justice conclue à un suicide. Et cela rappelle surtout d'autres affaires importantes qu'on a connues dans ce pays. C'est notamment l'assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana qui, dans un premier temps, avait été fait passer pour un suicide, en mettant notamment des préservatifs dans la voiture du défenseur des droits humains. On a aussi vu les meurtres, notamment de notre camarade Luc en 2018, qui a été maquillé en un accident, alors qu'il a été brûlé vif dans sa maison. Donc, c'est une pratique régulière, récurrente qui est des services de sécurité, atteinte à la vie de ceux qui critiquent et font passer cela pour soit un accident, soit un acte de suicide. Pour nous, c'est scandaleux, c'est honteux et l'UDPS, qui a longtemps milité au sein de l'opposition. Sa coutume a des pratiques qui révoltent à ce point. Nous appelons tous les experts, y compris internationaux, qui ont pris part aux enquêtes à pouvoir rendre publiques leurs conclusions parce qu'on ne croit plus à la justice congolaise dans ce qu'elle a communiqué.

01:06 «C'est une pratique régulière, récurrente, qui est des services de sécurité», déclare Stewart Muhindo, du mouvement citoyen la Lucha.

Alexandra Brangeon « Le travail du parquet est humain », dit la majorité présidentielle

Pour sa part, la majorité au pouvoir soutient les conclusions du parquet. Selon, Jean Thierry Monsenepwo, communicateur de l'Union sacrée, « le travail du parquet est humain, c'est-à-dire qu'il ne sera jamais à 100% terminé. À ce stade, je pense qu'il faut l'accueillir et l'accepter. S'il fallait demain qu'il puisse avoir davantage d'éléments à intégrer dans ce travail qui a été fait, ouvrir la brèche, comme l'a dit le gouvernement, il n'y a pas de problème. Mais pour l'instant, nous faisons confiance à notre justice et nous sommes convaincus que le travail qui a été fait a été à la mesure des moyens et des dispositions de notre justice », a-t-il notamment affirmé.

Le travail du parquet est humain, c'est-à-dire qu'il ne sera jamais à 100% terminé. À ce stade, je pense qu'il faut l'accueillir et l'accepter. S'il fallait demain qu'il puisse avoir davantage d'éléments à intégrer dans ce travail qui a été fait, ouvrir la brèche, comme l'a dit le gouvernement, il n'y a pas de problème. Mais pour l'instant, nous faisons confiance à notre justice et nous sommes convaincus que le travail qui a été fait a été à la mesure des moyens et des dispositions de notre justice. Le crime d'État a été écarté depuis très longtemps, étant donné qu'il n'y avait pas de motif ni de mobile qui pousserait le régime ou les institutions de la République à mettre un terme à la vie de celui qui a été ministre des Transports dans ce pays et député national. Chérubin Okende ne dérangeait en rien le régime, puisque les antithèses qu'il a portées étaient, de manière scientifique et républicaine, acceptables. Je ne vois pas quel serait l'élément qui lierait l'État ou les institutions à la mort de notre regretté frère, Chérubin Okende

00:56 La réaction de Jean-Thierry Monsenempwo, porte-parole de la majorité présidentielle

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À la Une: réactions sur l'enquête de la mort de l'opposant Chérubin Okende

Désormais, c'est devant la justice belge que l'affaire devrait se déplacer L'avocat belge de la famille de Chérubin Okende conteste la thèse du suicide. La conclusion du parquet général à Kinshasa était déjà contestée par son parti et par des organisations de défense des droits de l'Homme. Désormais, c'est devant la justice belge que l'affaire devrait se déplacer.

Depuis le 7 novembre, la mort de Chérubin Okende fait l'objet d'une plainte en Belgique. La plainte a été déposée à l'encontre du chef du renseignement militaire congolais, Christian Ndaywel, car il a la nationalité belge, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Maître Alexis Deswaef va relancer le dossier. Il interpelle directement le ministre de la Justice pour avoir le rapport de l'experte belge dépêchée à Kinshasa le 3 août dernier pour assister avec un expert sud-africain à l'autopsie de Chérubin Okende.

« Plus que jamais, la procédure en Belgique revêt toute son importance. La communauté internationale a une responsabilité d'avoir avalisé aussi facilement le hold-up électoral d'un pouvoir autoritaire et, je le rappelle, l'enfermement, l'arrestation et la détention de Salomon Kalonda, Stanis Bujakera, et la manière dont les élections se sont déroulées. Je pense qu'il y a maintenant de la part des autorités sud-africaines et des autorités belges des réponses à donner à nos questions », a déclaré Alexis Deswaef.

Le nouveau ministre belge de la Justice s'est contenté pour l'instant de dire qu'il ne pouvait divulguer le rapport, car il fait partie d'une enquête. L'affaire a été confiée au parquet de Bruxelles, mais la justice belge examine actuellement si elle doit être transférée à la section droit international et humanitaire du parquet fédéral.

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